Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« Pierre-Emmanuel Dauzat et Michel Surya ou Judas revu et corrigé | Page d'accueil | Renaud Camus, une stance pour du vent »

14/04/2010

Histoire secrète du Costaguana de Juan Gabriel Vásquez

Crédits photographiques : Stringer (Reuters).

41bV-DLlleL._SS500_.jpgÀ propos de Histoire secrète du Costaguana, de Juan Gabriel Vásquez, Seuil, 2010.
LRSP (livre reçu en service de presse).

8.1 Bouton Commandez 100-30

Juan Gabriel Vásquez, dans la remarquable Histoire secrète du Costaguana qui est son second roman après Les Dénonciateurs, nous livre une magistrale reconstitution romanesque de l’histoire de la république du Panamá. Multipliant les digressions, jouant avec les conventions narratives, n’hésitant jamais à utiliser une ironie parfois ravageuse envers son aîné de langue anglaise, l’inventeur justement du Costaguana, Joseph Conrad, mêlant les registres et pastichant les grands auteurs sud-américains, le roman de Juan Gabriel Vásquez peut à bon droit être considéré comme un «récit cannibale», selon les propres termes de son narrateur, José Altamirano.
Contrairement à ce qu’une lecture superficielle pourrait nous faire croire, il s’agit moins, pour le jeune romancier colombien, d’enter son œuvre sur celle, ô combien fameuse et prestigieuse, de Joseph Conrad, Nostromo, que de mener une réflexion passionnante sur les liens que l’histoire tisse avec l’invention littéraire. Ainsi, bien que le prodigieux roman inventé par Conrad soit, aux yeux mêmes de notre narrateur qui a confié son histoire à l’écrivain célèbre, un simple tissu d’inepties, c’est tout de même par une œuvre de fiction qu’il retracera, pour sa fille abandonnée au Panamá, l’histoire véritable du Costaguana qui se confond avec celle d’une douleur dont la littérature ne peut se faire que l’écho. «Un anti-témoin, voilà ce que je suis», déclare José Altamirano qui, à la différence de son père, publiciste obsédé par l’idée du Progrès, ne peut se résoudre à faire mentir la réalité afin qu’elle se conforme à ses désirs. En effet, si «la réalité est l’ennemi fragile de la plume», nous dit l’auteur, c’est parce que « tout individu peut créer une utopie à condition d’avoir une bonne rhétorique», et celle du narrateur de Juan Gabriel Vásquez est superbe ! Ainsi, dans le vif débat qui continue d’opposer l’historien Claude Lanzmann à Yannick Haenel, Histoire secrète du Costaguana est une très belle et ironique façon de réaffirmer que la littérature peut s’emparer de l’Histoire, à condition toutefois qu’il y ait, chez l’écrivain, volonté de créer plutôt que de paraphraser.