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28/11/2004

Maoam le bonbon fruité fun et qui fond

Crédits photographiques : Kim Ludbrook (EPA).

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25/11/2004

La Langue de Dante selon Bruno Pinchard

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Gustave Doré, illustration pour le Chant 1 de L’Enfer.

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22/11/2004

La Main de Dante n'est pas celle de Sollers

Crédits photographiques : Bill Greene (Globe Staff Photo).

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21/11/2004

Marc-Édouard Nabe ou la colère du bourdon

Crédits photographiques : Frank Rumpenhorst (AFP/Getty Images).

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20/11/2004

Saint Assouline ou le verbe passé à la soupline

Crédits photographiques : Yasuyoshi Chiba (AFP/GettyImages).

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19/11/2004

Régis Debray le médiatologue

Voici un nouvel article (intitulé MédiuM n°1 ou religion et mondanité selon Régis Debray) de Francis Moury – l’ironique, tortueux, subtil, érudit et délicieux Moury –, consacré au premier numéro de la revue MédiuM.
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« […] Medium est ce qui fait lien entre l’homme et l’homme. Ce n’est pas média au singulier. Il se tient en amont. Il dit la continuité autant que la solidarité. […] Le geste médiologique abat, lui, la cloison entre l’examen du monde des choses et celui des âmes, entre la technique d’un côté et la « noosphère » de l’autre. […] La transmission est un drame, c’est entendu – puisque le propre du médium est de pervertir le message en le subordonnant à sa propre survie. Déception ! « On attendait le Christ, c’est l’Église qui est venue. » Certes. Mais que saurions-nous du Christ s’il n’y avait eu les églises ? […]. »
Régis Debray, Relier, in MédiuM n°1, éd. Babylone, Paris, automne 2004, pp. 3-7.

« […] Or, il me semble que les inclinations des esprits sont au monde spirituel ce que le mouvement est au monde matériel, et que si tous les esprits étaient sans inclinations, ou s’ils ne voulaient jamais rien, il ne se trouverait pas dans l’ordre des choses spirituelles cette variété qui ne fait pas seulement admirer la profondeur de la sagesse de Dieu, comme fait la diversité qui se rencontre dans les choses matérielles ; mais aussi sa miséricorde, sa justice, sa bonté, et généralement tous ses autres attributs. »
Nicolas Malebranche, De la recherche de la vérité, IV, 1, in Œuvres (tome 1, éd. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris 1979), p. 386.


C’est un bref mais dense et impeccable – par sa rigueur de raisonnement comme son style – article de Régis Debray, le philosophe fondateur des Cahiers de Médiologie créés il y a dix ans déjà, qui ouvre sa nouvelle revue MédiuM dont le contenu et l’aspect seront « plus austères et moins brillants » que lesdits Cahiers et dont la devise inscrite sobrement au frontispice est « Transmettre pour innover ». Et dont l’aspect, la diffusion et la parution sont très différents de celle de leur frère aîné : les Cahiers de Médiologie paraissaient tous les six mois (les couvertures des n°17 et 18 édités chez Fayard sont reproduites entre deux textes pour bien marquer la filiation comme la différence) alors que MédiuM ne sera lisible que par abonnement, ne sera pas vendu en librairie ni en kiosque et paraîtra tous les trois mois, quatre fois par an. Cette petite (par le format) revue sera ainsi plus « accrochée » à la vie des idées et du monde et se veut réseau complice de dialogue entre abonnés voués à devenir collaborateurs-confrontateurs-contradicteurs éventuels, évidemment. Du premier M du titre au second non moins majusculé que le premier, riche de tout le travail accumulé entre deux par le mouvement même de la lecture et du retour réfléchi à l’auteur après ce détour, la circularité hégélienne (pas celle du Mythe de l’éternel retour) est d’emblée établie et elle est remplie par la diversité subsumée sous l’unité : qu’on en juge, inextricablement mais dans l’ordre savamment dosé de son sommaire.

