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28/08/2007

Parution(s)

La Littérature à contre-nuit aux éditions Sulliver
«En somme, j’ai une tendance à me dire des œuvres qui paraissent qu’elles ne sont rien du tout, surtout quand le public en fait grand bruit. Neuf fois sur dix, je ne me suis pas trompé.»
Julien Benda, Exercice d’un enterré vif (Gallimard, 1946), pp. 58-59.


727 romans, français et étrangers, doivent paraître dans les toutes prochaines semaines dans les librairies, pardon, doivent être empilés sur les rayons des grandes surfaces de notre belle contrée, déclarée zone commerciale universelle, phare de culture dont l'éclat rayonne sur les confins enténébrés.
727 romans...
Un livre, parmi plusieurs centaines, inutiles ou sots. Un livre monstrueux.
Le mien. Un livre de critique littéraire, que la gentillesse de Dominique Autié m'a permis d'évoquer de nouveau sur son magnifique blog.


Rien de nouveau donc sous le néon blafard éclairant le corps sans vie de la littérature française. Robinson, notre pauvre Robinson, continue de purger, seul sur son île, la plus terrible des peines : lire sans relâche l'ensemble des nouveaux romans paraissant chaque année. Je remercie les très magnanimes puissances du Destin de ne pas m'avoir fait le mélancolique Vendredi de ce solitaire oublié de tous, et d'abord de ceux qui écrivent.
Je ne lirai probablement pas un seul de ces 727 romans, faisant tout de même, peut-être, quelque exception pour des auteurs étrangers, comme Glavinic, surtout si je m'alarme, une fois de plus, de la pauvreté extrême des textes critiques évoquant ces romans, à l'instar de la petite copie rédigée par un certain Pierre Deshusses pour Le Monde des Livres. Relisant ces derniers temps des auteurs tels que Conrad, Faulkner, Broch, Hawthorne, Melville bref, des romanciers, je me disais que je ne connaissais décidément aucun auteur vivant susceptible de les égaler, voire, tout simplement, d'oser les saluer. William H. Gass ? Une rare puissance, des éclats singuliers mais trop de petits jeux avec le langage qui ne plaisent finalement qu'aux amateurs des rébus derridiens. William T. Vollmann ? Surestimé à mon sens. Semprún le grand Résistant ? Un nain faulknérien et un Gargantua de prétention.
Voyons... Vous me dites encore... Bégaudeau évoquant le martyre de sainte Florence Aubenas ? Le livre de Bégaudeau a bien évidemment reçu un accueil enthousiaste de la part d'un vague pigiste de Libération s'étant livré à un très piètre exercice, dont on appréciera la classe déontologique, qui suffira je le crains à me faire cracher sur la couverture de ce bouquin, si d'aventure quelque faux libraire avait l'impudence de me la mettre sous le nez. Et puis, Julien Assouline en dit du mal alors, pourquoi lire cette ode aubenésienne ridicule ?
Combien d'autres auteurs ? Sarah Vajda, longtemps défendue bec et ongles sur ce blog et qui a adopté à mon égard, depuis que j'ai osé critiquer son très facile second roman (écrit, en fait, avant le premier) un mutisme aussi intraitable que bien peu courageux ? Vajda... Douée, oui, mais d'une morgue littéraire de reine de Saba, écrivain d'un seul roman patiemment corrigé par ses fidèles (ce qui n'enlève rien à ses qualités), Amnésie, fort des ombres chuchotantes de Bernanos et de Dupré (qui n'est pas mort mais écrit dans l'entourage et le respect de la mort). Vajda, auteur de quelques autres livres sans queue ni tête, excellents et pénibles, monstrueux assemblages de dons et de défauts qui évoquent finalement aussi peu Barrès, Hallier ou Chazal (Claire hélas, pas Malcolm de) qu'une mer démontée la turbulence maîtrisée d'une toile de Turner ?
Qui d'autre, ou plutôt : quoi d'autre ? De jeunes premiers pressés de serrer les mains molles et luisantes des journalistes, eux-mêmes toujours prêts à serrer la main de quelque collègue (ou de n'importe quoi d'autre possédant une carte de journaliste) pourvu qu'elle soit aussi grasse que la leur, et tenant une plume pour ne rien écrire ? De jeunes premiers, en fait qui sont d'ores et déjà les derniers, les derniers des imbéciles, tout excités à l'idée de publier leur texte grâce à la magie de la Toile et de ses bons prestigiditateurs ? Combien de fantômes dont la cohorte grinçante est conduite par le bientôt centenaire Philippe Sollers qui nous livre ses Mémoires vides et boursouflés, théorie prétentieuse d'anecdotes égolâtriques dont ce faux pénitent a revêtu la bure dorée ?
Je ne lirai à coup sûr aucun romancier français, ou de langue française. À quoi bon ?
Je ne lirai donc pas même le nouveau roman de Maurice G. Dantec, Artefact.
Je ne lirai pas même, rendez-vous compte, celui de Julien/Pierre Assouline, Le portrait. À ce propos, quelque âme charitable ou bien moins naïve que je ne le suis m'expliquera je l'espère comment un journaliste alimentant un blog de façon quasi quotidienne peut écrire, comme mon critique littéraire préféré, un livre tous les six mois.
Quoi, vous me dites que rien n'est plus facile ? Qu'il suffit, pour cela, de rédiger des romans comme on griffonne (pas de gracquisme avec moi, mon bon Pierre, désolé) de tout aussi innombrables notes strictement informatives, dont l'essence même est de nous délivrer une information à peu près nulle, un bruit de couloir, une bonne chute qui étalera la complaisance du pion ayant surpris une conversation torve entre deux élèves ?... Heureusement, le service de relecture offert par Gallimard à ses auteurs est expérimenté, car si les livres d'Assouline étaient aussi grammaticalement et orthographiquement imparfaits que ses notes...
Sans doute est-ce donc très facile d'écrire, pour Assouline, comme on, comme ON parle, oui, s'il écrit aussi mal qu'il lit, s'il lit comme ON lit, pour se détendre, pour s'évader, bien décidé à offrir une sucrerie, si d'aventure le monstre se laissait apprivoiser par notre commis mondain, au Sphinx qu'est tout grand livre. Un écrivain qui ne sait pas lire n'est pas un écrivain, ce qui suffit je crois à régler le cas souplinien.
Ne lisant donc rien de salement commercial, vil, inutile, bas, pas la plus petite ligne des probables torchons vendus à la criée, m'intéressant en outre fort peu aux poissons pourris de Marie Darrieussecq (qui «prend, on s'en serait douté, des risques avec son dernier roman», «récit terrible, sans fioritures, qui raconte l'incommensurable» : le non-style absolu du maljournalisme, rien que de très banal en somme) emballés par un folliculaire au teint jaune dans quelque jetable exemplaire de L'Express, il ne me reste plus me direz-vous qu'à retourner à mes chères lectures.
Et à lire de véritables livres.
En somme, à continuer d'arpenter la Zone, qui à sa façon nous souhaite son ironique bienvenue.