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31/01/2024
Bloc-notes du mystique à l'état sauvage de Maxence Caron : le maxencéisme est-il un aspermatisme ?
«Maxence Caron est né en 1976. Agrégé de philosophie à 22 ans, il est Docteur ès Lettres à 26 ans. Sur décision de C. Lévi-Strauss, J. d’Ormesson et M. Fumaroli, il reçoit au même âge et pour ses jeunes œuvres le prix de philosophie de l’Académie française. Il a 29 ans lorsqu’en 2005, rompant avec toute carrière académique, il rédige La Vérité captive : ce livre d’avant-garde est le premier volume d’un Système nouveau des arts et de la pensée. Il achève ce Système considérable quinze ans plus tard, à 44 ans. Forte à ce jour de 45 ouvrages, l’œuvre de Maxence Caron contient tous les genres littéraires : aux traités de philosophie monumentaux s’ajoutent les grands poèmes, les romans, satires, journaux, les livres de littérature, de musique ou d’aphorismes, tous étroitement reliés entre eux. Directeur de collection aux Ed. du Cerf pendant 12 ans, éditeur chez R. Laffont pendant 10 ans pour la collection «Bouquins», Maxence Caron est éditeur aux Belles Lettres depuis 2015, où il dirige la collection des «Classiques favoris».
Je n'ai jamais pu comprendre, encore moins souffrir la réputation de fat surfait collant à (rime involontaire, je le jure !), de poseur impénitent s'accrochant à, de pédant himalayen aboyant vers, bref, d'éclatant vantard ventousant chaque millimètre de notre Thot graphomane jusqu'à l'épilepsie, aux connaissances plus nombreuses que les grains de sable de toute l'ancienne Égypte et même de la totalité de la surface de la planète Mars, réputation malfaisante, diffamatoire et, j'ose le dire : réellement blasphématoire qui, comme l'ouverture du septième sceau de l'Apocalypse, un tsunami de clameurs surpassant le cri universel d'horreur ayant déploré la mort du grand dieu Pan, à moins qu'il ne s'agisse du son grêle de la petite cloche entourant le maigre cou de deux ou trois chèvres galeuses habituées à brouter l'herbe annuelle des sommets les plus pelés, des mamelles flaccides desquelles ce Porphyrion neuronal, ce Spéculaire Exponentiel tire un maigre lait aigrelet (allitérations, Maxence !), réputation disais-je donc qui précède Maxence Caron l'imprécédable, puisque tout, c'est-à-dire : toute la création le suit, étant issue de son glorieux bien qu'infundibuliforme cerveau, et qu'il s'avance, logiquement et même ontologiquement, seul. S'il me fallait tenter de qualifier l'attribut le plus vénérable du Caronite, j'évoquerais, en toute première munificence, la solitude, plus impénétrable que le cœur d'un quark, solitude paradoxale puisque, n'importe qui pourra le constater, c'est sur tous les éditeurs de France et de Navarre, ou peu s'en faut, que Maxence Caron a déversé non pas sa mais
Non, je n'ai vraiment jamais pu comprendre ni accepter que cette arche adamantine de modestie qu'est notre incontestable Atlas du savoir universel, Maxence Caron, son lumineux visage invinciblement auréolé d'une aura de simplicité bienveillante, soit taxé taxé, puisse être même insulté des termes orduriers que j'ai écrits en tremblant, car il est tout ce que l'on voudra (j'y viendrai, car il est beaucoup de choses et peut-être même, je l'ai dit : toutes les choses) sauf, résolument, menteusement, scandaleusement, rageusement, un prétentieux.