Juste après Debray donc : Julien Gracq ! Gracq avait écrit, il n’y a pas très longtemps, une petite phénoménologie « familière » du rapport entretenu par le lecteur à son livre comme objet quasi vivant et passible d’un rapport pouvant engendrer une foule de situations psychologiques comme sociologiques. Elle est brève, elle aussi, mais non moins impeccable. Raffinée d’ailleurs, comme on sait chez ceux qui savent parce qu’on ne le leur a – malheureusement ou non – jamais enseigné qu’elle l’est. Un peu convenue à la réflexion mais « classe » : sujet de dissertation idéal pour les Lettres Supérieures de Louis le grand et Henri IV. Mais enfin elle aussi renvoie à l’idée qui avait fleuri qu’on pouvait juger un livre par son apparence graphique, immédiatement signifiante de son contenu caché car en révélant la nature obscure à qui savait voir son secret. Et là, c’est du médiologique immédiatement, profondément. C’est évident et il fallait commencer par-là, surtout pour nous autres qui aimons, comme le maître, les livres ! Une familiarité du même dans l’altérité du support, en somme.

Puis un article très drôle (involontairement parfois : on aimerait bien avoir du travail nous aussi avec notre « bac + 7 », au lieu d’être au RMI familial et contrôlé régulièrement à l’ANPE au milieu des illettrés, des ivrognes et des demis-clochards, et on ne se plaindrait pas de partir enseigner sur la Côte ouest des USA les charmes du contenu du Précis d’Histoire ancienne de ce brave – et très ennuyeux : Montesquieu, Gibbons, Jean Bayet ou Raymond Bloch sont plus intéressants tout de même – Paul Petit) de Claudia Moatti nous remet dans le bain de la tragédie de l’éducation nationale au niveau où on l’attendrait le moins mais où elle se manifeste bien sûr tout autant. On a l’impression que l’auteur redécouvre ce que les Latins qu’elle enseigne pourtant savaient depuis toujours : le savoir le plus haut et la culture la plus raffinée sont réservés à une élite naturelle qui les désire avant même de les avoir trouvés. Et le projet universitaire tel que la République (française) l’a posé, il y a 200 ans, est par essence une contradiction dans les termes. La preuve en est que la République (française) s’en désintéresse financièrement à un point qui fait honte à ses professeurs lorsque leurs collègues anglo-saxons viennent leur rendre visite dans les placards miteux qui leur servent de bureau. Quelle idéaliste cette Claudia ! Tout le charme féminin de l’idéalisme… contredit par la vulgarité paresseuse de ses élèves qui lisent des manuels utilitaires et rien d’autre. Au lieu de lire la thèse de Rambaud sur L’Art de la déformation historique dans les Commentaires de César, ils lisent Paul Petit (enfin ses re-copieurs contemporains, recopiant d’ailleurs ce que lui-même avait recopié de ses prédécesseurs) : normal. Le principe du concours s’oppose à celui de la culture, par essence. C’est le concours qui tue la culture et les enseignants m’expliquent souvent qu’il est recommandé de ne pas avoir trop de culture pour réussir les concours. C’est mal vu. Alors de quoi s’étonner ? Et puis, chère Claudia Moatti, croyez-vous qu’il serait venu, même une fraction de seconde, à l’esprit de Tacite ou de Sénèque que vous puissiez enseigner à un amphithéâtre de 150 élèves préparant un concours administratif les textes qu’ils écrivaient pour des jeunes gens d’élite ou des hommes faits, rares, triés sur le volet, appartenant aux meilleures familles chevaleresques de la « gens » ? Et cela dans le but de leur faire réussir ledit concours afin ensuite de travailler et de gagner leur vie comme fonctionnaires (de la vérité, comme disait ce pauvre Husserl) ? Soyons sérieux ! Vous retrouvez au fond naturellement leur destination initiale en allant enseigner à des jeunes W.A.S.P. triés sur le volet – enfin à cette condition seulement, dois-je ajouter ! Condition sine qua non, puisque nous sommes entre latinistes. Sinon mon raisonnement ne vaut plus…

Une analyse ensuite du rapport media/medium à travers la relation Aragon/Breton au sujet du rapport entre écrivain et journaliste et l’histoire d’icelle, par Daniel Bougnoux. Aragon nous horripile même si nous nous souvenons avec une reconnaissante émotion qu’il aimait le génial King Kong (USA, 1933) d’Ernest Beaumont Schoedsack et Merian Caldwell Cooper. Breton nous intéresse nettement plus et c’est pour lui qu’on a lu l’article, et c’est pour lui qu’il faut le lire car il contient des choses passionnantes bien résumées sur cet auteur.

