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10/03/2014

Le Grand Remplacement suivi de Discours d'Orange de Renaud Camus

Crédits photographiques : Sergei Grits (Associated Press).

Rappels.

2681642119.jpgRichard Millet dans la Zone.





2956742538.jpgRenaud Camus dans la Zone.





1933797059.jpgLangages viciés.





Le Grand Soubassement de la position politique camusienne ou un peu d'histoire française ne nous fera pas de mal

C'est dans un texte, intitulé La droite révolutionnaire entre les anti-lumières et le fascisme et ajouté en guise d'introduction à son étude désormais classique quoique contestable, La droite révolutionnaire, que Zeev Sternhell affirme qu'il existe une spécificité française du fascisme : selon l'historien, notre pays a constitué «le véritable laboratoire idéologique du fascisme en tant que phénomène européen» (1). La conclusion de cet ouvrage, bien plus utile, pour comprendre ce qui est en train de se tramer dans la France contemporaine, que les élucubrations complotistes du ridicule Alain Soral, les analyses aigries de Café du Commerce d'Alain Finkielkraut, les renvois de bile et les montées de chaleur égotiste de Richard Millet, les stupidités néo-darwinistes de Laurent Obertone, bien plus important encore que les aperçus rien de moins que sommaires de Renaud Camus lui-même, sur la situation de notre pays menacé par le double séisme qu'il appelle la Grande Déculturation et le Grand Remplacement, la conclusion du livre de Zeev Sternhell insiste donc sur la spécificité française du fascisme enraciné de longue date sur notre sol, et qui ne doit finalement pas grand-chose à son prétendu modèle transalpin : «Le fascisme de l'entre-deux-guerres ne fait, en réalité, que reprendre et développer, en les adaptant aux conditions nouvelles, les éléments essentiels de la révolte du tournant du siècle» (p. 544). L'auteur n'hésite même pas à affirmer que le fascisme français ne doit finalement rien du tout au fascisme italien, et que c'est même l'inverse qui est exact, le fascisme français pouvant être considéré comme une espèce de matrice des fascismes européens : «Le fascisme français se présente ainsi comme un phénomène autonome, possédant ses propres racines et ne devant rien à l'étranger. Si imitation il y a, c'est de la part des Italiens, y compris Mussolini, venus chercher l'inspiration chez les syndicalistes révolutionnaires et les nationalistes français» (p. 548), la «littérature fasciste de l'entre-deux-guerres» représentée par les textes de Drieu, Brasillach, Rebatet ou Céline, n'ayant du reste que «fort peu de chose à ajouter aux thèmes développés par Barrès, Le Bon, Drumont, Berth ou Sorel. Mis à part le motif ancien combattant et les références à Rome ou à Berlin, on croirait avoir sous les yeux une version modernisée du Testament d'un antisémite ou des Cahiers du Cercle Proudhon» (p. 549).
L'auteur affirme dans le corps de son ouvrage que ce sont les idées développées par trois des adversaires les plus farouches des Lumières, Taine, Renan et Nietzsche, qui seront réutilisées par leurs continuateurs désireux de lutter contre la démocratie (cf. p. 29), idées formant dès lors le terreau d'une nouvelle droite, distincte des trois droites qu'analyse René Rémond dans ses Droites en France, et qu'il appelle la droite révolutionnaire : «Cette droite populaire, parfois prolétarienne mais violemment antimarxiste, sécrète un nationalisme de la Terre et des Morts, de la Terre et du Sang. N'est-il pas étrange de voir en ce phénomène nouveau, pur produit de la crise de conscience du tournant du siècle, des profonds changements qui affectent la société, une forme de bonapartisme ? Cette droite nouvelle répond à des besoins intellectuels, sociaux, psychologiques, que le bonapartisme, produit de la société pré-industrielle, n'entrevoyait même pas. Le bonapartisme manque de ces deux ingrédients essentiels : le radicalisme antimarxiste et le nationalisme organique, à caractère biologique» (p. 45).
Poursuivons l'évocation de l'analyse de l'historien qui affirme que c'est précisément parce que «le fascisme ne représentait qu'une forme radicalisée des aspects majeurs de la révolte contre les Lumières, parce qu'il était tout d'abord un phénomène de culture qu'il a pu exercer l'attrait qui fut le sien. Cette révolte débouche le lendemain de la Grande Guerre et à la suite des crises des années vingt sur un véritable cataclysme. Le fascisme, le nazisme et en France la révolution nationale de Vichy ne constituent pas des révolutions politiques : les trois régimes entendent façonner une autre civilisation, une autre société et un autre homme» (p. 46). Ainsi le fascisme, que l'on ne s'y trompe pas, est un mouvement d'abord révolutionnaire, dans le sens où il prétend être le «générateur d'une civilisation nouvelle qui remplacerait complètement la civilisation libérale et bourgeoise, rationaliste et individualiste», un Marcel Déat pouvant reprendre «mot pour mot», et «très probablement sans le savoir», «les critiques que formulait déjà la génération de 1890, en s'attaquant au «libéralisme économique qui est un matérialisme bourgeois auquel fera pendant le matérialisme ouvrier du marxisme, tous deux incontestablement fils du rationalisme» (p. 549), ou un Déat stigmatisant ce rationalisme, ajoute Zeev Sternhell, «bardé de fer et chargé de catastrophes» qui est un «refus de tout aristocratisme, négation de la hiérarchie, négation de la personne, négation de l'État en tant qu'outil de la communauté». C'est contre ce «vieux monde des droits naturels, poursuit Sternhell, de l'individualisme, des menaces anarchiques, de la matière et de la raison que se lève le fascisme» (pp. 549-50).
Ces quelques lignes nous montrent par avance que, si la pensée de Renaud Camus peut être caractérisée, bien que difficilement nous le verrons, comme une réaction à connotation xénophobe davantage que raciste, elle n'est pas spécifiquement fasciste, même si elle est d'accord avec certaines des thèses fascistes, notamment telle forme d'organicisme, dans lequel nous pourrions inclure la doctrine barrésienne de la Terre et des Morts, mais aussi, à quelques réserves près sans doute concernant la parenté de sang et la négation de la liberté individuelle (encore que...), les «principes de la subordination absolue de l'individu à la collectivité, la négation de son autonomie» (p. 553), ou encore la notion de communauté vivante, «où la fraternité abstraite, nous explique Marcel Déat dans Pensée allemande et Pensée française (Aux Armes de France, 1944), est remplacée par la parenté du sang».
Que manque-t-il donc à Renaud Camus pour que nous puissions affirmer clairement que sa pensée serait d'inspiration fasciste ? C'est très simple : le culte de la force ou, comme l'écrit encore Drieu, «la brutalité, le simplisme barbare d'un moderne» (p. 546). Toutefois, si j'étais méchant ou inconscient allez savoir, suivant le modèle de Patrick Buisson (voir 1940-1945 : années érotiques. Vichy ou les infortunes de la vertu, Albin Michel, 2008), je m'aventurerais dans le domaine fort mouvant de la psychanalyse à prétentions historicisantes, et analyserais en conséquence bien des textes de Renaud Camus dans le sens d'une volonté, d'un espoir, d'un phantasme si typiquement homosexuels de soumission, donc de l'exigence, a contrario, d'un homme fort qui mate la racaille et les forts en gueule. J'épargnerai bien évidemment ces fadaises à mes lecteurs. Si la pensée politique de Renaud Camus, ou ce qui passe pour tel dans l'esprit de ses zélateurs, ne peut être définie comme étant fasciste ou fascisante, son horizon plus ou moins conscient, lui, peut l'être.
