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10/03/2009

À quoi sert Josyane Savigneau ?

Crédits photographiques : Rich Pedroncelli (Associated Press).

Avertissement de JA
Je puis certifier l'exactitude absolue de plusieurs points évoqués dans le texte ci-dessous dont : la tenue d'un récent débat à la Foire du Livre de Bruxelles consacré au sujet mentionné, avec les participants dont les propos, du moins leur esprit plutôt que leur lettre indigente, m'ont été fidèlement rapportés par une amie qui a bel et bien échangé quelques mots avec l'inutile Josyane Savigneau, sollersienne convaincue depuis sa première communion, grande amie de Claude Durand dont elle salua sans même rougir, à une époque encore récente, tous les livres que l'immense éditeur (je ne fais que répéter ce que j'entends et lis : Claude Durand est un immense éditeur comme Bono est un immense bienfaiteur de l'humanité) lui demandait d'évoquer, en traçant devant elle une petite croix dans chacune des cases qu'il lui fallait remplir, comme un professeur coche, suivant sa satisfaction plus ou moins grande, une case indiquant les progrès de son élève.
Le reste, notamment la surprenante facilité lyrique de Josyane Savigneau et le fait qu'elle soit parvenue à écrire un livre sur un sujet aussi complexe qu'elle-même, est bien évidemment pure invention de ma part.

