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Les Identités remarquables de Sébastien Lapaque
Beau et curieux roman que ces Identités remarquables de Sébastien Lapaque, que l'on dirait tout entières sorties d'un des nombreux et succulents repas partagés entre Durtal et le sonneur Carhaix haut perchés où, derrière les murs épais de l'une des tours de l'église Saint-Sulpice, à l'abri du monde tel qu'il se déploie dans sa technique et bêtise devenues folles, il s'agit, entre convives savants, de se plonger dans les délices perdues des là-bas oniriques ou cauchemardesques. Le ton du livre de Lapaque est rarement cynique, parfois mélancolique comme l'est le registre des dialogues entre les personnages de Là-bas, le plus souvent ironique, mais d'une ironie qui peine à cacher une immense tendresse. D'où provient cette impression qu'il longe cependant des gouffres ?
Le cauchemar, dans le roman de Lapaque, n'est absolument pas celui de la mort du héros, annoncée d'ailleurs dès les toutes premières lignes, par pur jeu s'amusant de la trop fameuse Chronique d'une mort annoncée, par un narrateur qui, étrangement, rudoie son personnage en le tutoyant (1). Cette mort finalement sera déjouée par l'intrusion d'un comique deus ex machina et une ruse narrative maladroite puisqu'elle appuie un message en forme de chute un peu trop facile : le narrateur se venge de son personnage en montrant que lui seul est maître de son récit, tout comme, probablement, il fait un pied-de nez sans grandes conséquences métaphysiques à ses lecteurs.
Nous avions bien compris, en effet, que Laroque n'était pas simplement une coquille vide, un écrivain sans textes, un héros sans faits d'armes, un chevalier sans dame à conquérir, mais bel et bien l'écrivain ou plutôt, l'une des facettes de ce dernier, comme le personnage principal, dont nous ne connaîtrons les prénom et nom qu'à la fin du livre, est une autre facette, peut-être la principale d'ailleurs, de la personnalité du romancier, à moins qu'il ne faille subtiliser inutilement les choses en écrivant, à la place de romancier, le terme narrateur. Éloignons-nous vite des rives encombrées de la psychologie de comptoir, surtout lorsqu'elle est appliquée à la lecture d'un roman, cet esquif qui ne supporte que fort malaisément les encalminages en mares des Sargasses psychanalytiques.
Ce cauchemar n'est pas non plus celui, à peine deviné, qui a servi de toile de fond au passé, pour le moins trouble, des parents de nos protagonistes. Ceux-ci ont eu beau cacher leurs secrets, n'en léguant que quelques bribes à leurs enfants nantis et vides, le tragique a refusé de se nicher dans les surplis de leurs robes de chambre impeccables. Même la mort, cruelle et insignifiante, des parents du héros que Lapaque interpelle sans cesse sans le moindre ménagement (il réserve sa tendresse à Caroline, la délicieuse marchande de jouets), n'est pas digne d'orner la rubrique des faits divers. Il n'y a même pas, dans ces subtiles arabesques qui bien évidemment convoquent le génie propre aux romans policiers dont l'auteur est friand, l'ombre d'un mauvais rêve que, grand lecteur de Bernanos, Sébastien Lapaque ne peut ignorer.
Le maléfice que convoque l'écrivain tient bien davantage dans la nullité confortable de la vie du protagoniste, Folantin plein d'esprit, aimé d'une belle jeune femme comme il y en a tant dans les villes de province (à Paris aussi, mais il faut les chercher avec plus de patience), fidèlement suivi par l'étrange et coruscant Laroque, professeur de philosophie qui s'invente une vie remplie d'actes d'héroïsme. Dans une époque sans sève contre laquelle, récemment, Lapaque décocha quelques flèches en visant la politique plus que la personne de Nicolas Sarkozy (Il faut qu'il parte, Stock, 2008), le diable ne peut plus se nicher dans le meurtre, fût-il prémédité depuis de longues années de sacrifices et de haine, mûrissant dans les cervelles recluses de deux enfants du siècle, c'est-à-dire seuls. Il ne se love même pas dans l'inattention coupable qui éloigne les personnages les uns des autres : chacun, sauf peut-être Laroque, n'est que ce que l'époque qui l'a vu grandir a fait de lui, un égoïste, un hédoniste qui ne sait rien retenir, pas même l'amour d'une femme belle et intelligente, cependant pas exceptionnelle comme le sont les héroïnes de roman.