Plutôt que du fasciste, Renaud Camus pourrait être rapproché de l'image traditionnelle du conservateur, telle que la raille Brasillach, pour bien montrer, là encore, tout ce qui sépare la figure bourgeoise de ce dernier de celui qui n'a plus rien à perdre, le fasciste justement, qui ne veut rien conserver et tout détruire, pour bâtir un nouvel ordre : «Nous sommes très mal élevés. Nous savons qu'il faut de l'argent pour vivre et nous avons horreur des ascètes, mais nous n'aimons pas l'argent pour l'argent. Nous n'avons pas grand-chose de commun entre nous malgré les apparences, M. le conservateur. Nous défendons quelques vérités comme il nous paraît qu'on doit les défendre, c'est-à-dire avec violence, avec fougue, avec irrespect, avec de la vie. Cela vous a été parfois utile, M. le conservateur. Cela vous le sera peut-être un jour encore. Aux moments où vous pensez n'avoir pas besoin de ces compromettants gardes du corps, vous préférez parler d'autre chose et les regarder de très loin. Ils courent leurs risques à eux, n'est-ce pas ? Cela ne vous concerne pas. Vous l'avez bien dit, M. le conservateur. Leurs risques à eux. Pas les vôtres. Nous ne sommes pas des mercenaires. Nous ne sommes pas les troupes de choc des bien-pensants. Nous ne sommes pas les SA du conservatisme» (pp. 545-6).
Conservateur, ou, c'est tout un selon Brasillach, bien-pensant, Renaud Camus ? Nous y reviendrons, car ces distinctions ne sont bien évidemment claires qu'en apparence. Revenons à la thèse de notre historien. En somme, si le fascisme a pu pénétrer de façon indéniable la société française (Sternhell va plus loin et parle de l'ensemble de l'Europe), c'est parce qu'il ne fait que «traduire en termes politiques, grâce à toutes les techniques de la politique moderne, un ensemble d'idées d'une respectabilité sans faille» (p. 49) comme la lutte contre les Lumières, le libéralisme, la démocratie, le socialisme, le communisme bien sûr et, en un mot qui fit alors florès et sonna comme une insulte à cette époque, le matérialisme.
Pour combattre le «désordre établi», concept forgé par Emmanuel Mounier dans les années trente, un certain nombre d'intellectuels n'hésiteront pas à soutenir le régime de Pétain qui, une fois encore nous répète Sternhell, ne constitue pas une aberration dans la continuité des régimes politiques français mais apparaît bel et bien comme le couronnement politique d'un foisonnement d'idées en lutte contre celles, si corruptrices selon nos penseurs, Rousseau bien sûr mais aussi Kant, des Lumières : «C'est la profonde conviction que la victoire nazie consacrait l'infériorité morale et intellectuelle de la culture des Lumières et de la Révolution française qui rend la Révolution nationale possible. Vichy en France, comme le fascisme en Italie et le nazisme en Allemagne, ne devient intelligible que si l'on considère la Révolution nationale comme le couronnement d'un affrontement continu entre deux écoles intellectuelles faisant partie au même titre du patrimoine culturel européen et français. Ce qui explique la grande maturité des idées mises en œuvre pendant les vingt années qui séparent les deux guerres mondiales. En France, Vichy ne représente ni un accident de parcours ni une aberration. Certes, jamais la contestation «antimatérialiste» ne parvient en France à prendre le pouvoir en période de paix et de stabilité. Aussi longtemps que le pays n'est atteint par aucune crise majeure, aussi longtemps que la croissance économique, si faible soit-elle, suffit pour assurer l'emploi aux ouvriers et un pouvoir d'achat raisonnable à la petite bourgeoisie, les forces contestataires sont condamnées à végéter. Aussi longtemps qu'aucune défaite militaire ne vient ébranler la relative stabilité dont jouit le pays, le consensus républicain condamne les révolutionnaires à l'impuissance. Il en est ainsi en France, comme en Allemagne et en Italie, jusqu'au jour où les conditions de crise, de désarroi, de frustration et d'humiliation fournissent ses troupes à l'idéologie révolutionnaire. Dans les trois pays, l'idéologie de rupture mise en place de longue date ne parvient à occuper la scène politique qu'au moment où elle s'articule sur une profonde crise nationale» (pp. 64-5).
Si j'ai pris le soin de citer longuement cet extrait, c'est bien évidemment parce que le mécanisme qu'il détaille est encore parfaitement valable de nos jours, qu'il nous semble même plus valable que jamais, si nous tenons compte de la paupérisation accélérée du pays, à laquelle s'ajoute, fait incontestablement nouveau par son ampleur, la volonté inébranlable du pouvoir socialiste en place de modifier profondément les comportements et (même, sans doute, in fine), les coutumes et les croyances des Français, par le biais de plusieurs réformes dites sociétales, et qui sont bien sûr, d'abord, profondément idéologiques, cassent en tout cas les derniers liens familiaux, symboliques, nationaux, qui cimentaient un peuple totalement méprisé et, nous le constatons chaque jour, profondément divisé.
Le reste de l'ouvrage de Zeev Sternhell, qui évoque différents mouvements populistes, le plus souvent de gauche, comme le boulangisme sur lequel vint se greffer Barrès (2), mouvement populaire symbolisant les «débuts de la politique des masses dont il a accéléré sérieusement la mobilisation politique» (p. 50) qui éclot pendant une époque troublée comme l'est la nôtre (3), ne concerne pas directement notre propos, même s'il nous semble patent que bien des groupuscules politiques actuels pourraient faire leur le programme de ce mouvement contestant l'ordre libéral, tel que l'auteur le présente : «Au parlementarisme, les boulangistes opposent le culte du chef, à la prétendue incohérence des institutions, le sens de l'autorité, au capitalisme, une certaine forme de populisme appuyé sur un paroxysme verbal antibourgeois destiné surtout à mobiliser les couches populaires» (p. 79). À peu de choses près, le clown Soral pourrait être qualifié, selon cette définition donnée par Sternhell, de Boulanger au rabais.
De la même façon, c'est avec Déroulède et sa fameuse Ligue des patriotes que, selon l'auteur, «le nationalisme se présente, tout d'abord, comme une révolte contre la démocratie, une critique négative de la faiblesse, de l'incohérence et du caractère impersonnel du régime. En outre, ce nationalisme populaire, autoritaire et antiparlementaire est aussi un nationalisme des rancœurs contre les riches et les injustices économiques; il s'en prend non seulement à la démocratie libérale en tant que régime politique, mais aussi au type de société qu'elle met en place, il exige une réforme de l'État et, en même temps, il s'attaque, au nom de la solidarité du groupe-nation, aux injustices sociales» (p. 101).