À quoi sert Josyane Savigneau ?
Mes chers lecteurs, je donnerai ma réponse avisée, à cette question qui n'en finit pas de traverser, depuis qu'elle a été imprudemment lancée à la face du Dieu absent, les étendues sidérales en fécondant sur son passage des systèmes solaires entiers, dès que j'aurais eu le plaisir de lire l'ouvrage de la critique dite littéraire la plus inutile de France, ouvrage que son éditeur, Stock, par un sentiment de pudeur bien compréhensible à l'endroit d'un auteur voulant à tout prix redevenir ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être après avoir connu la gloire médiatique, une simple badaude achetant son exemplaire de la Théorie des exceptions en demandant timidement à son libraire le rayon où il l'a rangé amoureusement, ne m'a pas encore envoyé, malgré une trentaine de messages de tous genres stylistiques qui n'ont de point commun que leur ton de plus en plus comminatoire. Rien à faire, je devais compter avec l'inépuisable radinerie de Fayard, il me faut maintenant tirer un trait sur les services de presse fournis copieusement par Stock à de plus chanceux que moi. Ou de moins francs... Ou de moins polémiques...
Avant de stupéfier le très vaste monde des lettres parisiennes en livrant ce qui pourrait bien être la réponse à une question qui, comme quelques autres tout de même moins métaphysiques, nous demeure cachée depuis la création du monde, livrons quelques indices : la si peu sémillante Josyane Savigneau, journaliste uniquement connue des sollersiens les plus pointus, lors d'un Salon du Livre qui du jour au lendemain devint le seul événement digne d'être pieusement commenté parmi les innombrables événements qui eurent lieu en cette inutile année 1995 a jeté, par deux fois au moins, le contenu de sa coupe de Champagne sur le visage de Marc-Édouard Nabe qui, grâce à sa très petite taille, n'a pas même eu besoin de faire mine d'éviter le furibond jet de liquide pétillant qui mouilla la chemise à fleurs, au niveau du nombril, de Stéphane Zagdanski, jamais très éloigné, à cette époque du moins, de son ami et, quoique tout petit, infréquentable et priapistique maître.
Josyane Savigneau, j'ai oublié de préciser ce fait peu connu, a aussi occupé sous sa douche, durant des années lumineuses, douloureuses et élégiaques, la place de soliste aphone dans un opéra posthume récemment découvert de Mozart intitulé Philippe Sollers ou le Don Juan improbable (KV 000, improbable plutôt qu'impromptu, même si je dois faire remarquer que le débat continue de faire rage parmi les plus éminents musicologues qui n'ont toujours pas tranché entre les deux termes, de même que le fait de savoir si Da Ponte a collaboré à cette œuvre mineure du génie autrichien est une question que nous ne saurions trancher en quelques lignes).
Josyane Savigneau, qui ne laissera de trace dans les mémoires, du moins espérons-le, que pour le premier seulement de ces hauts faits d'armes, participait il y a quelques jours, durant la Foire du Livre de Bruxelles, sans doute en sa qualité de spécialiste des navets, à un débat animé par Elkaïm Kerenn intitulé Cultiver la critique littéraire, ayant pour éminents participants, outre notre diabolique critique, Jean-Claude Vantroyen et Michel Field.
Délaissant mon paletot d'obscurité primordiale qui fut tressé, voici quelques millénaires, par ma maîtresse Gorgone, jouant de la mobilité démoniaque de mes traits fantasques pour me composer une figure qui ne soit point celle du sombre Marin de Coleridge, bref, redevenant pour quelques heures le placide et charmant Juan Asensio afin de tenter d'approcher celle qui fut la plus haute prêtresse du culte sanglant de Sollersoustra, que mes séides m'indiquèrent n'être qu'une honteuse approximation de mes plus fades sabbats coupés à l'eau sucrée de Huysmans puisqu'il se contentait d'offrir en sacrifice quelques mouches céruléennes échappées des livres de François Meyronnis ou de Yannick Haënel, je vins écouter les propos absolument insignifiants de Michel Field consacrés à la renaissance commerciale, grâce à l'une de ses émissions aujourd'hui heureusement oubliées, du roman tout juste passable de Philippe Grimbert intitulé Un secret, trépignant d'impatience en attendant que notre morganatique critique livre ses plus précieux oracles. Le diable, tout démonologue débutant connaît cette caractéristique s'il a lu Tertullien, le diable étant l'impatience faite ange (1), j'eus quelque grande difficulté à ne point trépigner sur place et risquer de marquer ainsi d'une empreinte peu discrète le sol sur lequel je me tenais, ma fière tête tendue vers la hiératique critique pour l'heure silencieuse, le regard intrépide s'aventurant dans quelque paysage intérieur grandiose et inconnu.
Enfin la plus fidèle interprète de l'idole sumérienne cacographique appelée Baal Sollers dit le roi des Moucherons, ouvrit la bouche et les mondes de trente univers s'arrêtèrent de parcourir leur orbe elliptique autour de myriades de globes de lumière que les plus puissants télescopes ne sont pas encore parvenus à découvrir.
