Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« La théologie politique et le messianisme dans la Zone | Page d'accueil | Le Trafiquant d'épaves de Robert Louis Stevenson »

02/09/2015

Le corps politique de Gérard Depardieu de Richard Millet

Photographie (détail) de Juan Asensio.

2681642119.jpgRichard Millet dans la Zone





Si elle était douée d'un cerveau, la blonde de Neuilly dont nous avions esquissé le très rapide portrait estimerait que l'un des plus récents essais de Richard Millet (nous n'osons dire, le dernier, tant ce cacographe parvient à publier, à un rythme sidérant, ses cacographiques productions) est pour le moins embrouillé. Il n'en est pas moins intéressant, non pas tant pour ses propres qualités d'écriture, ses vues sur telle ou telle thématique, la profondeur de son raisonnement, que parce qu'il nous offre la vision, assez incroyable tout de même pour qui ne possède aucune notion scientifique en tératologie, de la destruction progressive d'une intelligence qui s'enferme volontairement dans un discours tournant à vide, devenu fou, lui-même monstrueux. Si le cerveau, nous l'avons dit hypothétique, de notre lectrice blonde était en outre assez bien configuré, il pourrait même lui suggérer que le plus récent essai, et non le dernier donc, car il n'y a jamais de dernier essai de Richard Millet, n'est que la plus récente confirmation de l'imposture intellectuelle constante, répétée, point du tout honteuse et même fière de son courage, de plus en plus folle et abjecte, que représente un essai de cet auteur qui écrit dans un cabanon paradoxal, public, puisqu'il parvient fort aisément à se faire publier. J'appelle fou l'essayiste Richard Millet, et complice de sa folie tout éditeur qui publie ses essais. J'appelle imbécile, en revanche, ou mauvais lecteur, ou lecteur tellement idéologisé qu'il ne sait plus lire, toute personne qui prend pour argent comptant le développement inquiétant de la folie de cet homme. Il apparaît de cela qu'un éditeur, qui est d'abord un lecteur, peut être un parfait imbécile, ou un mauvais lecteur, c'est au fond un peu la même chose.
CLo0CasWsAAzPcn.jpgJ'ai aussi bien écrit, noir sur blanc, qu'un essai de Richard Millet est une imposture intellectuelle, que nul ne semble devoir désigner comme telle, dans ce pays où pourtant le dernier concierge se pique de lettres, et je crains même que cette série de débâcles que sont les textes à prétentions intellectuelles de Richard Millet ne finisse par me faire relire un ouvrage comme Le sentiment de la langue avec bien peu d'aménité, pour y lire, ou plutôt y redécouvrir, toutes les petitesses que j'ai lues dans les textes qui ont suivi ce dernier.
Richard Millet est loin, mais alors très loin des préoccupations immédiates de notre ridicule blonde et mon lecteur pourrait à bon droit se demander pourquoi, venu lire un article sur un des innombrables essais du dernier écrivain de race française (comme on le dit des vaches charolaises) encore vivant, je l'ennuie avec les aventures convenues (amourettes et gaudrioles plus ou moins virtuelles, Emma s'ennuie et elle a baisé tous les Charles) d'une connasse tout aussi plate qu'une limande élevée dans une piscine genevoise. Eh, que ne me remercie-t-il pas plutôt, cet ingrat, puisque, en évoquant tout autre chose qu'un essai de Richard Millet, par exemple la trajectoire fulgurante d'une idiote, je lui inflige en somme la même punition que ce dernier administre à ses lecteurs, lui qui ne parle jamais, ou presque jamais, du sujet qui devrait être celui de son livre, que je rappelle obligeamment : le corps politique de Gérard Depardieu, soit quelque chose comme la beaufisation intégrale de la France mâtinée de très vagues considérations de théologie politique ! De la sorte, en lui infligeant une telle punition, je devance son ennui, et le dégoûte de lire Richard Millet, dont par surcroît il associera la logorrhée aux maigres cavalcades d'une bourgeoise décérébrée.