Puis un intéressant – même si (ou « parce que » !) on en parle un peu trop en ce moment, un de plus donc, il vaut la peine néanmoins d’être lu – article sur la guerre toute médiologique des USA contre l’Irak par François-Bernard Huygue, enseignant à L’École de guerre économique (diable !) et à H.E.C (terrain moins sulfureux qui réserve, la preuve, de régulières bonnes surprises) dont le sigle ne signifie pas, on le remémore à ceux qui confondraient éventuellement, Hémostatique Et Cicatrisante, comme la pommade du même nom qui soignait nos épistaxis après cautérisation, mais bel et bien Hautes Études Commerciales. Cette école où on teste le candidat en lui demandant si le nom de Marie Bonaparte lui évoque quelque chose, lequel répond benoîtement (mais avec une componction marquant qu’il est sensible à la hauteur de la question posée) qu’il n’est guère familier de la généalogie de l’Empereur. Vu à la télé il y a quelques années ! Pauvre princesse psychanalyste de l’âge d’or français de la psychanalyse, qui s’intéressait à Edgar Poe et connaissait personnellement Freud ! Je crois que c’était H.E.C. cette ahurissante anecdote – mais c’était peut-être l’E.N.A., enfin le principe est le même, vous avez saisi ce que je voulais dire. Huygue a peut-être un lien de parenté avec René, l’historien de l’art ? Je n’ai pas vérifié si l’orthographe concorde. Tous deux écrivent bien, en tout cas, à les lire. Lisons-les donc.

Un professeur de littérature française à Paris-III, Jacques Lecarme, nous entretient des victoires et déboires du journal intime et son résumé de l’évolution de cet objet étrange (mi-privé, mi-public / mi-secret, mi-dévoilant) est intéressant : on le recommande comme un des meilleurs de la « revue postale par abonnement » qu’est MediuM. D’Amiel à Roland Jaccard et Renaud Camus, quel parcours brossé ! La démonstration esthétique est nette et sans bavure : on a affaire à un très étrange objet. Qui s’y frotte s’y pique ! Devise du régiment d’infanterie de… bon ne confondons pas tout : Lecarme mérite d’être distingué parmi les honorables contributeurs pour les bonnes pages médiologiques (ô combien !) d’histoire de la littérature moderne et contemporaine qu’il nous offre. Lire donc. On peut noter dans notre journal intime qu’on le lit, pendant qu’on le lit.

Philippe Dubé, professeur canadien de muséologie (cela existait donc ?) nous entretient de son angoisse concernant le déménagement des collections du Musée de l’Homme fondé par le grand anthropologue Paul Rivet (un nom tout médiologique !) sur le Quai Branly et sur la perte « spectaculaire » induite par la conception de l’espace dans le nouveau lieu relativement à l’ambition cognitive issue de la sociologie française de la grande époque : entre art et connaissance… le dilemme ! Bon on verra bien… l’avenir nous le montrera, ce nouveau musée.

Le philosophe japonais Ishida nous livre un article non moins typiquement en phase avec les problèmes médiologiques puisqu’il s’agit cette fois de l’étonnante histoire (critique et réfléchie) de la représentation de l’Empereur japonais au tournant meijique, occasionnant un étrange dialogue entre techniques iconographiques, sens du sacré, reproduction de masse. Très curieux et très bien écrit – le texte n’est pas traduit, Ishida l’a rédigé dans notre langue et nous le félicitons pour sa haute tenue –, il est passionnant et on vous le recommande chaudement, pas seulement parce que vous savez que nous aimons le cinéma japonais et la civilisation japonaise qui lui sert de support.

Vient ensuite le problème des droits d’auteur « versus » brevet – comme dans Atom Man versus the Martians Invaders [inédit en France] (USA, 1967) de Don Glut – qui est un texte technique sur un problème juridique universel qui témoigne de la sourde (ou éclatante, suivant le niveau auquel on se place) guerre « tiède » (ou « chaude » ?) entre Europe et USA. Il est écrit par un collectif de responsables français des télécommunications qui sait de quoi il parle. Quand les technocrates des télécommunications ont peur, tout peut arriver… C’est presque angoissant. Histoire à ne pas lire la nuit, comme dirait Alfred Hitchcock en éditeur de nouvelles fantastiques anglo-saxonnes, traduites au Livre de Poche en son temps.



Un blanc sépare ce qui précède de ce qui suit, sur la couverture. Nous le respectons dans cette recension critique sans chercher à en analyser la signification. Il faut bien qu’on vous laisse un peu d’effort à faire !