«Quelle chance que la mienne, affirma clairement, d'une voix tout de même colorée par une compréhensible émotion, Josyane Savigneau, oui, quelle chance immense d'avoir été embauchée par Le Monde puisque se pressaient, je vous le rappelle au cas où vous ne le sauriez pas, sous des fourches caudines que même Marc-Édouard Nabe, ce vil contempteur de mon talent, aurait trouvé basses, pas moins de douze candidats en interne tous désireux, fût-ce au prix de leur âme bradable facilement, d'occuper la place que dis-je, le trône depuis lequel je n'allais pas tarder à fulminer mes bulles ! Pourquoi pas moi ?, se demanda alors, à voix haute, puissante et d'une surprenante alacrité, notre diabolique prêtresse presque dressée sur l'estrade et vibrante d'une fierté difficilement contenue, oui, pourquoi pas moi ?», hurla cette fois-ci celle qui eut raison d'invoquer son maître Sollers le trois fois Ardent pour le prier de réaliser un miracle capable de dessiller les yeux des aveugles que nous sommes tous.
Les pouvoirs du Doge de la bêtise n'étant pas de pacotille puisqu'il a réussi à publier l'un des plus mauvais livres de ces cinq derniers siècles, De l'extermination considérée comme un des beaux-arts de son ami François, le miracle se réalisa et Josyane s'engouffra dans sa caverne protégée par une garde d'eunuques fanatiques. Elle devint ainsi, après des années d'efforts dont nous, nous les paresseux ne pouvions avoir ne serait-ce que l'ombre d'une idée, la vestale la plus courtisée d'un culte dont les origines se perdent dans les sables de Mésopotamie pour timidement finir dans les toilettes du Flore. Josyane Savigneau occupa donc l'une des places les plus prescriptrices, comme disent les vendeurs de tondeuses à gazon, du journalisme de la plus haute qualité et intégrité intellectuelles : Le Monde des Livres.
Vrai !, que la foule des incroyants ne se gausse point ou je lui enverrai quelque horrible Scarbo qui l'affligera de rêves terribles : je sentis alors, mon regard vert magnifiquement décrit par Jean Lorrain brûlant de fondre sur celui de ma diabolique délaissée, une onde chaude et puissante de plaisir parcourir ma souple échine qui fit se tordre de délices les sorcières de Macbeth et je sentis également se dresser, pour quelque oraison propitiatoire, l'organe que Félicien Rops a peint arrosant de ses gouttelettes méphitiques la plus profonde nuit parisienne, lorsque Josyane évoqua, la voix incapable de contenir une émotion bouleversante (plusieurs des auditeurs qui m'entouraient portèrent une main tremblante à leurs yeux subitement humides), sa très dure éviction du Monde des Livres, autrement dit de la Sainte Congrégation de l'Ardent Sollers le trois fois Vénitien, éviction, que me dites-vous là : blessure point encore refermée, tremblement de terre et de ciel, bref catastrophe insigne qui est la matière très sensible, à vif comment pourrait-il en être autrement ô viles âmes insensibles, de laquelle un livre ténébreux et maléfique a fait jaillir une fleur unique à la vénéneuse fragrance. Ce livre porte un titre que Baudelaire, le savant et crépusculaire poète des Fleurs du Mal, l'un de mes disciples les plus subtils, n'aurait point rougi de trouver dans quelque grimoire tout gorgé de sang de vierge : ce titre, dont la seule prononciation mentale suffit, paraît-il, à convoquer les gouges les plus immondes que les appels frénétiques de Manfred n'émurent pas et rameuter toutes les créatures de l'Enfer qui délaissèrent le si peu machiavélique Gilles de Rais en un cercle avide de dévorer les plus savants Cazotte, ce titre que moi-même, Satrape déchu régnant cependant sur des armées innombrables et magnifiques vues en songe par John Milton, je tremble d'évoquer, ce titre quel est-il ? Frémissons d'oser livrer au public inculte l'une des invocations infernales les plus puissantes que bouches mortelles craignirent de chuchoter : Point de côté.
Il nous fallait souffler sans doute, car le public, autrement, se fût jeté du haut de quelque falaise comme les pourceaux évangéliques, mes mignons tout remplis de moi, et alors nous soufflâmes puisque, après avoir présenté son travail d'enseignant, Jean-Claude Vertroyen évoqua l'inévitable question des blogs que très habilement Michel Field et Josyane Savigneau, par leur silence aussi respectueux qu'éloquent, firent germer dans les cervelles les plus obtuses. «Avec Internet il y a un essor des blogs, une bulle. Il existe notamment deux blogs qui se déchirent : le Stalker...»
Là, mon cher lecteur, je brise la trop facile cadence de mes phrases impeccables en y glissant un couac salvateur, là donc, à ce moment devant lequel mon odieux Créateur Lui-même frémit de surprise lorsque, de toute éternité, Il en conçut l'affreuse stupéfaction, là, triste mortel et toi Proserpine, ma compagne immonde et belle, nulle technique de reproduction ne pourrait figer la magnifique grimace de dégoût barrant d'une cicatrice plus large que le sourire de Gwynplaine le dur visage de Josyane, nul écrivain ne saurait être capable de camper l'essoufflement, la lassitude, l'étonnant mélange de ces sentiments et de quelques autres point soupçonnés des créatures sublunaires, qui fit se tordre, comme s'il se fût agi d'un diablotin soumis à l'exquise torture d'un filet d'eau bénite tombant goutte à goutte sur son front maléfique, Josyane Savigneau et sourire, oui, sourire très méchamment, diaboliquement, Michel Field, sans doute quelque initié de l'Ordre secret des Téméraires Serviteurs du Noir, comme je me surpris à le penser en regardant plus attentivement cet homme à la silhouette aussi bedonnante qu'anodine, «le Stalker donc et... Pierre Assouline !»