C'est même tout le contraire, croyez-moi, moi que l'on dit plus prétentieux qu'un satrape d'Asie de la grande époque, celle où la chair des ennemis servait à fabriquer des tentes et des peaux de tambourin où l'on annonçait les implacables razzias : Maxence Caron est l'homme le plus humble vivant sur cette planète, du moins parmi ses frères, puisque son propre site dirimant nous apprend qu'il est entré dans la vie consacrée, prononçant ainsi les trois célèbres vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, mais certes pas le quatrième (qui n'est pas, techniquement, un vœu) qu'il eût été fort avisé d'ajouter, dans son cas, celui de silence, pour adjoindre, au mystère de son adoration, la suspension bienvenue de notre élocution labile.
Comme toujours avec ce puissantissime esprit dont toute vacillante connaissance n'est que la servante apeurée mais reconnaissante, c'est la théologie, et elle seule, qui peut rendre compte de cet apparent paradoxe. C'est toutefois à un domaine voisin, celui de la mystique, singulièrement juive, que je ferai appel pour dénouer ce nœud gordien, en rappelant que la belle doctrine du tsintsoum suppose que Dieu, dans Son infinie miséricorde, a accepté d'accorder quelques parcelles infinitésimales d'être à la Création, afin que celle-ci n'étouffe pas sous le feu consumant de Sa lumière.
Maxence Caron, comme l'autre, ce copieur, ce singe infernal (je parle de Dieu, pas de Satan), peut ainsi dire, sans l'ombre d'une exagération : Je Suis celui qui Suis, déclenchant de la sorte, par sa lumière qui est verbe, par son verbe qui est splendeur, par son retrait qui est plénitude, par son silence qui est consumant bavardage, le flot ininterrompu jusqu'à ce jour de la Création, qu'une seule de ses paroles, inimaginable, rappellerait au silence absolu, primordial, au silence inconnaissable précédant la toute première explosion de pure énergie dont lui seul connaît l'origine. C'est toutefois parce que Maxence Caron a daigné se retirer de tout l'espace, visible comme invisible, qui n'est que l'une de ses innombrables œuvres, l'un des multiples univers que Sa fantaisie s'est plu à créer, que j'existe et que, toi, mon imparfait lecteur, tu existes et que, tous deux, armés de nos intelligences respectives (la mienne, tu t'en doutes, plus habile que la tienne, car je lis Caron depuis des années), serrant fermement nos bâtons de pèlerin, nous tentons de comprendre ce que peut bien vouloir dire ce saint apotropéen qui, comme l'autre, plus que l'autre, le ridicule bègue Chrysostome, pourrait être qualifié de bouche d'or.
Louons Maxence Caron de nous permettre de L'adorer, Lui qui S'adore sans avoir besoin de nous, dans un salvifique Ouroboros qui se mord sa turgide jactance !
Comment ne pas adorer, en effet, Celui qui a reçu au moins deux des plus inconcevables onctions qu'il soit permis d'imaginer, prononcées par deux bouches mémorables, anamnésiques, orgiaques, liturgiques, versées par quatre mains insignes, celles de Philippe Sollers et de Bernard-Henri Lévy (1), comme l'intéressé lui-même ne manque jamais de le rappeler dans la moindre de ses lignes ? Il y a de quoi être fier, et aussi être fier de le faire savoir, car ce ne sont pas d'oubliables fées qui se sont penchées sur un berceau rempli par Sa Sommité, mais deux des plus puissants Archontes de cette mesurable phase du Temps, que Maxence Caron, à bon droit, peut affirmer remplir et même faire éclater, afin que Sa Substance se déverse et féconde le prochain cycle qui Le louera dans la crainte et les tremblements.
C'est que Maxence Caron, comme le Sphinx antique ou plutôt quantique qu'il est, est là sans y être, naît sans mourir, meurt en renaissant, parle quand il se tait, rayonne de modestie quand il chie des quintaux de prétention. Il est Paradoxe final, absolu, premier, il est apodictique et encore plus apophatique. Ce qui Est est, bon sang, ce qui Est ne peut qu'être, ou alors rien n'est vrai, n'est-ce pas ? Voici que, en louant Maxence Caron, l'homme de la foule que je suis reçoit de toutes spéciales grâces intellectives, et voit sa vision, d'ordinaire trouble et boueuse comme les eaux de la Seine avant qu'elles ne soient purifiées pour accueillir les barbotages médiatiques de son affreuse mairesse, être haussée jusqu'à un Himalaya, que dis-je, un Olympus Mons de connaissances non pas seulement martiennes mais universelles.