Les identités remarquables n'en sont donc point, sauf si nous admettons que Lapaque, moins mathématicien que bon lecteur, poursuit le travail de radiographie implacable que le grand Léon Bloy avait génialement mené dans ses truculentes Histoires désobligeantes : ce serait donc en creux, comme déformée, qu'il faudrait parvenir à lire voire déchiffrer la grandeur de ces personnages par excellence antiromanesques, qu'ils soient coquille vide trentenaire, dandy à la petite semaine, midinette romantique ou jeune femme fatalement marquée par le sceau de la haine et la volonté de se venger.
Un critique littéraire pressé (tous le sont) conclurait sans doute, dans un éclair fugace d'à-propos, que la fin seule de ce petit roman intelligent semble constituer l'unique réponse de l'auteur à l'avachissement généralisé. Demeurent tout de même, dans cette société qui dégouline comme de l'époisses, les prestiges de la littérature, d'une intrigue rondement menée, qui sauve la vie du personnage principal et la dignité romanesque ?
Non, bien sûr que non, puisque l'effondrement est général, y compris celui qui guette le narrateur-écrivain, semble nous suggérer Sébastien Lapaque qui nous donne, avec ces Identités remarquables, une histoire que n'aurait probablement point désavouée Hermann Broch écrivant dans Le Tentateur (2) : «J’ai l’impression que l’amorphie de l’existence et de son langage a déjà acquis une telle prépondérance qu’elle a contraint les hommes, en une certaine mesure, à la vouloir contre leur volonté, à la vouloir par dégoût.»
Notes
(1) Une étude serait à mener sur l'usage des formes dialogiques dans les livres de Sébastien Lapaque, qui n'est jamais plus convaincant que lorsqu'il interpelle directement ses personnages ou ses lecteurs, comme il l'avait fait, sous forme de lettres adressées au Grand d'Espagne, dans la toute première version de son Georges Bernanos encore une fois, à l'époque où Olivier Véron, qui édita ce livre, m'en avait fait lire le tapuscrit.
(2) Hermann Broch, Le Tentateur (Gallimard, 1991), p. 10.
17/02/2010 | Lien permanent
Georges Bernanos à l'honneur : Grimpret, Lapaque, Bégaudeau, Crépu, Debluë, etc.
Journal du dernier curé de campagne de Matthieu Grimpret (Le Cerf).
Le Journal du dernier curé de campagne de Matthieu Grimpret, dont nous avions évoqué le beau Notre Royaume ne nous a guère convaincu. Le roman hésite entre plusieurs genres sans vraiment leur offrir une cohérence d'ensemble, le personnage du prêtre est pour le moins étrange et une multitude de scènes, parfois frappantes, ne constituent point une histoire véritable. Le fait de naviguer, apparemment sans boussole, dans le sillage d'une navire imposant n'a jamais permis à une embarcation plus légère de tracer son propre itinéraire.