Et Vertroyen l'impavide de poursuivre, alors que les secouristes, sur un geste à peine perceptible de Josyane, accouraient en nombre, observant tout de même une distance aussi respectueuse que prudente entre leurs pauvres carcasses frémissantes d'amour et l'enveloppe charnelle de leur Archonte vipérine, se tenant, quoi qu'il en soit, prêts à réagir en une fraction de seconde au moindre signe inquiétant qui trahirait de leur déesse quelque inexplicable évanouissement, et Vertroyen de continuer donc, affirmant qu'on assistait à une vraie foire d'empoigne qui se terminait presque à tous les coups par des insultes et engueulades ad hominem. «Les critiques se critiquent et oublient d'être des passeurs», cette mémorable sentence étant fort heureusement saluée par de francs rires secouant un peu trop mécaniquement les corps de Field et, redevenu marmorréen, de Savigneau dont la voix, plus tranchante que jamais, coupant Vertroyen qui évoquait, courageusement, la dimension autistique d'Internet et singulièrement des blogs, résonna dans le temple devenu subitement silencieux. Je me souviens de ces paroles de colère et de feu comme si quelque inquisiteur avait tenté de les graver sur le corps rompu d'une de mes adorables sorcières : «De toutes façons affirma notre critique stochastique, le sort des blogs ne peut qu'être équivalent à celui des radios libres, toute cette fumée va disparaître, tout cela finira par se tasser, il suffit, en attendant cet heureux événement, de se boucher le nez et de fermer les yeux». Les applaudissements furent frénétiques, quelques hourras fusèrent, qui n'arrachèrent qu'un minuscule sourire à l'immarcescible Savigneau, décidément aussi impassible qu'une statue de bronze.
Je vis ensuite une jeune femme s'approcher de notre éminente critique partie retrouver une de ses amies et probable collègue, alors que les derniers officiants du culte sauvage dont j'avais été le spectateur anonyme et fasciné, le regard encore voilé et comme vidé de toute énergie, s'apprêtaient à retrouver leur insignifiante vie profane, tout de même consacrée par quelque relique savignesque, rognure d'ongle ou morceau de cheveu, postillon insigne, qu'ils étaient parvenus à sauver de l'indifférent parterre promis à un futur industriellement javellisé. Je n'eus aucune peine à entendre très distinctement, en suivant discrètement les intéressées à quelques pas de distance, les paroles qu'elles échangèrent en se dirigeant vers le stand des éditions Stock, où notre diabolique allait sans doute libérer quelques-unes de ses dédicaces les plus rugissantes :
- «Madame, pardon...
- Mademoiselle ou Madame, venez-en au fait je vous prie, je suis une journaliste... Du moins l'ai-je été naguère et mon temps, qui désormais ne fait plus que s'étirer, intolérablement, alors même que ma peine de recluse, d'emmurée vivante, de femme livrée, rompue et insultée, nue et humiliée par le sordide bourreau acclamé par la populace, alors que mon supplice digne des plus affreuses subtilités des tortures chinoises disais-je, depuis cet âge d'or aboli bibelot d'inanité sonore, s'est enveloppé d'une lumière crue que je ne puis fixer plus de quelques secondes sans m'arracher, de rage, de colère, de désespoir et de tristesse, les cheveux, comme la vierge folle que les dieux intraitables m'ont condamnée à devenir, errant dans les salles de rédaction comme les possédés marchaient, à moitié fous, dans les cimetières... Zut, où donc en étais-je ? Ah oui, et mon temps reprit la magnanime critique, et mon temps n'est plus consacré qu'à l'adoration plénière de celui-là seul qui ne m'a point conspuée au moment où se déclenchait l'apocalypse, qui donc à votre avis, hein ?
- Je ne sais pas, votre mam...
- Suffit, impertinente !
- Certes mais...
- Ne m'interrompez pas, risible insolente ! Savez-vous qu'autrefois, naguère, merde : jadis, ma parole avait réelle puissance de vie et de mort sur mes sujets ? Je vous prie donc d'en venir au fait, d'être brève, d'aller droit au but, de ne point user de ma patience ni même de subordonnées inutiles car se tenir ainsi comme une antique pythie sur le tréteau des songes les plus difficilement interprétables, comme je l'ai fait, pendant plusieurs minutes d'une tension tout aussi inimaginablement supportable, est-ce qu'un tel acte de bravoure inconnu des rampants et des assis ne mérite point quelque consolation ambrée et légèrement enivrante que certes votre élocution hésitante et la trop évidente procrastination de votre question ne risquent point de m'offrir ?
- Oui, sans doute mais...
- Je ne vous le répéterai pas, venez-en aux faits, péronnelle !
- J'allais le fai... Bref, lorsque les blogs de critiques littéraires ont été évoqués, vous avez fait, ma dame, une très légère grimace qui, rassurez-vous, ne s'est absolument pas vue... Cela ne vous plaît donc pas ?