Cette noble et ancienne lignée avait différentes maisons solaires en Aragon, Cantabrie, Castille, Catalogne, Navarre, Pays Basque et La Rioja. Quant à l'ancienneté de mon lignage, elle n'a rien à envier à la tienne, ridicule bouffon : Cette lignée est documentée dans les codex de Santillana del Mar (Cantabrie) en 1199 et dans un livre-veau de l'Abbaye d'Oña, en 1245. Ils avaient une maison solaire à Merindad de Trasmiera (Cantabrie), etc.
Une page après le passage que j'ai cité, Maxence Caron, pour bien illustrer le fait que je ne suis rien de plus que «l'homme du commun» et un «trivial exemplaire d'individualité», se croit obligé de citer à la barre Musil évoquant «Der Mann Ulrich ohne Eigenschaften", référence suréminemment transparente puisque, prend tout de même le temps de démontrer Caron, «à l'oreille austro-étymologique de l'auteur qui associe ce prénom protagonique à l'absence de toute Eigenschaft, Ul-rich signifie «le roi de la boue», car celui dont la richesse (rich) consiste à ülen autrement [dit] à fouiller dans l'ordure et la saleté» : ici, je fais remarquer à l'intéressé qu'il a dû laisser passer une coquille voire deux coquilles, puisque sa phrase aurait un quelconque sens, bien qu'ampoulé, si on la réécrivait en ajoutant dit, soit autrement dit à fouiller et si on remplaçait l'assez peu concaténatoire «car» par un autre mot comme, par exemple, soit, mais ce n'est là qu'une toute petite incise étant donné que, nous l'aurons compris, «Ulrich c'est ainsi : l'abondant en boue. C'est l'homme plongé dans le flux des causes externes. L'homme sans Eigen. L'homme sans soi. L'homme sans propre-té (sic)», bref, «l'homme mal-propre» (p. 242). Me voici donc rebaptisé Ulrich, Ulrich Sensio je suppose, et défini comme étant crasseux, le suffixe mal pouvant comme il se doit être entendu dans son acception morale, puisqu'il découle, de ma malpropreté, ma malhonnêteté et j'en passe.
Bref, je me retrouve «à faire la planche sur [m]on bain de boue», «imbécile» que me voici si justement défini, et «homme sans propre-té», autrement dit (pardonnez-moi de systématiquement devoir traduire le maxencéisme qui n'est pas, à l'évidence, un transparentisme), sale ontologiquement, ontologiquement malpropre, homme déproprié et que ma «dépropriation soumet maladivement aux réactions de l'extériorité», subordonné que je suis, lamentablement, «aux causalités secondes et extrinsèques»,

Je ne prendrai évidemment pas la peine de vous donner le sens, réel ou bien figuré, de tel ou tel terme que Maxence Caron puise dans sa besace des mots rares, ni ne m'amuserai à proposer quelque remède susceptible de lui faire passer son adverbite aiguë, car je note, ô divine surprise, que ce sur-étant-non-être que je suis, bien que muet, sourd et probablement aveugle, a pu se faire connaître de la Fontaine de Lumière qu'est Maxence; c'est la ma première surprise, la seconde, non moindre en intensité je vous somme de le croire, tenant au fait que, si j'ai bien lu (soyons prudents !) le trois fois grand Maxence Trismégiste se propose de me donner la clé de ma cécité, de ma surdité, de ma muetteté et, ainsi, de me faire accéder non pas à son stade d'évolution (blasphème !) mais au premier pallier de l'être, celui, en somme, d'une amibe, d'un protozoaire, même.