C'était l'époque, aussi, et ce point est essentiel selon Zeev Sternhell, où les foules prenaient conscience de leur poids politique. Comme Gustave Le Bon le répète dans sa célèbre Psychologie des foules (4), il faut toujours faire usage «d'une image saisissante», il faut «présenter les choses en bloc, et ne jamais en indiquer la genèse» (5), car c'est là, selon Zeev Sternhell, «le fondement conceptuel de la théorie des mythes de Sorel, du nationalisme organique de Barrès, tout comme de l'idée selon laquelle «la foule est toujours intellectuellement inférieure à l'homme isolé» (6), qui jouera d'ailleurs un rôle capital dans les débuts de la sociologie. La critique de l'individualisme de la démocratie et de ses institutions, du parlementarisme et du suffrage universel doit énormément, poursuit l'historien, à cette nouvelle vision de l'homme conçu comme un être fondamentalement irrationnel, déterminé par des contraintes historiques et biologiques, motivé par des sentiments et des associations d'images, mais jamais par des idées» (pp. 187-8). Nous sommes là à l'antipode de la position politique, du moins telle qu'il la couche par écrit, de Renaud Camus, amateur se voulant ô combien éclairé de la raison, partant des Lumières, s'adressant, avant qu'à leurs tripes, au cerveau de ses lecteurs, si tant est qu'il en ait.

Renaud Camus, idéologue perclus, meneur sans charisme d'ombres d'ombres xénophobes, châtelain soi-mêmiste pas vraiment fasciste, pas vraiment raciste, pas vraiment maurrassien, pas vraiment barrésien, pas vraiment populiste, bref, pas vraiment grand-chose sinon vraiment camusien, ce qui n'est pas grand-chose tout de même

Les différents éléments que nous venons brièvement d'exposer suffisent à montrer tout ce qui sépare je le disais Renaud Camus des théoriciens et idéologues du nationalisme révolutionnaire, de droite comme de gauche, ayant abouti selon Zeev Sternhell au fascisme non pas hors-sol ou bien importé en France mais bel et bien spécifiquement français. Renaud Camus, tout d'abord, n'aime pas les foules. Nous pourrions même prétendre à bon droit qu'il les hait, sa doctrine de l'in-nocence ne pouvant être, quoi qu'il en dise, que l'apanage d'une élite socio-culturelle non seulement supérieurement cultivée mais disposant encore de loisirs et d'argent pour se cultiver encore plus, lire encore plus, allez voir le plus grand nombre possible d'expositions, voyager autant que possible, bien sûr, et pas seulement en France mais aux quatre coins du globe. Lisez les innombrables périples sexuels avant que de devenir, plus sagement, géographiques et culturels, redites cacochymes du Grand Tour que les jeunes premiers européens popularisèrent jadis, qui jalonnent chacun des volumes de son interminable et ennuyeux Journal; pénétrez-vous de son goût de la beauté, de l'harmonie, de la discrétion, de la politesse, de la solitude, certes entourée de livres et d'une foule de suiveurs plus ou moins orthodoxes; voyez-le, cent fois par page, évoquer la moindre apparition d'un bouton de sébum sur son auguste visage lui-même photographié à longueur d'heure (Le Jour ni l'Heure, n'est-ce pas), de jour, de semaine, de mois et d'année par ses propres soins, bref, imprégnez-vous des textes de Renaud Camus, de son goût pseudo-lévinassien de soi-même comme un autre qui n'est jamais rien d'autre que soi et encore soi, resoi et soisoisoi jusqu'au renvoi de bile, et admettez, sans trop de peine, que chacune de ces thématiques constituent autant de notions parfaitement antithétiques avec la présence de plus de quatre ou cinq individus, et encore, dûment choisis par notre châtelain, au sein d'une même pièce. Renaud Camus, en un mot, est un aristocrate sans particule, et pas franchement un orateur galvanisant les foules voire un talentueux plébéien, encore moins un meneur d'hommes, dans les foules desquelles il marche en fixant le sol et en rentrant des épaules qu'il n'a pourtant pas bien larges. Renaud Camus n'est rien, rien qu'un pauvre homme seul, dont la solitude est comme l'essence et le fin mot, car le soi-mêmisme n'est pas véritablement un humanisme. Et encore, si certaines très hautes solitudes sont aimantes, celle de Renaud Camus, rivée à son compteur solipsiste est, au mieux, indifférente et, au pire, haineuse. Voyez-le, notre pauvre meneur de souchiens, tout penaud sous sa ridicule banderole anti-remplaciste; il y apparaît aussi entouré qu'une licorne égarée au milieu d'un troupeau poussiéreux de bardots mexicains, un anachorète partisan zélé de la plus altière solitude noyé dans une foule de bonnes femmes rendues hystériques par l'ouverture du magasin où s'arrachent les meilleurs soldes de France.

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L'horreur de la foule dont témoigne Renaud Camus à chacune ou presque des pages qu'il écrit n'est pas un indice qu'il faut donc négliger. C'est à mes yeux l'originalité de l'ouvrage de Zeev Sternhel que d'affirmer que la droite révolutionnaire, y compris la plus radicale, en France, n'a jamais hésité à tenter de s'implanter dans les milieux non seulement populaires mais spécifiquement ouvriers. Ainsi, du «boulangisme aux tentatives de l'Action française dans les milieux syndicalistes, et à la création du Cercle Proudhon qui en est le couronnement idéologique, la droite révolutionnaire ne se ménage aucun répit pour prendre pied en milieu populaire» (p. 419), tradition évidemment bien ancrée dans la stratégie non seulement point si jeune que cela, mais aussi parvenant à d'excellents résultats, du parti aujourd'hui dirigé par Marine Le Pen, sous la bannière de laquelle Renaud Camus s'est pour l'heure rangé. Je ne vois, du moins dans les ouvrages de Renaud Camus que j'ai pu lire, aucune analyse d'une action politique réelle à l'endroit des milieux dits populaires, encore moins défavorisés, y compris ceux où se barbarisent ces nouveaux pauvres que les petits blancs sont devenus, selon certains sociologues. Quant aux ouvriers, c'est un mot qui semble absent du vocabulaire camusien, mais il est vrai que les réalités sociologiques que recouvre cette population n'ont plus grand point commun avec la classe dont Sternhell analyse la puissance dormante.
Renaud Camus, ensuite, n'a jamais proposé, du moins à ma connaissance, de renverser la Gueuse. C'est même tout le contraire, puisqu'il croit aux vertus de la représentation démocratique, sans lesquelles il lui eût été bien impossible, du reste, de se présenter à des élections présidentielles, même s'il savait parfaitement que son geste était purement symbolique (cf. pp. 56-7). En lisant l'ouvrage de notre historien, nous avons parfois du mal à comprendre pour quelle raison des crises pour le moins violentes comme le scandale de Panama ou bien sûr l'Affaire Dreyfus n'ont pas suffi à jeter bas le pouvoir établi. L'une des explications de Zeev Sternhell consiste à prétendre qu'en France, la démocratie parlementaire, détestée par tous les mouvements dont il analyse la pensée et l'action, «a toujours su, jusqu'en juin 1940 du moins, supporter les chocs successifs des forces montées à son assaut, les neutraliser, puis, finalement, les absorber.» Et Sternhell d'évoquer comme suit un mouvement de balancier bien huilé : «C'est qu'en acceptant de jouer selon la règle en vigueur en démocratie la droite radicale en acceptait implicitement la légitimité et, ce faisant, s'engageait chaque fois sur un terrain qui ne convenait en rien à sa spécificité et à sa croissance. C'est ainsi, ajoute l'auteur, que finalement, chaque mouvement à son tour s'étiole pour laisser la place vacante à son successeur qui, lui aussi, à son tour, subira le même processus» (p. 352).