- Voyons, ma pauvre enfant siffla Josyane en lançant un regard amusé et ironique à son amie qui immédiatement laissa sa vilaine figure se parer des versicolores grimaces du dégoût, voyons disais-je, ne comprenez-vous pas, même si vous semblez ne rien savoir de notre noble métier de journaliste et des très hautes vertus d'effacement, oui, d'effacement, qu'il suppose, ne savez-vous donc pas, impertinente, que ce n'est là, toute cette ribambelle braillarde de blogs, qu'un phénomène transitoire et affreusement peu intéressant ? Dois-je donc vous répéter mon oracle en réaffirmant que ce qui se produira sera, comme pour les radios libres, un bruit étouffé, sensiblement comparable à celui d'un pet impossible à retenir durant une interview délicate, vent discret qu'il faut toutefois lâcher, au risque de voir son élocution subitement contrainte par quelque mystérieux empêchement ?
- Euh... Oui...
- En avez-vous fini ?
- Presque votre sainteté... Vous connaissez Stalker et avez l'air de ne pas l'apprécier, pourquoi, ô divine Bouche d'or critique ?
À ces mots, une raideur inhabituelle paralysa le visage habituellement si joyeux de notre Pythie critique, raideur, à vrai dire grimace de souffrance à peine atténuée par l'extraordinaire humilité et le sourire innocent de notre timide lectrice, pourtant implacable dans sa volonté de comprendre les jugements de notre apodictique critique.
- Ah mais c'est une horreur, c'est... c'est... C'est tout simplement fasciste, c'est même fachiste, c'est immonde, il n'y a pas de mots pour décrire cela, il nous faudrait un Shakespeare des ténèbres pour oser évoquer ce Pandémonium. Horrible vous dis-je ! L'horreur, l'horreur, l'horreur comme l'a écrit quelque part (ne répétez pas que j'ai perdu la référence, il me tuerait pour moins que cela, car sous son regard, je suis comme une mouche sous celui de Monsieur Peste ou Teste je ne sais plus !), comme l'a écrit mon maître Philippe Sollers. S'adressant à la journaliste qui se tenait à ses côtés depuis que nous avions quitté le plateau d'où, éprouvée, Josyane était descendue, aidée par quelques puissants bras masculins, notre professionnelle du jugement esthétique cria : tu connais ?
- Quoi ?
- Comment ça, quoi ? Mais de quoi crois-tu que nous sommes en train de parler, hein, de Yann Moix, qui est en train de faire fondre, aussi sûrement que je m'appelle Josyane, les ventes déjà maigres du Figaro Littéraire ? Stalker voyons ! Tu connais ? Non ? Eh bien tant mieux, ton âme n'est point contaminée. C'est affreux, affreux, affreux, vraiment horrible, horrible, horrible, il n'y a aucun mot pour ne serait-ce que tenter de décrire ce cloaque qui, comme mon amie Valérie Scigala l'a écrit sur les pages de son journal intime (oui, et alors, elle l'a fait sur Facebook, cela prouve quelque chose ?), déshonore la blogosphère, la pensée, l'histoire de notre magnifique pays ayant porté sur les fonts baptismaux la littérature la plus pure, qui a triomphé avec les livres adamantins de Philippe Sollers !
Notre humble Mouchette, absolument pas impressionnée par notre Donissan femelle capable de voir le démon se nicher aux plus profond des entrailles les moins transparentes, répliqua sur un ton dénué de toute colère :
- Certes il y a un style qui est véhément mais c'est une écriture qui est bien au-delà de ces bêtes considérations idéologiques.
- Mais je m'en fous, hurla la prêtresse de la critique lymphatique et, s'arrêtant dans un geste théâtral et fulminant ce qui devait dans son esprit s'apparenter à quelque réelle bulle d'excommunication, elle cria de nouveau que même s'il votait à gauche, ce possédé, ce fou, ce Metzengerstein de la critique, ce démon, oui, ce démon, c'était fasciste, F-A-S-C-I-S-T-E, vous comprenez le français ?
- Je peux vous dire que j'y ai trouvé et y trouve encore, reprit notre lectrice, le regard doux et ne cillant pas sous le feu de notre Méduse ayant pétrifié bien des auteurs désarmés ou peu aguerris, dans cette Zone qui ne s'ouvre qu'aux humbles, de très belles choses.
- Ah non, taisez-vous, imbécile, manante, qu'en savez-vous, vous qui n'êtes qu'une... qu'une lectrice ! C'est tout simplement... C'est tout simplement immonde !, éructa l'impeccable journaliste chassée de sa salle de rédaction comme Ève le fut du Paradis par la faute du Serpent perfide, alors que son amie et collègue, et peut-être même interprète attitrée puisque je me souvins brusquement que Josyane Savigneau faisait office de prêtresse écumante, s'adressa, une dernière fois, à cette jeune femme que je remerciai d'un sourire qu'elle ne vit point, en crachant une formule dont mon angélique intelligence n'a pas fini de percer les plus grandioses mystères : regardez plutôt le site de Pierre Assouline, ça, c'est bien, ça c'est journalistique, ça c'est critique, ça c'est démocratique !»
Et sur ces mots altiers et frémissants de colère qui sont la marque la plus évidente de l'hermétisme absolu des imbéciles, Josyane Savigneau, qui durant plusieurs années a fait trembler le petit monde veule de l'édition parisienne, partit noyer sa mélancolie maladive en s'asseyant, blafarde et seule, devant une pile de son livre au titre idiot, Point de côté.