N'allons pas trop vite car, pour l'heure, ne me suis pas encore extrait de mon bourbier; d'ailleurs, est-ce que je le souhaite vraiment ? Maxence Caron ne fait pas mystère de répondre par la négative car, un parmi d'autres «innumérables coprophages enquête d'un mufle amour et d'une reconnaissance bourgeoise», je suis bien incapable de maîtriser le chaos que je porte en moi, façon de convoquer un nouvel auteur à la rescousse et, surtout, de bien me faire comprendre que seul «l'art musical que contient le Poëme principal», art musical auquel, je vous le rappelle, je n'entends ni ne comprends ni ne maîtrise goutte, ou plutôt note, est capable de «donner naissance à une étoile dansante». Ne me demandez pas ce que peut être une étoile dansante car je donne bien volontiers ma langue au chat mais je puis au moins vous assurer que Maxence Caron, lui, a depuis belle lurette dépassé le stade plateusement primaire de l'entrechat, fût-il de la pure énergie consommée par l'étoile Sirius (l'étoile la plus brillante du ciel après le Soleil, ce qui n'est pas rien), puisqu'il s'est transformé non seulement en supernova mais, sous l'action de sa propre inconcevable masse de suffisance, s'est effondré sur lui-même ! Techniquement si je puis dire, astrophysiquement, Maxence Caron est donc devenu un trou noir qui engloutit même la lumière, ce qui revient à dire, vous l'aurez compris si vous me suivez, qu'il se dévore lui-même. Voyez donc où nous a conduit la simple évocation d'une «étoile dansante» ! C'est toujours ainsi, dès qu'on s'avise à lire du Maxence Caron : on se découvre de nouveaux horizons et, surtout, la capacité de les sonder en rompant toute amarre !


Ô Caron
Plein tout
De mystères,
D'une oreille
Je t'écoute :
Ne diffère,
Et le mot profère
Après quoi soupire mon cœur.
Dans la si divine liqueur,
Bacchus qui fut d'Inde vainqueur,
A toute vérité retenue.
Vin si divin, loin de toi sont tenus
Tout mensonge et toute tromperie.
Qu'en joie soit l'ère de Noé conclue,
Lui qui ta composition nous apprit.
Chante le beau mot, je t'en prie,
Qui me doit sauver de misère.
Qu'ainsi ne se perde une goutte
De toi, blanche ou bien
vermeille.
Ô Caron.
Plein tout
De mystères,
D'une oreille
Je t'écoute :
Ne diffère.
Il paraîtrait même, continue Maxence Caron, que je me serais amusé à piller son style, recopier «soigneusement les formes, les néologismes et les trouvailles de [son] style» (p.245) de perruquier surdimensionné, qui conclut sa tirade par cette belle formule : «il est certes si vide qu'il lui faut essayer de consister en haïssant ce qu'il admire afin de ne pas lui-même se haïr de s'en nourrir». Avec Caron, on se mord toujours la queue métaphysique, parce que l'autre, bien sûr, doit non-exister et, de fait, il est admirablement facile de retourner cette petite flèche qui, comme celles qu'utilisent les enfants, ne dispose que d'une ventouse en guise de pointe, vers l'envoyeur car enfin, je crois bien, non : j'en suis sûr, c'est Maxence Caron qui a perdu tant de ses si précieuses heures de méditation transcendante pour me consacrer un portrait si peu original que chacune des caractéristiques dont il se plaît à me parer lui convient admirablement : impuissant, prétentieux, copieur, sale, sans la moindre trace d'humour, menteur, et menteur au carré et même au cube car cet apôtre de sa propre Bonne Nouvelle, qui a dû faire vœu de silence, n'en finit pas de la ramener, dans un livre, deux livres, trois livres, trente livres, quarante livres, publiés chez un éditeur, trois éditeurs, quatre éditeurs, cinq éditeurs, dix éditeurs, tous les éditeurs qui semblent ne pas avoir compris qu'une bulle de gaz remontée à la surface d'un marécage jamais ne pourra accéder à un existence qui ne soit pas puante, labile, en un mot : dégoûtante.