Robert Damien nous entretient de la conception dialectique du rapport des chemins de fer et des voies fluviales chez Proudhon – encore une fois, intéressant mais à ne lire que si on a d’abord lu la thèse monumentale de Mgr Pierre Haubtmann sur Proudhon, sa vie et sa pensée, que nous citions dans un article paru antérieurement à celui-ci, et sur ce même site reptilien de notre Stalker. Transmettre pour innover, transmettre pour vivre et réciproquement : même combat ontologique selon Proudhon, ce grand méconnu de l’historiographie philosophique française, au même titre qu’un Comte, moins systématique, plus brouillon que Comte mais si riche et si peu lu aujourd’hui !

On voit après des « sculptures à textes » savoureuses par le rapport entre les deux véhicules (l’esthétique et l’historique), reproduites en Noir & Blanc avec le texte en regard : crées par « le petit-fils d’Élie Faure » (Debray l’apprécie et c’est lui qui nous le présente), Jean-Louis Faure. Ici la subjectivité reine du plaisir s’opposera à l’esthétique canonique et objective au gré des âges et des cultures : nous sommes neutre car pas plasticien – nous sommes incompétent, pour le coup ! Mais on s’est amusé à lire-regarder, tout de même. Donc on a pris, convenons-en, du plaisir. Preuve ? Dans un tel contexte, le mot sonne cuistre. On vous signale ce moment fugitif entre deux tensions théoriques et théorétiques. C’était voulu à notre avis. Il y a de la mise en scène dans cette revue. Le sens du montage au sens cinématographique du terme, même.

Vient alors une étude proprement philosophique sur le concept médiologique (à chaque fois que nous employons ce terme, notre ordinateur croit que nous avons commis une faute de vocabulaire et le souligne en rouge : on ne peut pas lui dire qu’il n’en est rien et il commence à nous agacer sérieusement) de transmission et sur sa double nature technique/institutionnelle. Pour les amoureux du concept logique « only » : on le recommande donc par principe. Qu’ils souffrent et apprennent en souffrant, les autres qui n’aiment pas la géométrie ! C’est le seul moyen d’apprendre VraimenT (puisque Vérité = position d’une Thèse), et que tout Médium suppose un récepteur compréhensif-sensible de sa nature Médiumnique : « V=T (X) M=M », X étant le lecteur-auteur de ces lignes sur ces autres lignes, en l’occurrence. Mais X sera bientôt vous, n’est-ce pas ?. X the Unknown, titre d’un Hammer Film fantastique anglais de la fin des années 1950, invisible en France. Quel beau titre, quel génial titre pour un film d’horreur et d’épouvante à caractère science-fictionnel ! Presque du Jean Ray (pas l’économiste, le génial auteur belge de contes fantastiques, nous précisons car une interlocutrice belge de notre adolescence s’y était trompée lors d’une conversation mondaine et littéraire à Pontresina) en somme…

« Reconnaissances » (concernant, sur, à propos de, au sujet de mais pas toujours ni forcément « à » bien que tout de même assez) Jacques Derrida. C’est le texte de Debray qui est le meilleur de cette rubrique car il se tient à égale distance de l’admiration et de la critique. On n’en attendait pas moins de lui, même si d’autres eussent peut-être attendu davantage. Mais le référent, on le sait, ne le mérite pas selon nous. Même génération, souvenirs communs mais parcours conceptuel différent : voilà, en gros, ce qu’écrit Régis Debray et nous lui en sommes gré, largement. On a relu Freud et la scène de l’écriture, édité encore dans Tel Quel n°26 (1966) l’autre soir, justement… Ah ! la la… enfin ne soyons pas méchant avec ce mort : Dieu ait son âme ! Et s’il l’a, on en rediscutera avec elle au purgatoire où la plupart d’entre nous séjournerons sans doute suffisamment pour avoir le temps de lire et re-commenter d’un nouveau point de vue toute la Bibliothèque Sainte Geneviève, donc aussi Tel Quel. Et Diogène, et Critique, et Les Temps Modernes, et Contrelittérature, et La Sœur de L’ange, et le Stalker – Dissection du cadavre de la littérature, bien entendu, nous l’espérons bien ! Sans oublier la Revue d’histoire des religions, la R.F.P., la N.R.F.P., la Revue philosophique, les Recherches philosophiques, la R.M.M., la N.R.F. et la Nouvelle N.R.F. – et tant d’autres (le Bulletin de l’Association Guillaume Budé ! Et la R.E.L. et la R.E.G. d’ailleurs) mais brisons-là ce rêve borgésien si fantastique pour revenir au présent. Derrida appartient au passé.