19046162334_c157504b87_o.jpgPuis c'est en partie faux d'affirmer cela car parler de la pluie et du beau temps, d'une blonde se piquant de réfléchir, de son probable amant tout aussi ridicule qu'elle, des affres de Micheline ou de Delphine, c'est encore, toujours, évoquer la France ou ce qu'il en reste, donc évoquer Richard Millet ou ce qu'il reste de ce polygraphique et patient compilateur de sa propre geste auréolée de la gloire des Anciens, les Français de souche, les simples, les gueux, les Depardieu. En quelque sorte, sombrer dans la vulgarité, la facilité, c'est immédiatement retrouver un certain nombre d'auteurs (Soral, Millet, etc.) tout autant embourbés dans ces matières à fumerolles, alors qu'ils prétendent s'en tenir soigneusement éloignés : la France beaufarde a les intellectuels qu'elle mérite, après tout.
Livre ouvert, aussitôt refermé mais il faut pourtant se forcer à l'ouvrir de nouveau, tant la première page, qu'il faudrait citer intégralement, est caricaturale : déploration, grandeur en toc, aigres lyres de la France qui n'est plus mon bon Monsieur Pinot, toutefois retenue de sombrer dans l'abîme de la décrépitude par la seule présence de rétiaire, de combattant (dans les phalanges chrétiennes d'une imagination qui se prendrait pour la réalité ?), de dernier, bien sûr, grand écrivain français vivant, Richard Millet l'unique, suite de mots sans beaucoup de sens ni d'ordre, qui s'appellent les uns les autres, confrontent leurs sonorités et les trouvent agréables, font la bagarre puis, parce qu'en fait ils n'ont de force qu'une factice énergie, s'écroulent minablement, se transforment en flache sentant la merde sèche, pulvérulente. Ces mots merdeux, qui poissent et collent aux yeux, à la langue et au cerveau : «décomposition», «effacement historique», «déclin programmé», «bien-être», «humanisme athée», «indifférence générale», «peuple français», «mouvement vertical de l'assimilation», «droit au sang», «immigration de masse», «guerre civile», «multiculturalisme officiel», «expiation des crimes de l'Europe», «fécondes tensions post-dialectiques», «forme nouvelle de barbarie». Je précise que tous ces mots tiennent, chez Richard Millet, dans une seule phrase, et que nous pourrions les mettre à peu près dans l'ordre que nous souhaiterions, comme d'ailleurs l'auteur lui-même ne manque pas de le faire (1), car l'ordre des mots, chez Richard Millet, n'a aucune espèce d'importance, puisque cela compte seulement qui les fait s'entrechoquer dans un cliquetis de bibelots en fer blanc. Tout au plus, parce qu'il finit lui-même par s'embrouiller quelque peu la concaténation, l'auteur saupoudre sa soupe indigeste de «soit» et de «autrement dit» (p. 9), censés, du moins sommes-nous fondés à le supposer, lier le potage, et empêcher que ses différentes composantes, racisme sourd, envie plutôt que saine colère, ignorance crasse (y compris et surtout, en littérature), victimisation mensongère, auto-éploration impudique, gras mensonges à vertus romanesques (la Guerre du Liban), bêtise de comptoir, ne soient point trop disparates.
Ailleurs, c'est le remugle de l'accumulation paraphrastique, déferlement de méchants mots que rien ne relie, pas même, peut-être, comme nous aurions pu l'attendre d'un homme qui se redit écrivain du soir au matin, leur sonorité, baratin d'escamoteur de petit pois vaguement gréé par de martiaux «nous, veilleurs des confins» (p. 10), ce «nous» qui, chez Richard Millet, n'est jamais qu'un «moi», un lui, lui et encore lui, lui contre tous les autres, surtout si l'autre n'est pas vraiment, comme lui, blanc et catholique.
«Nous qui ne donnons pas dans le culturel» (p. 14), nous qui «ne crions pas dans le désert», ne «courons pas dans la nuit», «ne sommes pas encore morts», alors que «le capitalisme a pourtant programmé [notre] disparition» (p. 15), nous qui «revendiquons le surnaturel chrétien», dont «la pratique littéraire, écrit Richard Millet, est l'autre nom» (p. 16), alors que, quelques pages avant, ce littéraire était aussi peu défini, censé englober «tous les arts, y compris le politique» (p. 13), nous qui, n'est-ce pas, mon cher Richard, ne sommes pas capables d'écrire autre chose que de grandes affirmations creuses que vous, vous, Richard Millet, ne prenez jamais la peine d'analyser ni même, voyez de quoi nous nous contenterions, de développer quelque peu.