Ah, qu'il est facile, mon petit Caron, de clouer comme un vilain charançon ta «submejule vanité», aussi «rancuneuse qu'incontinente», mon cher «imposteur de naissance» (p. 246), si l'on admet que ton expectoration, de quelque vulve après tout humaine ne t'en déplaise, fut aussi l'occasion de révolutionner l'univers !
Je ne m'appuierai que sur ce seul petit passage, que l'intéressé ne m'en voudra pas de reproduire tel quel ou presque, noyé qu'il était dans plusieurs paragraphes de règlements de compte avec d'anciens, ou même de futurs (2) collaborateurs, dont le nom de l'un tout particulièrement, qualifié de «Julien Doré de cette micro-pornocratie pseudo-spirituelle» qu'était la droite nationaliste, figurait sur la première de couverture d'un volume collectif qu'il avait dirigé (co-dirigé, indice) sur Philippe Muray, pour la simple et excellente raison que je ne comprends jamais rien quand Maxence Caron écrit, «graphomaniaquement», comme il le conclut d'une de ses interminables missives. Il y en eut d'autres, qu'il éreinta, et copieusement, car Maxence Caron ne surcharge la barque du byzantinisme (3) que dans ses textes publiés, alors que sa correspondance, elle, va droit au but, si je puis dire !
Certes, je lis, parfois, ou plutôt : j'ai lu, parfois, son diligent petit chaouch à moustache pré-pubienne, un certain Romain Debluë essayant, désespérément, de reproduire un quark du génie de son maître aussi rigoureux qu'intraitable, et à tel point rigoureux qu'il châtra, pardon : élagua car il n'y avait aucun autre organe que de la broussaille à couper, élagua donc la nullissime préface qu'en récompense de son rampant dévouement le Mirifique Sar Caron lui laissa écrire pour introduire... non, décidément, pour présenter benoîtement quelques œuvres de Georges Bernanos.
Il faut dire que comprendre la prose de Maxence Caron, même pour un lecteur ayant lu Joyce, Guyotat, Sterne, Roussel, Celan et bien d'autres écrivains réputés difficiles, est une activité dangereuse. Moi, j'y arrive, du moins lorsque notre Himalaya de neurones n'accouche que d'une souris, comme avec son texte sur Muray ou lorsqu'il présente un volume sur Bloy dont il va de soi qu'il s'est gardé l'exclusivité. L'exercice n'en reste pas moins fort risqué pour des lecteurs occasionnels ! Ainsi, j'ai pu apprendre que la directrice des Belles Lettres qui toujours dit oui à Maxence Caron lorsqu'il lui envoie un de ses manuscrits de 783 pages en moyenne, Caroline Noirot une fois de plus, s'est mise en tête de lire son gros volumineux dernier pensum, intitulé, modestement, Bloc-notes du mystique à l'état sauvage, termes qui on s'en doute assez vite ne peuvent désigner que ce Pulsar d'intelligence qu'est l'auteur n'ayant besoin d'aucune glace puisque son intellection elle-même est spéculaire. Mal lui en prit, car la pauvre femme dut être conduite aux urgences, se plaignant, après avoir parcouru les toutes premières lignes de l'inénarrable recueil, d'épouvantables migraines ! Le diagnostic surprit le neurochirurgien en chef qui faillit en rester penaud au moment d'en faire le compte rendu aux proches de l'intéressée : Caroline Noirot souffrait d'une maladie rarissime, apparemment incurable puisqu'elle ne pouvait conduire qu'à une dirimante régénérescence du cerveau, la caronite aiguë, et rarissime du fait, fort heureusement, que sont assez peu nombreux les inconscients s'étant aventurés à lire plus d'une page du Mage Suressentiel. Malheureusement, cette providentielle manne d'intelligence condamne à l'errance celui qui l'a reçue : comment pourrait-on trouver quelque grâce, après avoir été le Champollion de l'écriture maxencéenne, à quelque texte que ce soit, fût-il rédigé par un Platon, un Kierkegaard ou un Wittgenstein ? C'est tout bonnement impossible et le caronisme, qui fait bien les choses, décidément, vous rive à son altissime pic de solitude, vous condamnant à ne jamais pouvoir redescendre dans les piètres alpages où pâturent les moutons du savoir, les boucs de la connaissance. Romain Debluë, à ce que l'on m'a rapporté, ne semble absolument pas souffrir de cette pathologie qui, bizarrement, ne dévore pas le cerveau mais au contraire l'accroît, car son corps est d'ores et déjà tout proche de parvenir au stade astral : essayez donc de donner des coups de marteau à un ectoplasme !