Enfin pour la bonne bouche la plus horriblement médiatique mais justement subsumée par la qualité médiumnique la plus fine et la plus intelligente : les critiques du 09/11 de l’abruti-intelligent, sympathique-antipathique, nommé l’ineffable et très bête, en fin de compte, réalisateur-acteur-producteur Michael Moore. C’est le texte de Debray qui est le meilleur de la rubrique mais les autres sont bien aussi. Savoureux et bien écrits. Le souvenir de la conférence d’Aspen (Colorado) que Debray (interdit de séjour aux USA depuis son refoulement à l’aéroport de Boston, celui-là même dont Mohamed Atta franchit les barrières de contrôle si aisément, comme il le souligne ironiquement) actualise là – en l’écrivant à cette occasion – est un grand moment biographique et politique, un grand moment de philosophie en acte, d’incarnation de l’esprit au sens le plus absolument hégélien et nous l’avons relu plusieurs fois : il éclaire bien des choses. Il relate un fait qui s’est passé (il y a près de vingt ans) et qui éclaire ce qui se passe aujourd’hui. Mais on ne vous en dit pas davantage. Pour le lire, en connaître le dense contenu philosophique et politique, médiumnique comme médiologique (encore ce trait rouge ! Cette machine à mémoire m’achèvera !) non moins, on vous signale enfin l’adresse numérique qui vous en donnera la clef d’accès.

C’est donc bien de lien, de « religere », de « religare », donc de « religio » au sens étymologique comme au sens théologique puis sociologique, qu’il s’agit dans ce MediuM n°1 dirigé par Régis Debray. C’est bien de mondanité comme lieu où la religion naît qu’il s’agit aussi. Et, assurément, de leurs rapports les plus techniquement complexes, éclairés souvent simplement et clairement, donc. Entre sociologie et théologie, entre esthétique et théorie de la connaissance, entre dialectique et humanisme, entre histoire de l’éternité et actualité brûlante : un chemin qui mène à bien des endroits, cette nouvelle revue dirigée par Régis Debray, le dominateur de tous nos possibles. L’un des rares aujourd’hui à savoir parler de la vie et de la mort (celle des images mais celle du restant aussi, du réel aussi) – du plaisir et de la peine. De la philosophie en somme, pour reprendre la définition profonde du sage Épictète.

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17/11/2004

Syntaxe ou l'autre dans la langue de Renaud Camus

Crédits photographiques : STR (AFP/Getty Images).