Abattre la Gueuse, c'est bien évidemment agiter des idées mais, lorsque celles-ci, à l'évidence, ne feront jamais bouger un seul atome d'action, il faudra les laisser de côté (jamais les ignorer) et utiliser la seule chose qui peut renverser un ordre aussi détesté que très solidement établi : la force. De fait, si Renaud Camus, de plus en plus nettement, attaque les idéologues, les spécialistes, les technocrates et les experts complètement coupés des réalités, reprenant en cela les vieux poncifs de l'anti-intellectualisme et usant de termes stéréotypés qui se figent en syntagmes de novlangue («doxa dogmatico-antiraciste», p. 26, «régime dogmatico-antiraciste», p. 29, «l'appareil médiatico-politique», ibid., «l'hébétude post-culturelle» et «la décivilisation consommée», p. 30, «centrale de confection idéologique», p. 34, «la ruquiérisation des esprits», p. 58, etc.), il n'appelle jamais à descendre dans les rues pour marcher sur les lieux emblématiques du Pouvoir. Renaud Camus, s'il a peut-être lu quelques-uns des ouvrages d'un penseur, hélas aujourd'hui bien oublié, tel que Georges Sorel qui eut pourtant à son époque une influence intellectuelle considérable, paraît ne rien savoir de l'un des principaux enseignements, qui est celui de l'action directe. En effet : «Seule l'action directe est créatrice, écrit ainsi Zeev Sternhell, poursuivant son propos en affirmant que Sorel, s'appuyant sur la force prodigieuse mais assez peu exploitée du mouvement ouvrier, veut opposer à «ce nouveau clergé obscurantiste que sont les intellectuels» la «grève générale et la violence entretenue par un esprit de révolte intransigeant», qui sans doute ce qui permettra «aux nouveaux barbares de régénérer le monde». «C'est donc tout naturellement, ajoute l'historien, que Sorel en vient à annoncer la fin de la société, de l'idéologie, de la morale et des institutions bourgeoises. Et, comme on ne détruit bien que ce que l'on remplace, après avoir mis fin à une morale de marchands, de fonctionnaires et de politiciens, la violence révolutionnaire accouchera de celle des producteurs et des guerriers» (pp. 459-60). Que nous propose Renaud Camus, en lieu et place d'une action politique décidée ? Le remède semblera dérisoire, voire parfaitement ridicule : «Pour sauver ce qui peut l'être encore, pour offrir à la vie de l'esprit, en attendant mieux, quelques sanctuaires dans la débâcle, le parti de l'In-nocence, depuis sa création, a inscrit parmi ses toutes premières revendications la création en France d'une station de radio et d'une chaîne de télévision consacrées à la culture» (pp. 58-9). Ouf, nous sommes sauvés, le Sauveur Camus a pensé à tout.
Zeev Sternhell développe le point précédent, dans un passage qui ne peut que nous montrer le gouffre séparant l'idéal politique de ces mouvements populistes de la fin du XIXe français de celui, finalement si modéré dans son respect de toutes les institutions démocratiques mais aussi des idées provenant des «Lumières» et des bienfaits du «libre examen» (p. 58), de Renaud Camus : «Dans l'esprit de ses militants, le syndicalisme révolutionnaire ne peut être que l'antithèse de la société démocratique. En réalité, une société fondée sur les critères exposés par Sorel, Berth, Pouget, Lagardelle ou Griffuelhes aurait présenté les caractéristiques principales du type idéal d'une société fasciste. Conduite par «les conscients, les révoltés» [Sternhell cite Berth], dont le mépris est sans bornes pour la démocratie, le suffrage universel, le parlementarisme et le mode de vie de la société bourgeoise, cette société syndicaliste veut façonner un nouveau type d'homme, mû par «la hardiesse, la discipline merveilleuse» que dégage «l'armée des travailleurs en grève» (p. 463). Si pour Georges Sorel la grève générale est l'arme la plus puissante pour abattre la République parlementaire abhorrée c'est parce qu'elle est un mythe, c'est-à-dire, pour le penseur influencé par l'anti-intellectualisme développé par Bergson, un ensemble cohérent, organique, d'idées et d'images capables d'évoquer «en bloc et par la seule intuition, avant toute analyse réfléchie», les sentiments qui s'ordonnent à un projet donné. Nous sommes, avec ce modèle, bien loin en fin de compte de la grève générale prolétarienne se mettant au service du socialisme démocrate ou de type bolchevique. Il convient ici de nuancer la thèse de Zeev Sternhell car Georges Sorel, bien à tort, a pu être rapproché des doctrines fascistes parce qu'il employait le langage du vitalisme et de la force brute. Toutefois, contrairement à ces thèses, et en digne héritier de Proudhon, Sorel a toujours prétendu abattre l'État, car il est resté toute sa vie un anarchiste conséquent en dépit même de son rôle essentiel comme penseur du prolétariat, ce que, pour revenir à notre sujet, Renaud Camus n'est absolument pas à l'évidence, lui qui en outre se moque comme d'une guigne de cet étrange et lointain cousin humain que doit être à ses yeux un ouvrier, un vrai.
Pas davantage, à notre sens, pouvons-nous rapprocher, autrement que de façon superficielle et anecdotique, la position de Renaud Camus du maurrassisme. Certes, la doctrine du nationalisme intégral vise, avant tout, à préserver coûte que coûte la réalité que la politique doit faire durer, et qui ne se nomme pas autrement que la nation. Certes encore, l'un des piliers idéologiques de l'Action française est constitué par l'idée, que partage à l'évidence Renaud Camus, qu'une société où les individus sont livrés à eux-mêmes «est une société barbare qui tend naturellement à l'anarchie et à la tyrannie du plus fort» (p. 479). Pourtant, Maurras est un farouche adversaire de l'idéologie du Progrès (n'oublions jamais que l'un des maîtres de l'Action française fut Baudelaire, contempteur implacable de cette même idéologie), dont la Révolution, dont il fut toujours le plus intraitable pourfendeur, n'est que le surgeon monstrueux, parce qu'elle a dissout la nation dans le temps de l'histoire libéré justement par l'événement de 1789. C'est donc plutôt vers l'un des compagnons de route de l'Action française, Maurice Barrès, que nous devons tourner notre regard si nous voulons éclaircir quelque peu la position politique de Renaud Camus. Voici d'ailleurs ce que l'auteur des Déracinés écrivait dans le deuxième tome de ses Cahiers : «Nous ne sommes pas des dogmatiques; nous sommes disposés à faire quelque chose avec ce qui est. Quelles que soient les objections que nous puissions faire contre la Révolution, nous sommes disposés à accepter les choses au point où elles sont, et précisément parce que nous ne sommes pas des révolutionnaires, nous voulons tirer parti des choses» (p. 468).
Renaud Camus lui-même fait remarquer qu'il se distingue, au moins sur un autre point, de la doctrine du patron de l'Action française : «Voici pourtant un point, il y en a beaucoup d'autres, où je ne suis pas maurrassien pour un sou. Je ne trouverais pas honorable de me précipiter, et encore moins de précipiter les autres, dans les bras d'une religion qui ne m'inspirerait pas de foi» (pp. 57-8).