Celui, lecteur intrépide ou fanatique, mais hagard toutefois d'avoir survécu à cette traversée de l'insignifiance, celui qui a réussi à venir à bout de ce premier chapitre ridicule, immonde, loufoque, pitoyable, indigeste, involontairement comique, découvre enfin l'acteur principal de ce drame de l'insignifiance bavarde qu'est un essai de Richard Millet : Gérard Depardieu bien sûr, qui «incarne la France» (p. 17) et qui, comme les pages qui suivent auront tôt fait de nous le démontrer, n'est qu'un prétexte, tout comme Anders Breivik était, pour Richard Millet le confusionniste, un prétexte pour cracher sa haine, faire preuve de son faux talent de bonimenteur, nous jouer la saynète de l'homme ostracisé, le plus ostracisé de France, à placer à la queue leu leu, loup qui, chez lui, n'est qu'une bécasse affligée de logorrhée, des mots creux derrière lesquels Richard Millet n'est pas plus capable de nous tromper que ne nous tromperait un dresseur d'ours quant à l'amour qu'il prodigue à sa pauvre bête. Et c'est, en conséquence, un nouveau déferlement de grands mots vides et d'expressions faussement originales, donnons-en quelques-uns : «barbarie petite-bourgeoise», «inversion générale des valeurs» (p. 21), «devenir yankee du monde», «indifférenciation générale» (p. 23), «mondialisation capitaliste» (p. 24), «actualisation de la Terreur qu'est le Culturel» (p. 28), «uniforme du capitalisme mondialisé» (p. 29), «victorianisme pornographique» (p. 42), «dégénérescence de l'universalité» (p. 47), tant d'autres encore, je pourrais citer, ainsi, intégralement le texte de Richard Millet, puisque jamais nous ne sommes confrontés à une idée quelque peu originale, à tout le moins, une idée qui serait prise sans ménagement, décortiquée, analysée, poursuivie de seuil en seuil et d'image en image. Aussitôt posée sur une branche, l'intelligence de Richard Millet, fluette comme un moineau mais obsédée comme un phénix qu'on empêcherait de brûler, ne songe qu'à s'élancer dans le ciel, exécuter son petit numéro de penseur volatil(e), et c'est cette petite danse insignifiante, ce vol pusillanime et picrocholin, que certains, en France, tiennent pour une preuve de style littéraire et même, et même, de pensée !
Ainsi, du corps politique de Gérard Depardieu, thématique qui eût pu nous laisser croire que Richard Millet, à tout le moins, esquisserait quelque ébauche d'analyse sur le corps du Roi, celui, invisible, pas moins réel, du royaume de Dieu qu'il est censé incarner et représenter, en convoquant pourquoi pas les grands auteurs de la théologie politique, au premier rang desquels, sur cette question, Ernst Kantorowicz bien sûr. Qu'avons-nous, en lieu et place d'une analyse, eût-elle été modeste, sur cette thématique fascinante des deux corps du Roi, dans la rinçure prétentieuse de Richard Millet ? Nous avons ceci : «Ceci est mon corps», semble suggérer Depardieu, comme pour mieux signaler la vérité de ce que révèle ce corps dont il nous fait don, la mort de la culture française accompagnant la France d'une disparition devenue label» (p. 35) ou bien, plus loin : «Depardieu : l'ultime monstre sacré, sur qui la politique n'a pas de prise» (p. 36). N'est-ce pas tout simplement prodigieux de hardiesse et de hauteur intellectuelles ?