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15/11/2004

L'expérience existentielle de l'art selon Henri Godard

Olympia de Manet, 1863
Je suis toujours fasciné par la cohérence secrète que révèlent mes lectures, moins celle de mes goûts, après tout critiquables que celle, profonde, qui lie chacun des livres lus à celui qui l’a précédé, à celui qui va le suivre. Je vois dans cette cohérence un merveilleux sourire qui m’aide à ne pas désespérer. Ainsi, après avoir évoqué précédemment l’ouvrage de Karl Löwith consacré aux résurgences profanes voire résolument athées de la figure divine dans l’histoire politico-philosophique de l’Occident, je dévore le livre, intitulé L’Expérience existentielle de l’art (Gallimard), que l’un des plus grands spécialistes de Céline si ce n’est le plus grand, Henri Godard, a consacré à sa propre lecture de Malraux lui-même fasciné par les arts. Mon sentiment sur ce livre, comme l'écrirait Pierre Assouline, c’est-à-dire le mauvais critique ? Livre étrange, oui, moins par l’évocation d’un écrivain finalement assez méconnu, Malraux, et de sa passion pour l’art (puisque, nous apprend Godard, il a écrit son ouvrage en préparant l’édition de La Métamorphose des dieux dans la bibliothèque de la Pléiade) que par une volonté presque systématique d’affirmer, au cours de l’histoire, la progressive autonomisation du langage de l’art, surtout, ici, celui de la peinture et de la sculpture. C'est d'ailleurs cette autonomisation de l'art qui accentue l'irrécusable sentiment d'étrangeté que l'homme éprouve face au monde. La thèse est connue et ne souffre guère de contestation. En fait, l’art, selon Godard lisant Malraux, se sépare de la sphère religieuse qui, jusqu’à l’ère moderne, en formait le berceau et la destination suprême, l’icône pourrais-je dire. Dès lors, logiquement, « l’expérience existentielle » qu’évoque l’auteur est ambiguë : non un « surnaturel », non « un être ou […] des forces qui existeraient en eux-mêmes sur un autre plan de réalité que le nôtre, mais […] des données qui font partie de nous-mêmes et de notre condition […], tout ce qui nous donne le sentiment d’être dépossédés de nous-mêmes, et qui pourtant est également nous ». Je passe sur la maladresse des termes employés (« plan de réalité », « données ») par Godard, qui à mes yeux signifie assez la gêne de l’auteur, et sans doute une fascination bien réelle qui, à l’endroit de la religion et des merveilles artistiques qu’elle a fait naître, n’est évidemment pas seulement intellectuelle. Ces forces, quelles sont-elles ? Godard nous apprend, en bon lecteur malrucien, qu’il s’agit tout d’abord de « la mort pour commencer, mais aussi l’expérience du sexe quand elle est vécue dans sa plénitude » et enfin « le soupçon d’une présence du Mal en nous et en tout homme ». Qui pourrait affirmer le contraire ? Sauf que Godard refuse de subsumer ces expériences que n’eût pas désavouées un Bataille (et Blanchot, d’ailleurs évoqué dans ce même livre) sous une catégorie (le mot me fait honte), disons plutôt dans une dimension qu’un Wladimir Weidlé n’aurait pas hésité, lui, à qualifier de religieuse. Pour le dire excellemment avec Godard : « Le pouvoir de dignité métaphysique que Baudelaire et Malraux confèrent à l’art n’est pas autre chose que la suite logique, une fois effacée la croyance en ce Dieu auquel la figuration de l’art portait atteinte, de la conception qui motivait cette interdiction. Si donner forme à des êtres divins, ou même seulement animés, était l’usurpation d’un pouvoir divin, comment, en l’absence de Dieu, n’en subsisterait-il pas quelque chose en faveur des hommes ? ». Karl Löwith n’est pas bien loin, quoique Godard paraisse ne pas connaître cet auteur et tant d'autres (ne serait-ce que George Steiner, alors que Godard évoque la réelle présence chère au célèbre essayiste), qu'il ne songe pas à opposer à Malraux. Oui encore donc, mais Godard, qui à mon sens borne un peu trop grossièrement la position éminemment complexe et mouvante que Baudelaire nourrissait quant à la signification religieuse de l’art, de refuser que celui-ci, désormais, ose lever son regard (et le nôtre bien sûr) vers le ciel, nous obligeant plutôt à le retourner vers une intériorité devenue le réceptacle des magies perdues, de l’émerveillement d’antan. L’homme de Godard est un mélancolique qui ne lève ses yeux, de peur d’être aveuglé, qu’à mi-hauteur, coincé entre le plus insipide matérialisme et quelque nostalgie secrète des dieux, pas même digne d’Hölderlin.

Les dernières phrases d’Henri Godard sont à cet égard éloquentes, qui refusent de conclure à autre chose, au travers des âges, qu’à une espèce de sombre opiniâtreté dont ferait preuve l’homme, opiniâtreté dont on se demande bien ce qui peut en assurer la permanence : « Et nous, qui avons été habitués à trouver aussi bien la peinture dans des natures mortes ou dans des tableaux abstraits, nous continuons, dans les musées, à trouver quelque chose de plus encore à ces visages de l’art. L’attention que nous leur prêtons n’a rien à voir avec celle que nous portons aux visages qui à tout moment sont autour de nous le premier univers de nos vies, mais elle n’est pas moins passionnée. En eux, nous venons chercher à la fois le reflet de nos interrogations les plus profondes, et un moyen d’y faire face ».

Autre lecture, que j’évoquerai bientôt, celle-ci bouleversante et qui m’a enthousiasmé comme l’avait fait celle de l’ouvrage de Wladimir Weidlé : Syntaxe ou l’autre dans la langue de Renaud Camus.

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11/11/2004

Larvatus prodeo ou... pro deo ?

Crédits photographiques : Mike Hutchings (Reuters).


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08/11/2004

Vie et mort de Gollum

Crédits photographiques : Daniele Tamagni.

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