Reste tout de même un point commun entre ces différents penseurs, que Renaud Camus du reste ne cesse de répéter dans ses essais, et qui n'est autre que leur sensibilité extrême à la décadence, réelle ou supposée, quels qu'en soient les facteurs, de la France. Georges Sorel, mais aussi Maurice Barrès vers 1890 ou encore Drieu dans les années trente, n'auront de cesse de stigmatiser ce que Zeev Sternhell nomme le «sentiment de crépuscule de la civilisation», «très profondément enraciné chez les révoltés du tournant du siècle, tout comme chez leurs prédécesseurs immédiats» : c'est par exemple Alphonse Toussenel qui se lamente sur «le naufrage général des mœurs publiques», sur une époque «où il semblerait que le sang se fige au cœur», ou bien encore le marquis de Morès qui ne cesse, lui, de rappeler que «la crise est proche», Drumont enfin qui annonce pour sa part, dans de fulminantes visions de fin du monde, «la catastrophe finale» (p. 533).
Pourtant, une nouvelle fois, force est de constater que Renaud Camus n'est absolument pas un adversaire acharné du Progrès, auquel justement ces auteurs reprochait de plonger le pays et même le monde dans une nouvelle forme de barbarie machiniste et capitalistique délirante. «Le problème que l'on appelle très improprement le problème social est dominé par un problème métaphysique», écrit ainsi Georges Valois (pseudonyme de Georges Gressent) dans sa Monarchie et la Classe ouvrière (Nouvelle Librairie nationale, 1914), avant d'ajouter que, pour sauver la civilisation occidentale, «la première bête à tuer» est la croyance folle et absurde dans le progrès, dans un «optimisme rationaliste» et un «individualisme forcené qui ont engendré «la sinistre farce de 89». «Sauver la civilisation, poursuit ainsi Zeev Sternhell, signifie ruiner l'humanitarisme, le pacifisme, l'égalitarisme, toute cette «métaphysique optimiste» léguée par «l'enfant vicieux» et le «laquais corrompu des Confessions»; cela signifie sauver le monde «de la médiocrité démocratique, bourgeoise et libérale, [de] la stupidité judéo-conservatrice d'une bourgeoisie qui, assise bien confortablement à la table de l'État, sue de peur et claque des dents à la seule vision du spectre de la guerre ou de la révolution» (pp. 533-4, où Sternhell cite les propos d'un certain Pierre Galland, auteur des Cahiers du Cercle Proudhon des mois de janvier-février 1914). Devant de tels dénonciateurs, Renaud Camus n'est qu'un mou, un suiveur tout au mieux, un ronchon qui est incollable lorsqu'il s'agit d'utiliser Internet (Flickr, plusieurs sites comme celui du Parti de l'In-nocence, mais encore un site personnel regroupant l'ensemble de ses textes, le site de ses lecteurs, son compte Twitter, son compte Facebook) pour vendre sa camelote à quelques paumés. Quelle serait la situation la plus absolument tragique pour notre geek ? : c'est bien simple, quelques heures durant lesquelles notre châtelain si proche du peuple serait privé de connexion.
De ce rapide aperçu, il apparaît donc que Renaud Camus est un conservateur bon teint, poussant l'excès jusqu'à apparaître, parfois, comme un placide réactionnaire adepte d'un usage parfait de la langue française, un amateur d'art éclairé, y compris et surtout contemporain, un bourgeois aspirant à la vie de château, tentant de fait de réaliser cette utopie pour lui seul et non pour ses voisins qu'il veut le plus loin possible de lui, et grand voyageur cosmopolite. Renaud Camus est ainsi non seulement tout l'inverse d'un penseur politique mais l'exact contraire d'un de ces meneurs d'hommes qui, il y a plus d'un siècle, n'hésitaient pas à risquer leur vie pour tenter le fameux coup de force, qui d'ailleurs ne vint jamais, qui de fait ne put se réaliser lorsque l'armée française, vaincue et totalement désorganisée, laissa place nette à l'envahisseur nazi.
Il y a en outre une contradiction interne de laquelle le Parti de l'In-nocence jamais ne pourra se relever : en effet, en répétant mille fois plutôt que cent que l'idéal de l'homme qui ne nuit pas, qui ne noce pas, est celui d'une altière solitude, Renaud Camus condamne son raout de ronchons à petit doigt levé et dessous en fine dentelle à la paralysie et à l'inaction, à la pose volontiers conservatrice sinon réactionnaire, la réaction pouvant être considérée comme le dernier expédient de ces Roland contrariés. Renaud Camus, s'il est un analyste, ne l'est que de lui-même bien davantage que de l'état de la France, celui-ci ne lui important que dans la seule mesure où il gêne ou risque à terme de gêner, de nuire à son petit statut privilégié qui, quoi qu'on en dise, est celui d'un homme menant grand train (lisez son Journal), aimant le luxe d'une bibliothèque personnelle au moins deux fois plus grande que la surface moyenne d'un appartement parisien. Renaud Camus n'est pas un homme d'action et ne le sera que grotesquement, parodiquement, en défilant, seul ou peut-être accompagné d'un de ses commis de boudoir portant des bas de soie, sous une banderole qui, hélas pour ce bathmologue contrarié, se devra, pour être comprise du peuple, cette horreur ontologique sans cesse pressée de se reproduire aux yeux de notre châtelain Renaud Malthus, céder aux facilités du slogan, certes ironique, nous pouvons encore rire dans notre disparition, non ? : «Non au Grand Désensouchement du Peuple Français» pourquoi pas, à entonner tous en chœur, par exemple lors de la prochaine manifestation, initiée par Riposte laïque et Résistance républicaine, contre le Grand Remplacement.
Je me suis toujours demandé par quel miracle d'auto-persuasion les plus farouches soutiens souchiens de Renaud Camus ne s'étaient pas rendus compte que leur héraut, l'un des derniers inamovibles combattants dressés face aux hordes des fous de Dieu dépenaillés et barbus, n'était obsédé que de lui-même : moi, moi, moi et encore moi, qu'il s'agisse du moindre de mes faits consigné dûment, depuis des années, dans un journal que l'on dirait être celui d'une vieille fille jugeant l'Histoire par le trou de serrure de sa chambre de bonne, qu'il s'agisse encore de milliers d'autoportraits sous toutes les lumières imaginables, à en donner le vertige à un peintre impressionniste à force de décomposer le moindre photon pour capter l'essence si mystérieuse de ce Grand Mystère qu'est le Moi, le moi camusien ensouché depuis 12 siècles sur le sol de France : «Toujours s'analyser, s'interroger anxieusement, se regarder l'ombilic ! [...] Fuyez l'analyse comme le Diable», tonnait Léon Bloy dans Le Mendiant ingrat (Mercure de France, 1928, t. II, p. 201).