Bon. Est-ce bien tout ? Oui. Vraiment ? Oui, vous n'avez qu'à lire ce livre, si vous croyez que j'exagère. Vous n'avez qu'à vous confronter, façon de parler, à des jugements aussi péremptoires et creux, vagues généralités ronflantes, que ceux sur Les Valseuses, «film littéraire, la littérature cherchant la profondeur dans la surface, en subvertissant l'horizontalité par un langage contestant l'innocence perverse et sans langue des scénarios redondants et plagiaires qui se proposent aujourd'hui sous les noms d'art, de roman, de film, de musique...» (p. 43) ou encore cette autre fadaise, parlant d'un «abîme matérialiste, dont l'islamisme est une des figures pornographiques» (p. 49). C'est en somme toujours le même procédé : Richard Millet emploie un grand mot qui ne veut plus rien dire et, d'une virgule, grâce à un participe présent (cf. p. 43), établit une identité qu'il s'imagine sans doute être parlante, alors qu'elle n'est, au mieux, qu'imprécise, peu concluante, le plus souvent mensongère, toujours grandiloquente, avec un autre mot qui ne veut plus rien dire. Ce petit tour de passe-passe passe, mais oui, pour de la pensée.
Et cela continue ainsi durant des pages, que dis-je, des livres, l'accumulation cliquetante des mots creux, «l'obsession d'une humanité en transhumance sexuelle postidentitaire mais régulée par l'hygiénisme pornographique» (pp. 55-6), mots creux qui se brisent face au roc impavide du «Nous», le pluriel de majesté que Richard Millet, du haut de son trône de verbosités, s'adresse à lui-même : «Nous savons, nous autres hérétiques du Bien» (p. 51), nous qui «n'abandonnons pas, même dans notre résignation à ne plus être français» (p. 65), avec, parfois, soyons justes, une idée intéressante, que Richard Millet, tout pressé de dévider sa pelote de mots pourris, n'attrape même pas au passage (2), pas plus qu'il n'analyse cette impossibilité de la figure et de la chair du père, que Depardieu est censé, si je puis dire, incarner (cf. p. 77), car la pensée, si ce mot n'est pas trop fort, de Richard Millet ne fonctionne, mais à plein régime, comme une mécanique devenue folle, que par des associations d'idées, pas même, non, par des associations de mots et même de sons qui doivent le mettre en transe, ce par quoi Richard Millet est incontestablement poète, mais poète dégénéré, poète enfermé dans un camp de concentration verbal d'où il ne s'échappera que mort ou bien, et c'est le rêve de tous les fous, lorsque la Terre entière se sera convertie à son chamanisme incantatoire.
Et cela repart bien sûr, car, désormais, du moins depuis quelques années, Richard Millet, comme d'ailleurs Renaud Camus, ne peut plus se taire, et que les mots ont empoisonné son cerveau. Ils ne tarderont pas à empoisonner son corps et alors cette pourriture verbale s'incarnera dans le corps même de Richard Millet qui deviendra, même si nous ne le lui souhaitons pas un tel destin eschatologique, un corps politique, un corps gonflé d'une merde et d'une boue de pourriture que quelque intrépide journaliste (le si mignonnet Romaric Sangars ?) souhaitera gifler et alors, à quelles débauches de dolorisme n'assisterons-nous pas, sous la plume faisandée de Richard Millet devenu, enfin, Monarque visible, outragé, risible, Christ cloué sur la Croix de l'Opprobre d'être Français, et dernier écrivain, et phare de lumière trouant les ténèbres de la barbarie universelle ! : «Pas de sagesse, donc, mais la foi, la toute-puissance de la foi, et son accomplissement dans le doute, la nuit profonde, trouée d'éclairs, la déréliction, même, et tout ce qui mène à la joie à travers les flammes» (p. 83).
Et cela repart disais-je, Richard Millet étant toujours parfaitement incapable de nous expliquer pour quelle raison inouïe le corps politique et le corps romanesque de Depardieu seraient une seule et même réalité (cf. p. 89), ou pour quelle raison que nous devinons profonde, organique même, le fait de «péter en barytonnant, comme dit Rabelais» (p. 91), doit livrer une vérité de dernière heure du monde sur la France actuelle, mais Richard Millet, généreux cacographe ne s'arrêtant pas aux détails, préfère ouvrir le robinet, avec lui jamais grippé faisons-lui confiance, d'un lyrisme de clown non pas triste mais écumant de rage, d'un de ces princes contrefaits à la voix déformée que nous avons pu voir (ou plutôt, seulement : entendre) dans Les harmonies Werckmeister de Béla Tarr. Il nous prédit l'Apocalypse et, de fait, c'est un peu comme si sa prose désordonnée, sans queue ni tête, allait finir par en hâter la venue car, bien souvent, ce sont les prophètes de malheur qui hâtent la survenue de ces derniers, trop contents que les événements confirment les délires qui les faisaient tenir pour fous à lier.