Mais, dis-moi, petit minable logorrhéique, pet d'insignifiance verbeuse, flache de suffisance qui n'étancherait même pas la soif d'un éphémère, flatulence expectorée par le cul obsidional d'un Gargantua qui aurait mal digéré son aligot de bibliothécaire, ridicule et vain Maxence Caron jouant à parodiant, insultant, conchiant, blasphémant, en fin de compte, la simplicité monastique, plus ridicule et risible encore que tu n'es pharaoniquement prétentieux et creux, comme le prouve le merveilleux paragraphe de présentation plus haut cité où tu chantes ton propre génie inaltérable, dis-moi, bouffon sorbonicole, amphigourique plâtrier de la retape verbale, le stuc plutôt que la roche, l'ornement dandinant des fesses comme une catin orientale refusant la saillie, dis-moi, mon Sardanapale d'aucune débauche plus coruscante que le remplissage méthodique de milliers de pages qui n'existent pas puisqu'elles ne sont pas lues, hormis, peut-être, par quelque chercheur au courage adamantin qui, de ta folie, fera une épithète de nature (caronien, syn. maxencéiste : se dit d'un nain se prenant pour un géant), dis-moi, mon tout petit Maxence Caron, qui diable ai-je trahi dans nos affaires littéraires jamais conclues, et par ta seule faute de pédant surnuméraire ? Toi, muscadin bientôt cinquantenaire et toujours à la recherche d'une seule phrase qui ne serait pas un sophisme ? Toi auquel j'ai proposé plusieurs fois de consacrer un beau volume réunissant nos efforts, ceux d'autres contributeurs qui sait, sur Paul Gadenne, sur Léon Bloy, sur Georges Bernanos et qui, systématiquement, te réserva (ou réserva à ton clone, Romain Bakélite Debluë) le si beau morceau, en invoquant, systématiquement, le fait, pauvre petit garçon souffreteux n'ayant que son poignet pour diligent compagnon, que tu vivais reclus, ne fréquentait personne et surtout pas, grands dieux non, les éditeurs, alors même que le grappin que tu as jeté sur plusieurs d'entre eux est plus solide que le ciment par lequel les récifs coralliens se fixent aux rochers sous-marins ?

Va donc prendre un bain, Maxence Caron, va donc te laver ce visage d'apôtre constipé que tu traînes dans toutes les officines éditoriales, toi le stylite en charentaises, le Puceau perpétuel suintant dans chacun de ses livres impuissants la blennoragie de la satisfaction aussi mûre qu'un bubon sur le point de crever, va donc te laver, pauvre diable qui se croit Prince, même si je viens de torcher et même d'essorer ton visage de puterelle obséquieuse, de commis de Judas qui lui eut, au moins, le courage de se pendre, et non de se prendre pour ce qu'il n'est pas, en se mirant dans un miroir déformant, et non de se voir pour ce qu'il croit être son reflet et qui jamais ne sera qu'une illusion comiquement démentie par chacune de ses lignes !