L'analyse, du moins l'auto-analyse, est la maladie des stériles, et je rappelle que Renaud Camus ne cesse de répéter que la planète n'en peut plus de sa surpopulation, de ce qu'il nomme aussi son «devenir-banlieue précipité» (p. 134), analyses trop rapidement exposées qui, sans bien évidemment être fausses, ne font que masquer le rêve et l'idéal de notre châtelain : se tenir le plus loin possible de la foule, ce en quoi notre poseur affirme une fois de plus qu'il n'a non seulement aucun devenir politique à court ou à moyen terme autre que de boudoir non-nocent et de rassemblement extrémiste mais surtout aucune fibre politique. Il n'a ainsi pas tort, notre analyste compulsif, de s'analyser lui-même de la sorte : «C'est un ectoplasme qui vous parle, un fantôme, un mort, un transparent, un trou noir» (p. 108), un châtelain en somme, à l'aise dans une France pastorale où la publicité serait interdite «le long des routes et probablement, à terme, dans tout l'espace public» (p. 95), et où les Français de souche, débarrassés de leurs supplétifs immigrés ou immigrationnistes, s'organiseraient dans de placides villages tout bordés de fleurs où il ferait bon vivre en petites communautés in-nocentes et surtout peu nombreuses grâce à la fin de toute politique incitative de natalité (cf. p. 94).
Je pense, après ce rapide examen des analyses contenues dans son ouvrage programmatif intitulé Le Grand Remplacement, que Renaud Camus n'a bien évidemment strictement aucun avenir politique réel, non seulement en tant que chef de parti, fût-il composé de douze in-nocents mais, aussi, en tant qu'idéologue de la droite extrême française contemporaine. Il est tout au plus considéré comme l'idiot utile de personnes, crétins frontistes et gudards au cerveau anémié, catholiques à tendance réfractaire, pédales de droite ultra ou royalistes colleurs d'affichettes, petits professeurs à lunettes rondes planqués derrière un pseudonyme spécialistes de la pensée réactionnaires, jeunes ou vieilles demi-mondaines aimant les jeux de langage et une politesse feinte qui, s'il témoignait d'autres idées que celles qu'il développe et qui font de lui, aux yeux de ces personnes et depuis quelques années, un allié de circonstance, lui colleraient sans doute une solide raclée, histoire de le remettre dans le droit chemin d'une sexualité un peu moins débridée et, ô sainte horreur, déviante à leurs yeux, que celle qu'il a étalée dans tant de ses livres parfaitement impudiques comme Tricks.
Meneur inexistant, homme sans aucun charisme personnel, harangueur aphone, chauffeur de salle absent, chef d'un parti d'une quinzaine de membres efféminés rêvant de bouter l'Arabe hors de France, non sans avoir peut-être jeté, coupablement, un regard de concupiscence sur tous ces petits culs filant dare-dare vers la Méditerranée, Renaud Camus n'est, au mieux, qu'un analyste, du reste de plus en plus passable, des ravages que produit ce qu'il appelle la «Grande Déculturation» et la «Décivilisation» (pp. 60-1) sur le français. Voici ce qu'il écrit, au sujet de cette nouvelle langue non seulement bâtarde mais appauvrie, qui est le plus sûr symptôme de la prolifération de la stupidité programmée : «Le remplacisme ment aussi par création, invention de mythes, mise en circulation de topoï, stéréotypes et syntagmes figés» (p. 37) et, plus loin, cherchant l'une des causes du remplacisme et du dessouchement à toute vitesse, l'auteur évoque ce qu'il a appelé la «deuxième carrière d'Adolf Hitler», qu'il détaille ainsi : «S'exerce ici une métonymie fatale, dont la forme archétypale est la fameuse reductio ad hitlerum, et dont l'absurdité logique, si manifeste qu'elle soit en logique [...] ne suffit pas à nous protéger. Tout se passe, mutatis mutandis [je remets les italiques, absentes du texte de Camus], comme si le végétarisme était une monstruosité morale au motif qu'Hitler était un monstre et qu'il était végétarien» (pp. 51-2). De fait, les horreurs de la Seconde Guerre mondiale ont rendu suspects un certain nombre de mots selon Renaud Camus, comme ceux de patrie, patrimoine, traditions, ancêtres, racines, héritage, nous (cf. p. 53) et, bien évidemment, le mot terrible, imprononçable désormais voire impensable, le mot de race, que Renaud Camus rappelle, tout en ayant soin de préciser ce qu'il entend par race française : «par quoi je songe moins à une hypothétique communauté ou parenté biologique qu'à de l'histoire longuement partagée; plus à de la culture, à de l'héritage qu'à de l'hérédité» (p. 20).

La prose de Renaud Camus, si pauvrement souchienne ou le décadent constipé malgré lui

La langue est tout, puisque notre intellectuel n'est rien, qui se prétend écrivain auteur d'une centaine de livres (sic). La langue de Renaud Camus, elle est appauvrie, écrirais-je si je voulais faire tomber de sa chaise notre rigoureux grammairien, qui n'a pas honte de publier, désormais, des livres comptant une faute par ligne ou presque. Deux reproches, à ce stade, peuvent être adressés aux analyses langagières de Renaud Camus : tout d'abord, elles paraissent bien sommaires si nous osons les comparer à celles d'un Karl Kraus ou d'un Victor Klemperer, deux auteurs que nous avons longuement évoqués dans de précédentes notes, et dont les travaux sont encore valables, bien davantage en fin de compte que ceux, purement anecdotiques, de Renaud Camus.
Il est vrai, et c'est ma seconde remarque, que Karl Kraus, et Victor Klemperer, bien qu'à un moindre degré que le génial polémiste autrichien, étaient, eux, des écrivains, et qu'ils ne commettaient donc pas l'erreur dans laquelle semble avoir sombré Renaud Camus, corps et âme, plutôt corps qu'âme. En effet, évoquant les ravages du novlangue dont il dissèque, plus que sommairement, les techniques connues depuis, au bas mot, La Psychologie des foules de Gustave Le Bon, Renaud Camus lui-même, ô ironique retournement, semble de plus en plus employer une langue appauvrie, ridicule, sloganisée, remplacée en un mot, composée, comme d'ailleurs celle de Richard Millet, notre dernier écrivain français comme il se prétend, mais peut-être pas au sens qu'il donne à cette expression bravache, de mots-valises, de préférence majusculés, d'expressions figées qui désignent toujours l'autre, les autres, l'immense troupeau imbécile de ceux qui nous gouvernent, les hommes politiques bien sûr, mais aussi tous les relais des officines du Spectacle, journalistes, artistes, intellectuels que Renaud Camus ne manque jamais de surnommer «organiques» (cf. p. 27). Combien de phrases ainsi, parfaitement creuses («[...] contester radicalement cette prétention de l'antiracisme dogmatique, immigrationniste à tout crin, remplaciste avant la lettre, à s'ériger en morale [...]», p. 36), ayant elles-mêmes perdu leur lien cratylien, c'est-à-dire profond, réel, consubstantiel, avec les réalités qu'elles désignent, au profit d'un simple lien hermogénien, c'est-à-dire d'usage, de convention, comme d'ailleurs l'analyse Renaud Camus (cf. p. 19) ? Dans le slogan, dans la phrase toute faite remplie de mots creux et d'expressions bouffies, l'écrivain n'existe plus, Renaud Camus, qui dans ce livre n'est ni un penseur ni un polémiste, n'est pas davantage un écrivain. Et puis, pourrait-on, moins méchamment qu'ironiquement, faire remarquer à l'apôtre de l'in-nocence, le premier des respects d'un auteur pour ses lecteurs n'est-il pas dans le fait de lui proposer un texte qui ne soit pas, comme l'est celui de Camus, littéralement truffé de fautes, c'est-à-dire ravalé au même niveau que celui du sabir médiatico-politique pourtant exécré par notre Vaugelas en tutu rose ?
