Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« Don DeLillo et le terrorisme : une autopsie du cadavre mondial (2), par Gregory Mion | Page d'accueil | Don DeLillo et le terrorisme : une autopsie du cadavre mondial, par Gregory Mion »

20/06/2018

Don DeLillo et le terrorisme : une autopsie du cadavre mondial (3), par Gregory Mion

Crédits photographiques : Petar Kujundzic (Reuters).

3822542879.JPGGregory Mion dans la Zone





IMG_1318.jpgArgument : puisque le prochain spectacle de Julien Gosselin (metteur en scène des Particules élémentaires et du formidable 2666) va se concentrer sur trois romans de Don DeLillo (Joueurs, Les Noms et Mao II), et plus particulièrement sur la question terroriste qui traverse ces trois œuvres à différents degrés d’intensité, nous avons décidé d’y réfléchir en amont, sans l’influence d’une proposition théâtrale qui promet d’être encore une fois à la hauteur de ce sujet si décisif.





Rappel
3795801488.jpg
Joueurs




3962333504.jpgLes Noms.





Acheter Mao II sur Amazon.

Mao II : la libanisation du monde et la fin pathétique de l’art

Une scène hypnotique ouvre Mao II : le Yankee Stadium de New York envahi de milliers de couples enrégimentés dans une secte cosmopolite, désignés en tant que tels par un Maître, le révérend Moon, «Seigneur du Second Avènement», figure messianique d’un XXe siècle finissant où «l’avenir appartient aux foules», comme pour donner raison à Gustave Le Bon et José Ortega y Gasset (1). Ce gourou des accouplements factices et des mariages de masse personnifie d’emblée le titre du roman – il est une espèce de second Mao, une réplique asiatique et poupine du Grand Timonier, prince des imbéciles amassés à l’ère de la reproductibilité frénétique des impostures de l’autorité. Mao II réverbère en outre une œuvre éponyme d’Andy Warhol avec laquelle le roi du pop art multiplie le portrait de Mao Zedong en sérigraphies colorées, très criardes au demeurant, façon de prolonger la mythologie du dirigeant chinois et de pasticher une ubiquité qui excède les limites de l’existence biologique. Mao est mort ? Vive Mao ! L’amour des foules pour la soumission, indissociable d’une antipathie pour la liberté qui consisterait à prendre son destin à la gorge, se poursuit dans la catastrophique félicité devant les icônes ressuscitées par l’art de masse. À vrai dire, du Mao véritable et du Mao contrefait par Warhol, on ne sait plus tout à fait lequel est la contrefaçon de l’autre : la réalité imite l’art aussi bien que l’art imite la réalité. Comme naguère on pouvait craindre le cadavre de Staline, on craint et on respecte le caporalisme de Mao même quand celui-ci est barbouillé de colorants industriels. Sans doute que Warhol a prouvé que les foules ne sont pas prêtes à voir mourir ceux qui les dirigent au doigt et à l’œil, qu’elles ont besoin d’un berger pour ne pas voir s’évanouir le troupeau qui se réchauffe dans l’orthodoxie, et ce refus de la mort du Père, en quelque sorte, culmine avec la description des obsèques de l’ayatollah Khomeiny, que DeLillo présente comme «l’histoire d’un corps que les vivants ne voulaient pas quitter». Accrochés au cercueil avec l’adhérence d’une moule à son rocher, les fidèles du chef religieux s’épanchent dans une tragique déploration qui affermit et complète les propos de Freud dans L’avenir d’une illusion : les hommes désirent un père de substitution immortel pour remplacer le père mortel, et pour encore devancer le règne promis de Dieu, ils se fabriquent des demi-dieux vivants dont ils redoutent parfois le trépas davantage qu’ils ne redouteraient celui de leur premier père. La mort des figures tutélaires mythifiées, voilà peut-être une quatrième blessure narcissique infligée à la mégalomanie des hommes dans la typologie freudienne, après que la science a réduit les prétentions humaines à vouloir incarner le centre et le début du monde, et après que la psychanalyse a montré que l’inconscient dépossédait le sujet de sa souveraineté (2).

La suite de ce texte figure dans J'ai mis la main à la charrue.
Ce livre peut être commandé directement chez l'éditeur, ici ou bien, avec un bien meilleur résultat, chez Amazon, .


Mion2.JPG