Maxence Caron, tu n'as pas bien spécifié, toi qui te vantes pourtant, comme le disait Nietzsche, d'être un nommeur, quelle était l'essence de ma trahison ni même son intention car, si je suis Judas, ce que poussivement tu n'es même pas parvenu à établir, toi, mon ridicule bouffon, tu n'es pas le Verbe qui s'est fait chair, mes krausiennes citations de ta prose prouvant assez mes dires. Vois-tu, Maxence Caron, tu n'es même pas l'image dégradée, le moût filtré par des centaines de milliers de livres, le résidu suintant de mille bibliothèques, d'une toute simple évidence que tu enrages de ne pas incarner, encore moins de comprendre : un écrivain.
Notes
(1) «Virtuose et musical, Maxence Caron ouvre des angles nouveaux et remarquables», écrit ainsi Philippe Sollers, tandis que Bernard-Henri Lévy, lui, parle ainsi : «Lorsque j’ai évoqué le nom de Maxence Caron, j’ai été surpris par la violence des réactions. Cet auteur prolifique et inactuel est l’absent le plus réprouvé du paysage intellectuel français. J’aime sa critique d’un relativisme qui enténèbre la lumière du monde. J’aime son insurrection contre une philosophie devenue l’avant-dernière version d’une «misosophie» vieille comme l’histoire des hommes. Qu’il situe l’aurore de la pensée dans le souffle «principial» des prophètes bibliques plus que dans les aphorismes présocratiques me plaît aussi beaucoup. Et je trouve beau qu’il reste, en ces temps crépusculaires, un esprit qui, comme Aristote consacrant le livre Delta de sa Métaphysique à donner son dictionnaire privé, ose inventer, pour ses concepts, des noms imprononçables, longs comme le bras armé de la pensée.» Je dois ces précieux jugements à l'intéressé lui-même car, n'ayant certes pas fait vœu de modestie, il n'allait quand même pas se priver de saluer ces deux modernes Jean le Baptiste annonçant son règne magnanime.
(2) Ainsi d'Alexandre de Vitry, copieusement étrillé par Maxence Caron dans l'un de ses courriels à la suite de la note que je consacrai à une étude passable sur Philippe Muray, mais qui devint le préfacier d'un Charles Péguy mystique et politique dans la collection Bouquins.
(3) C'est encore Julien Benda qui a le mieux et par avance caractérisé l'espèce de comique prurit que Maxence Caron n'en finit pas de se gratter, une ou deux nécessiteuses, convaincues que l'homme est un saint ou peu s'en faut, ramassant pieusement chacune de ses plus minuscules pelures, en commentant un propos de Victor Hugo extrait des Travailleurs de la mer (troisième partie, livre 1er, chapitre II) : «Ce qu’il éprouvait (Gilliatt) échappe aux paroles; l’émotion est toujours neuve et le mot a toujours servi; de là l’impossibilité d’exprimer l’émotion.» Cette phrase, commente donc Benda, écrite en 1866, frappe par sa modernité. Elle pourrait être de Bergson, de Proust, de Gide, de Jouve, d’Eluard, de Fargue, de tel surréaliste. Elle est d’ailleurs fausse; le mot a le pouvoir de redevenir neuf par l’accent dont il est prononcé, le mouvement où il est inséré, l’acuité de sens qui lui est donnée; cette faculté de renouveler le mot est justement ce qui fait le grand écrivain», in La France byzantine ou le triomphe de la littérature pure [1945] (Gallimard, 1981), note Z’, p. 292. Maxence Caron, qui n'en finit pas d'aligner à la queue leu leu des bassines de mots extraits d'un quelconque dictionnaire des vocables rares et oubliés remplira sans doute, si l'on n'y prend garde, des bibliothèques entières, mais jamais, ô grand jamais, il ne sera ce qu'il pense être : un écrivain.