Ainsi, lisant l'ensemble des textes qui composent le volume intitulé Le Grand Remplacement, nous sommes frappés par la pauvreté des analyses langagières que Renaud Camus propose à ses lecteurs, par l'absence de véritable invention littéraire. Je veux bien, certes, que l'on ne demande pas à un orateur, surtout lorsqu'il s'adresse à quelques crétins extrémisés, de déployer les trésors d'un Cicéron, mais enfin, répéter, de texte en texte, quelques pauvres exemples, toujours les mêmes, ainsi que de sempiternelles métaphores (comme celle du couteau de Lichtenberg, dont on a changé le manche, puis la lame, ou l'inverse), écrire tout simplement incorrectement (ainsi de ce redoublement si typiquement médiatique : «Cette conception de l'homme elle est pourtant celle de nos remplaciste» p. 161), voilà qui nous donne une idée somme toute médiocre du si fin bathmologue que se veut Renaud Camus, une thèse loufoque d'ailleurs défendue par son Conseil, Maître Karim Ouchikh, qui nous vante la prétendue subtilité des pseudo-thèses camusiennes sur son compte Twitter. La prétendue subtilité de Renaud Camus ? J'ai déjà entendu cet air niais, et bien plus d'une fois, dans la bouche de ses ridicules lecteurs qui me vantèrent sa politesse qui n'est que froideur, incapacité ontologique dirait-on à éprouver de la sympathie (ne parlons pas d'amitié et encore moins d'amour) pour qui que ce soit, son sens parfait de la phrase française, qui n'est plus qu'indigence d'écriture, sa culture en art contemporain, qui n'est rien d'autre que la libéralité si typiquement homosexuelle, toujours à l'affût de la dernière mode, en matière de godemichés comme de performeurs plasticiens bien plus qu'artistiques. Quant à la subtilité de Renaud Camus, cet art si délicat qui fait se pâmer les vieilles filles à moustache et les petits damoiseaux imberbes, celle-ci est comparable à un coup de poing américain qui serait administré en plein visage de Roland Barthes !
Ainsi donc, à mesure qu'elle se politise, l'écriture, mais en fait, d'abord bien évidemment, la pensée de Renaud Camus s'appauvrissent et ne sont plus très loin de se figer, victimes sans panache de l'infection remplaciste qui s'attaque toujours, en premier lieu, aux faux discours, aux écritures invertébrées comme celle de notre egolâtre achrien. Si Renaud Camus était un véritable écrivain et non un polygraphe en voie de réduction cacographique, le novlangue qu'il déteste par-dessus tout n'aurait aucune influence sur sa propre écriture, ce qui n'est visiblement pas ou plus le cas.
Nous ne sommes bien évidemment pas à une contradiction près, en examinant comme nous le faisons la pensée anti-remplaciste camusienne. Ainsi pouvons-nous affirmer que Renaud Camus, qui stigmatise la décadence dans laquelle la France a sombré, victime, comme d'autres pays développés, du Grand Remplacement dont, une seule fois, l'auteur place l'origine ontologique si je puis dire dans la «révolution industrielle» (cf. p. 116), se montre lui-même un décadent, et cela justement dans l'usage qu'il fait de la langue française. Compliquons la problématique car, si la décadence, en tant que mouvement littéraire prenant sa place à la fin du XIXe siècle, s'est toujours caractérisée par une luxuriance, voire une débauche, parfois ridicule, non seulement de motifs (comme l'inévitable Salomé), mais aussi d'inventions verbales et de termes recherchés, la décadence à la mode camusienne se caractérise par sa pauvreté. De sorte que nous pouvons parfaitement retourner contre la prose de Renaud Camus l'accusation qu'il adresse à la prose ectoplasmique contemporaine, singulièrement celle des médias, lui reprochant de ne disposer que de quelques mots qui réduisent d'autant nos capacités à concevoir (cf. p. 83) : «c'est que, en situation de classe culturelle unique, monopolistique, personne ne pouvant ni ne voulant assumer le [sic] contrariété, la contradiction, l'antilogie, le contraire est obligé de se loger à l'intérieur même des mots, des mêmes mots, contraints, eux, de signifier tout et son contraire, et spécialement leur propre contraire» (p. 86).
Les mots de Renaud Camus, même lorsqu'ils sont majusculés, sont eux aussi contraints de signifier, non pas tout et leur contraire car ce serait affirmer que notre auteur, en plus d'écrire mal, est un menteur, mais un certain nombre, un tout petit nombre, un nombre de plus en plus réduit à vrai dire, de réalités, répétées à la virgule près de texte en texte, cette évidence rendant fort juste l'analyse de Michel Foucault, évoquant l'«isomorphisme fondamentale de la structure de la maladie et de la forme verbale qui la cerne» (7).
Devenu décadent, pauvrement décadent et non point de façon flamboyante, Renaud Camus ne peut plus prétendre à la définition de classique, telle que la donnait Désiré Nisard, qui écrivait que le décadent allait du mot à la chose, à l'inverse même du mouvement du classique, partant, lui, de la chose pour aller au mot (8). C'est que le mot, pour le décadent rentré qu'est Renaud Camus, ne va plus de soi, surtout lorsqu'il ne sert, comme il ne manque jamais de le rappeler, qu'à travestir la réalité : «Notre peuple se fait ravir son regard, sa parole et même sa souffrance par le complexe médiatico-politique, agissant au nom de l'antiracisme dogmatique qui, à cause de cet illogisme lové, calé à son fondement, ne peut pas tolérer que soit posée la question de la vérité, lui substitue constamment celle de la liberté de dire et de ne pas dire et a donc une tendance naturelle, inévitable, à la tyrannie, parce qu'il est fondé sur le mensonge» (p. 163).
Je ne sais si Renaud Camus est un menteur mais peu m'importe après tout, car il me semble infiniment plus drôle qu'il soit fermement convaincu par ses propres vagues théories, qui sont toujours, à mes yeux, aussi loufoques que dangereuses. Pour être tout à fait juste, elles me semblent infiniment plus loufoques que dangereuses, tant notre souchette (ou petite souche bien sûr) éminemment complexe aux yeux de ses sigisbées et qui, au moins, se transforme de livre en livre en frontiste manieur de slogans, réfugié dans son château de Plieux, est isolé, dernière illustration mais pas la moins comique d'une homosexualité individualiste, à vrai dire maladivement solipsiste et élitiste qui jadis s'illustra par les exemples tout de même plus littéraires que ne l'est celui de notre pauvre homme que furent Proust, Mauriac (9) ou même Abel Bonnard.