Note
(1) «Je trouve donc l'origine de l'impatience dans le Diable lui-même, et dès le moment où il ne supporta pas avec patience que le Seigneur Dieu eût soumis à son image, c'est-à-dire à l'homme, toutes les œuvres qu'il avait créées», De la Patience (Cerf, coll. Sources Chrétiennes n°310, 1984), 5.5, p. 73.

Commentaires

La ribambelle de blogs est d'une impertinence qui frise un peu trop l'insolence voire le crime de lèse-majesté aux yeux de la Pythie (il faut des grands prêtres pour traduire sa parole incompréhensible par le commun des mortels) du Cinquième ou du Sixième arrondissement, ils osent remettre en question sa parole et lisent "Stalker" ou les ouvrages de Naulleau et Jourde, voilà qui frise l'impudence liberticide, selon un des mots qu'elle aime bien employer à tort et à travers.

Écrit par : Amaury Watremez | 10/03/2009

au début des années 80(1900),philippe sollers passait chez pivot souvent et à chaque livres,voyant que dans l'air.... des vrais lecteurs.... aucun de ses livres ne donnaient la moindre émotion,et que dans la presse,il n'était pas celui qu'il pense être de nos jours!!!on disait depuis une curieuse solitude que des déceptions,mais je lisais que chez le dentiste,les revues,je ne connais même pas josyane ,j'avais des mauvaises dents,et mille visites à mon cher docteur des dents mr marcilloux ,le pauvre homme est mort en 2003 mais comme il a pris soin de mes dents des douleurs,des dents arrachées à vif car des kystes sous ces sales dents,il transpirait et m'a dis c'est la première fois que je fait ça.mais humain,grand homme,pas cette julie kristéva qui avait une mission pour l'handicap,et elle avait écrit un livre sous forme de lettre au président Chirac sur le handicap,une lettre à la manière de boris vian.alors moi malade je lui écrivait à julia mais jamais une réponse,et j'en ai bavé et elle qui a écrit soleil noir,un livre de merde,soleil noir c'était derrière son double de jean pierre duprey premier texte aux éditions du soleil noir,duprey astre noir,poète de génie,l'homme qui a mis fin à l'humour noir,que la ténèbre soit!suicidé à moins de 30 ans,lui si souffrant n'aurait comme moi pas reçue de réponse de la dame qui avait une mission de chirac même pour le grand mal,plus occuper à que son livre sorte en poche que d'aider les astre noir ceux qui souffrent,non julia arend narcisse ses livres et se narcisse.mais revenons à sollers à l'époque bernard frank avait écrit un très bon texte sur un livre de sollers disant avec grâce que c'était une merde.sollers lui se prenant pour breton avait téléphoné à frank lui disant connard et raccrochant,cela avait fait poiler frank il le raconte dans un livre (la panoplie littéraire).
mais bon on été de bordeaux alors en lecteur on lisait les livres de sollers le parc nombres logiques lois et la révolution(sic) femmes et les deux paradis et pour bordeaux le portrait du joueur jusqu'au coeur absolu,mais à la théorie des exceptions c'était trop.ses lectures de joyce de faulkner(il disait je crois qu'on ne peut pas lire faulkner sans avoir lis les psaumes,mais il ne parlait pas de claudel à l'époque maintenant il est en extase devant les psaumes de claudel,ça fait pas longtemps qu'il vante claudel,mais sur il vaut mieux lire une piece,une ode,une cantate,les psaumes de claudel que toute l'oeuvre de claudel,qui a pour lieu magique venise et les ébats de sollers à venise,alors pour comparer je vais recopier une page de pynchon sur venise,vous en aurez fini de sollers et son venise,reste l'ile de ré ,mais vous pouvez lire bordelais lettrines II de julien gracq vous serez plus près de bordeaux.mais josyane je connais pas je dois lire Juan?

Dally aurait pu l'expliquer si quelqu'un avait insisté -l'Expo de Chicago appartenait au passé,mais elle avait gardé un ou deux souvenirs de bateaux glissant sans bruit sur des canaux,quelque chose s'anima quand le vaporéto s'éloigna de la gare et descendit le Grand Canal,jusqu'à ce que,au moment même où le soleil se couchait,parvenu à l'extrémité de Saint-Marc,surgisse le pur soir vénitien,les ombres bleues et vertes,les nuances lavande,ultramarine,terre de Sienne et ambrées du ciel,et l'air chargé de lumière qu'elle respirait,l'étonnant dynamisme du crépuscule quotidien,les lanternes à gaz s'allumant sur la Piazzetta,avec en face San Giorgio Maggiore baignant dans une clarté pâle et angélique, aussi lointaine que le ciel et pourtant,aurait-on dit,toute proche,comme si le souffle de Dally,son désir,pouvait franchir les eaux et l'atteindre -elle eut pour la première fois de sa vie d'errance la certitude que,quel que fût le sens du mot casa,ce qu'elle voyait était plus vieux que le souvenir,que l'histoire qu'elle croyait connaître.Son coeur commença alors à se dilater sous l'effet de ce qui menaçait d'être un regret lorsqu'un touriste,près d'elle,s'exprimant dans un anglais horriblement muqueux,déclara avec un sourire satisfait à un compagnon enthousiaste"Oh,tout le monde dit ça,encore un jour ou deux et tu n'auras qu'un désir,partir."Du coup Dally eut envie de s'emparer d'un aviron de gondole et de le frapper avec,peut être plus d'une fois.Mais le soir, qui étendait miséricordieusement son vaste manteau,s'occuperait de cet enquiquineur et de ses milliers de répliques,qui étaient comme des moucherons formant des nuages à la nuit tombée,prêts à infester l'été vénitien,à rehausser sa splendeur de leur nuisance terrestre,à passer le plus rapidement possible,chassés,oubliés.
Elle,entre-temps, avait décidé de vivre ici à jamais.-