Et le monotone filet de langue putréfiée se remet à couler; à vrai dire, il n'a jamais cessé de couler, comme la rigole de pus qui s'écoule d'un bubon éclaté, finalement la meilleure image qui pourrait caractériser la prose malade de Richard Millet : «ce kitsch qui est le destin politique de la postlittérature française», ou encore «le narcissisme politico-romanesque, semblable à des cris d'oiseaux piaillant au crépuscule – le babil postlittéraire» (p. 93), quelques passages (cf. p. 97, où le style syncopé de ce gribouilleur fonctionne), miraculeusement, sauvant le livre de Richard Millet de l'imposture complète et de l'échec patent, absolu, de toute forme d'analyse, comme nous le constatons dans l'extrat qui suit : «Ce que nous montre la filmographie de Depardieu, dans le meilleur comme le pire, c'est le mouvement par lequel la culture s'est réduite à la propagande, à la sociologie, à la moraline, à une langue qui s'est d'abord dégradée au cinéma avant de dégénérer dans le journalisme puis dans la narratique qui tient lieu de roman et de «grand récit»» (p. 100). En marge de ce passage, j'ai noté : Ah bon ?, commentaire aussi banal que lapidaire qui pourrait devenir le titre d'une improbable thèse sur l'écriture de Richard Millet essayiste, même si l'essai boursouflé (3) que nous venons d'évoquer est, peut-être, le moins mauvais (4) de tous ceux que nous avons évoqués auparavant, ce qui ne peut que nous donner une idée assez précise du niveau de ces derniers et de la production pléthorique d'un auteur malade de tout dire, et ne disant plus rien, ne suintant plus rien d'autre qu'un filet morne de banalités et de mots-valises, où l'auteur transporte, d'un éditeur à l'autre, ses haines recuites.
Je n'irai pas regarder de près ce jus de morgue, et ne sais donc pas si le corps politique de Richard Millet et non plus celui de Gérard Depardieu, «grand miroir de notre déchéance, de notre absence au monde et à nous-mêmes» (p. 107), est aussi celui de la France, mais il est évident, pour qui sait lire du moins, que ce spectacle de la décomposition d'une langue et d'une pensée peuvent, de manière souterraine, comme au travers d'un miroir déformant, nous indiquer que nous nous tenons nous-mêmes au centre même d'un charnier rempli de corps en décomposition (celui de la langue, celui du pouvoir politique, celui de l'art, celui de la littérature, etc.), Richard Millet, aussi pâle qu'une ombre, se nourrissant de pleines poignées de mots décomposés ramassés dans les charognes ouvertes par la vermine en éclosion, comme une pythie hurlante de fin du monde, incompréhensible et devenue folle de terreur.
Appelons ce pauvre homme un enfant humilié, et, surtout, prions pour lui, car il doit être terriblement dur de se croire le dernier écrivain de France et peut-être même du monde et de ne disposer, en guise de talent, que la pièce trouée de l'auto-complaisance dont pas même un de ces mendiants que méprise Richard Millet ne voudrait.

Notes
(1) Richard Millet, Le corps politique de Gérard Depardieu (Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2015), pp. 7-8.
(2) Ainsi de cette remarque sur la première Mouchette, dont l'abbé Donissan représenterait «un impossible père, pourtant le seul qui vaille» (p. 75, l'auteur souligne). Millet cite de nouveau Bernanos (à la page 81), mais pour tirer de consternantes platitudes sur «l'effroyable monotonie du péché».
(3) La mise en page est éloquente, à cet égard, qui tente de gonfler le texte, finalement court (mais point dense) de Richard Millet.
(4) Certaines images frappent dans leur exagération même, comme : «La farce continue cependant. L'encre prend la fade couleur du ciel sous lequel Gérard Devereaux sodomise le ministre de la Culture devant les intermittents du langage» (p. 104).