Imaginons un instant ce que l'avenir proche de Renaud Camus va être : ni penseur (car il n'a pas de pensée, mais des slogans) ni écrivain (car il n'a plus d'écriture, s'il en a jamais eue, autre désormais que des slogans et des phrases creuses), ni penseur ni écrivain d'extrême droite donc, lui qui se dit totalement étranger à cette tradition dans l'un de ses entretiens, il n'en reste pas moins qu'il est de plus en plus lu par des lecteurs se revendiquant de cette appartenance politique. Il est donc patent que notre souchien en chef ne peut plus reculer, et évoquer ses petites parties fines et enculades persillées entre deux mentions de peintres contemporains moldavo-croates, sauf à désirer mécontenter lesdits nouveaux lecteurs, qui semblent ne pas connaître grand-chose, du reste, de l’œuvre non souchienne de Renaud Camus, c'est-à-dire celle qui est composée de dizaines d'ouvrages où l'obsession du Changement de peuple n'avait pas atteint la systématicité grotesque qui est devenue son triste apanage.
Renaud Camus ne peut plus aller que de l'avant, de meeting en meeting où quelques paumés haïssant la Gueuse, le Juif, l'Arabe, le Noir et le Journaliste se donnent à bon compte le frisson du Grand Soir, de conférence en conférence où il finira, peut-être dans un siècle ou deux et à condition de bien s'entraîner dans une chambre à écho de son château, par devenir un orateur passable, de site en site pathétique où sa parole de plus en plus politisée, donc putanisée, réduite à un novlangue aisément compréhensible par tous les crétins de France et de Navarre, sera accueillie, hébergée, commentée jusqu'à plus soif entre néo-nazis, racistes, gudards, antisémites, négationnistes, souchiens, néo-souchiens, anti-remplacistes, réensoucheurs, anti-dessoucheurs, simples lecteurs de Renaud Camus qui auront pris le soin de revêtir leur combinaison NBC, que sais-je encore, autant de termes ineptes que vous le souhaiterez, puisque le slogan et l'invention verbale mononeuronale sont désormais le seul fonds de commerce de Renaud Camus, et qu'il entend bien payer les factures de gaz de son modeste château de Plieux grâce à son lectorat.
Il est donc évident, pour qui sait lire, que l’œuvre littéraire de ce polygraphe qu'est Renaud Camus, si elle a jamais existé ce dont je ne suis point assuré, du moins dans sa qualité plutôt que dans sa quantité, il est donc évident que cette œuvre est dès à présent morte, elle qui n'est plus lue que par une poignée de crétins et d'idiotes qui se pâment devant son usage de l'accent circonflexe et ne semblent pas indisposés par l'odeur de lente putréfaction qui s'exhale de ses livres; il est bien clair que l’œuvre littéraire de Renaud Camus est dès à présent morte de sa belle mort si typiquement française, donc médiocrement décadente, sans flamme ni panache, même si le cadavre bouge encore, dans la monodique déploration de tout ce qui ne va plus dans ce pays décivilisé, ressouché, arabisé comme on disait, naguère, enjuivé, puisque son auteur n'est plus un écrivain si tant est qu'il l'ait jamais été mais un piètre inventeur de slogans publicitaires, le souffleur pour meeting lepéniste de quelques syntagmes de langage vicié, ce qui n'est déjà pas si mal me direz-vous, puisqu'il est évident encore, et pour reprendre ses propres termes, que Renaud Camus est bien incapable d'écrire le roman (au sens large de texte inspiré) d'une France lazaréenne (10), qui se relèverait, une fois de plus, de ses cendres qui, elles, n'ont jamais eu qu'une seule couleur.

Notes
(1) Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire (Gallimard, coll. Folio Histoire, 1997), p. 10. Les pages entre parenthèses, sans autre indication, renvoient toutes à cet ouvrage. L'unique livre de Renaud Camus analysé est Le Grand Remplacement suivi de Discours d'Orange, à compte d'auteur (par le biais de Blurb, 2012). Là aussi, les pages entre parenthèses renvoient à cette édition, littéralement truffée de fautes.
(2) «Dans le boulangisme, Barrès fait preuve d'une grande intuition politique : il a le sens de la politique moderne, cette politique des masses et du suffrage universel. Faisant son apprentissage sur le tas, il comprend qu'un «parti ouvert», un «parti de la réconciliation» ne peut dépasser les limites d'une coalition de mécontents que dans la mesure où il lance des thèmes capables de prendre racine dans la conscience de l'homme de la rue, et dans la mesure aussi où il promet, avec précision, des satisfactions d'ordre économique aux couches sociales les plus défavorisées. Au temps de l'Affaire, Barrès poursuivra l'élaboration d'un nationalisme des «petits», de tous ceux qui n'ont pour eux que leur enracinement, leur qualité de Français. Ce nationalisme est l'héritier du boulangisme plébéien : il a retenu le même antiparlementarisme, le même anti-intellectualisme et le même antisémitisme qui, de simple xénophobie ou de vieux réflexe antijuif, devient une conception politique de première importance» (pp. 76-7).
(3) «Les difficultés économiques, le chômage, une croissance économique insatisfaisante créent un climat de malaise qui nourrit la révolte contre le libéralisme, contre le centre bourgeois au pouvoir», mais, ajoute Sternhell, «c'est un certain romantisme révolutionnaire, la fidélité à l'héritage jacobin, l'idéalisme que l'on trouve toujours au fond des mouvements de révolte et le réflexe de dignité face à l'Allemagne qui contribuent à l'éclosion du climat idéologique qui permet l'explosion de la fin des années quatre-vingt» (p. 48).
(4) Paru aux éditions Alcan en 1895.
(5) Ibid., p. 58.
(6) Ibid., p. 21.
(7) Voir Naissance de la clinique (PUF, 1963), p. 95.
(8) Voir ses Études de mœurs et de critique sur les poètes latins de la Décadence (Gosselin, 1834, t. II), p. 263.
(9) Renaud Camus est désigné comme un Mauriac de hammam gay, selon la savoureuse expression d'un de ses détracteurs, un certain Boris Leloup officiant sur Twitter et évoquant la pédalerie (sic), centrale à ses yeux dans l’œuvre de notre châtelain.
(10) Renaud Camus n'est pas Jean Raspail écrivant le trop fameux Camp des saints que j'ai évoqué dans la Zone, devenu la lecture obligée de la Droite dure cultivée mais, à vrai dire, il n'est même pas Christopher Priest ou encore l'oublié Yves Gandon, qui publia dans les années 40 un livre d'anticipation intitulé Le dernier Blanc dont l'idée lui fut directement inspirée par la défaite française face aux Allemands et qu'il explique ainsi : ce livre «constitue donc, au premier chef, un réquisitoire indirect contre la guerre en soi, celle-ci étant considérée comme un phénomène de haute démence collective. Les blancs n'y sont pas détruits par les noirs ou les jaunes, mais par leur propre aberration» op. cit., Robert Laffont, 1945, p. 12). L'anticipation est finalement le dernier mot que nous pouvons opposer aux théories loufoques de Renaud Camus : si, demain, la France est dirigée par un Beur et si, demain, le nombre des mosquées s'accroissait sensiblement, si, demain, la France devenait le premier pays musulman d'Europe, la France resterait la France bien évidemment car, si elle ne le restait pas, alors sa défaite intellectuelle, spirituelle, politique et métapolitique, serait tout simplement le signe évident que sa vocation n'a jamais été sacrée et que sa fabuleuse geste, tout au long des siècles, n'a été qu'une comédie inventée par quelques illuminés convulsionnaires. Que Renaud Camus, donc, n'aie peur de rien, surtout pas du Grand Remplacement et, ma foi, qu'il prie plutôt que de photographier son nombril vingt fois par jour.