Écrit par : bob | 10/03/2009

Oh quel souffle vous avez-donc !

Et pourrait-on en savoir plus sur cette mystérieuse, délicieuse et charmante lectrice qui a bien voulu combattre la Méduse pour vos beaux yeux, Stalker ?

Écrit par : Curiosity | 10/03/2009

Juan,

Vous avez le caractère et le vif ténébreux d'un authentique Melmoth. De quel antre tirez-vous donc les artifices de cette langue noire ? Avec quel artifice plus juste assassiner des cibles aussi dérisoires ? Seriez-vous un contemporain de Stanislas de Guaïta ? Fasciste ? Qu'il est doux de l'être aux yeux des médiocres. Mais méfiez-vous : "ce qui est fort ne vaincra jamais". La médiocrité emporte tout.

Écrit par : Samuel Gelb | 10/03/2009

Votre verve ducassienne est de retour, Juan, de quoi faire enrager ceux que vous épinglez, qui voudraient bien se la garder pour eux, cette ironie qu'ils prétendent être les seuls à manier. Ceci dit, je n'ôte pas une virgule à mes commentaires dans votre note précédente sur le sujet qui nous fâche et je revendique néanmoins une cohérence: je rends à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.
Amusante, la comparaison avec les radios libres: je l'avais faite il y a un an, dans un commentaire sur votre note "Quatre ans dans la Zone".
A cet égard, la parole de la sorcière est plus réaliste qu'oraculaire. Ceux qui détiennent les pouvoirs éditorial et financier sauront bien canaliser, organiser, structurer et surtout formater la blogosphère, comme cela a été fait pour les radios libres. Si la fureur de la sorcière se déchaîne, c'est bien parce que vous les gênez quelque part.
Les bons blogs littéraires sauront-ils résister, rester des électrons libres? Cela dépend, me semble-t-il, de leur capacité à définir la fonction et la finalité d'un blog littéraire, comme tente de le faire François Monti dans son récent article "Le blog littéraire est toujours à naître".
Au concept improbable de "communauté", soit trop ésotérique (les initiés entre eux), soit charriant le flux de bavardage dans l'auberge espagnole, qui noie tout propos intelligent, je crois plus crédible la voie que vous tracez: celle d'une revue littéraire électronique, fondée sur des exigences et des convictions plus que sur une ligne éditoriale, ouverte à d'autres auteurs, parfois, mais plutôt rarement, ouverte aux commentaires, ouverte à des blogs étrangers, donc aux traductions de blog à blog. Le rayonnement est alors concentré, son intensité peut croître et, je crois qu'il peut faire front au pouvoir des sorcières et de leur(s) maître(s).

Écrit par : Elisabeth Bart | 10/03/2009

À quoi sert Josyane Savigneau ?

D'un côté, il y a les grandes surfaces de la littérature, d'où "le point de côté". De l'autre, les petites librairies savantes donc cotées.

Laissez tomber, vous valez mieux que toutes ces pintades indigestes.

Écrit par : idle | 10/03/2009

C'est assez simple : elle m'a aidé, par exemple, à mieux comprendre - et à mieux apprécier - Marguerite Yourcenar. Je trouve que la biographie qu'elle lui a consacrée est un modèle d'acuité et d'élégance, sans, pour autant, faire dans le passage de plat ou de pommade.

Et voilà.

Écrit par : Christophe Borhen | 10/03/2009

Je souscris à ce que dit Idle et souligne plusieurs fois. Por favor Juan !!!

Écrit par : Claudia Carlisky | 10/03/2009

A crever de rire ! Digne d'un Juvénal !
Comme j'aimerai qu'un Juan Asensio jette un tel sort sur le monde étriqué du théâtre français !

Écrit par : Di Ricci | 10/03/2009

Oui, à quoi bon écrire sur Josyane Savigneau qui, fidèle aux lamentables pratiques de sa caste de journalistes aussi prétentieux que profondément incultes, ne me répondra pas ?

Bêtise profonde, entreléchage consubstantiel à une pratique minable du journalisme, etc. Et la dame n'a même pas honte de raconter son insignifiant népotisme en un livre, et un éditeur digne de ce nom n'a même pas honte de publier cela ?

Effectivement, je préfère, croyez-moi, me consacrer à mes chers auteurs plutôt qu'aux pitoyables sujets que sont ces tartuffes.

Mais je ne lis rien de tel sur ces imposteurs intellectuels, alors il faut bien que quelqu'un l'écrive ?

Et c'est la guerre, n'avez-vous pas lu ses propos (véridiques) sur la disparition programmée des blogs ? Je le crois aussi du reste, mais cela ne m'empêchera jamais, avant que nous disparaissions les uns après les autres, à dire ce que je pense sur ces cacographes qui nous emmerdent depuis bien trop d'années.

Écrit par : Stalker | 11/03/2009

Les journalistes : ces gens qui sont toujours les premiers servis. Il est normal que les nourritures plus durables ne leur conviennent pas ?Suspendus à l'actualité, Heure par Heure, pour tenir le dernier génie dont il faut connaître l'exploit sous peine de ne pas participer à la grande sagesse du monde. Tout va très vite et le diable n'a qu'à bien se tenir...
Bonne nouvelle : tout est recyclable sous le soleil !

Écrit par : hélène | 11/03/2009

Ah ! cher Juan ! Comment pouviez-vous imaginer un instant que la Savignole vous ferait envoyer son point de compression ?
Je trouve aussi que votre question, "A quoi elle sert ?", dans la mesure où elle tend à induire "rien", n'est pas très fine. Elle participe en effet de l'énorme coalition de l'ignominie triomphante à chaque époque, et la sert à la façon d'un excellent laquais : excommunications, bannissements, censures, tous adressés évidemment à qui refuse la soupe aux crachats des imposteurs qui à chaque époque règnent sur la mélasse sans parvenir, Dieu soit loué, à y survivre autrement que par leur remplacement immédiat à l'appel d'air que fait leur disparition sur le plateau infâme du mercantilisme obscurant.
Elle a servi et sert encore à renvoyer des ascenseurs, à en bloquer, et a dû tailler en son temps quelques plumes à des paons lubriques. Comme ses innombrables comparses en acrimonie belliqueuse en nullité revancharde, elle sert à dilapider le temps précieux des hommes à chercher leur salut.
Et - que son aveu comparatif avec les radios libres est instructif - elle sert à préparer, au nom de la Démocratie et du respect des Zauteurs comme il se doit, le verrouillage du plus magnifique outil d'échange, de conservation et d'invention qui ait été créé par cerveau humain depuis l'invention de la parole par quelqu'un d'autre : internet.
Savignole, HADOPI, même combat !

Écrit par : Serge Rivron | 11/03/2009

Serge, s'il y a bien une énormité, une calamiteuse insulte, une injurieuse ignominie, une infamante diffamation, que jamais je n'oserais, ce serait bien de vous laisser croire que j'ai tenté de dire que Josyane Savigneau ne servait à absolument rien !
D'ailleurs, elle sert à quelque chose puisque certain pictogramme indique tout de même que, dans notre univers désormais recyclabe, rien ne se perd tout à fait !

Écrit par : Stalker | 11/03/2009

Cela fait des années que je vous lis et je voulais vous le dire .Je suis heureux de votre existence qui témoigne d'une vraie présence de la critique dans la littérature de ce pays.Cette présence avait disparu.

Écrit par : jean laurent poli | 12/03/2009

Jean-Laurent, merci.
Je doute que Josyane, et quelques autres, partagent votre avis !
Tant mieux.

Écrit par : Stalker | 12/03/2009

Bravo Juan !
Superbe satire ! La causticité de votre texte et votre inventivité font merveille !
A quoi sert-elle ? Mais à lubrifier de sa salive putrescente les rouages de la machinerie éditoriale ! Votre ironie impeccable l'exprime fortement. Qu'elle soit casée dans la même urne que son maître si peu ardent et qu'ils se grattent leurs cendres dans l'humidité et l'obscurité de leur caveau !
Quant à sa volonté d'impuissance de fermer les blogs : elle ne sait pas qu' Internet est protéiforme.

Amitiés.

Écrit par : Samuel | 13/03/2009