Tel contradicteur pourrait avancer le fait que l'évocation du dernier curé de France, dans un pays point si totalement éloigné du nôtre, ne peut qu'être peinte par le biais d'un langage qui lui-même semble avoir baissé les bras ou rendu les armes, mais nous avons bien des fois entendu cette remarque à propos, par exemple, des textes de Michel Houellebecq, et elle nous semble plus que commode tout de même pour justifier bien des faiblesses. Peut-être, d'ailleurs, l'évocation de Houellebecq ne nous semble point complètement fortuite puisque Grimpret, comme l'auteur de plus en plus convenu et répétitif Soumission, ne dédaigne pas, à petite touches assez finement posées, de s'aventurer dans le récit d'une proche anticipation qui tiendrait compte de ce qu'il est désormais convenu d'appeler les évolutions sociétales de la France, ou, de plus en plus, de l'Occident plus largement. Mais, dans ce cas, le paysage que campe Matthieu Grimpret nous semble bien trop impressionniste ce qui, ajouté aux remarques précédentes, contribue à former une vue pour le moins hâtive, trouble, peu convaincante, d'un pays gagné par le «déclin de l’Église» qui lui-même ne peut que faire émerger selon l'auteur une «obsession identitaire» (p. 26).
Bien que nous ne sachions guère si le texte de Matthieu Grimpret a été élimé par son éditeur pour passer sous les fourches caudines pour le moins sévères qui constituent désormais la politique principalement commerciale, publicitaire même avec quelques productions journalistiques sans pesanteur ni écriture comme celles d'Eugénie Bastié ou d'Alexandre Devecchio, des éditions du Cerf, nous ne pouvons que constater que jamais il ne parvient à la densité toute simple du modèle dont il se revendique ouvertement et transpose quelques épisodes, sans que, là encore, le décalque nous paraisse très inspiré. Tout est superficiel, journalistique mais d'un journalisme tout de même contraint, qui aurait préféré ne pas devoir se soumettre à des impératifs peut-être fictifs dans le cas qui nous occupe mais qui, s'ils ont été de mise, ont châtré un texte : c'est comme si on avait demandé à Matthieu Grimpret d'adopter le style d'un des plumitifs précédemment cités. Rien n'est creusé, tout semble avoir été laissé en plan, au bord du vide, comme si Matthieu Grimpret ne croyait pas lui-même à l'histoire de son dernier curé, comme si, lui-même, s'était montré incapable de suivre la devise militaire que lui expose tel personnage, directeur spirituel de notre dernier curé, «Croche et tient» (p. 16), qu'il s'agisse de la vision ultime d'une jeune femme anorexique, Édith, qui s'est suicidée, d'une rencontre avec Franck devenu pasteur, de la dernière rencontre avec le fils d’Éléonore de B., Alexandre, jeune homme ouvertement homosexuel, ou bien encore de l'entrevue de notre curé avec Monseigneur Jacques ou encore le Père Charles. Que faire de toutes ces scènes qu'aucune consistance temporelle, existentielle, ontologique réelle, profonde fût-elle désespérée comme dans l'histoire de Bernanos, non seulement ne nous permet de prendre vraiment au sérieux, mais qui elles-mêmes ne fonctionnent guère du strict point de vue de l'économie interne, pour ainsi dire, de ce roman ? Rien, si ce n'est rêver d'un texte autrement plus ambitieux qui illustrerait cette belle et juste remarque de l'auteur : «Si Jésus, selon les mots de l’Évangile, est toujours au milieu de ceux qui se réunissent en son nom, même s'ils ne sont que deux ou trois, l'inverse n'est pas vrai. Il n'existe pas de chrétienté sans Christ; mais il peut exister un Christ sans chrétienté...» (p. 168). Matthieu Grimpret semble avoir été influencé, dans ce roman, par Monsieur Ouine qui, après tout, contamine par sa langue pourrie les cervelles d'une paroisse morte, mais son texte ne possède absolument pas la densité de celui de Bernanos : dans le dernier roman de ce dernier, les trous et les ellipses paraissent tout grouillants de mille créatures, alors que tous et ellipses, dans le roman de Grimpret, nous laissent dubitatifs.
Le plan géopolitique censé structurer l'histoire n'est pas davantage élaboré car Matthieu Grimpret ne creuse pas suffisamment, pour conférer une réelle consistance au monde très prochainement futur qu'il dépeint, les différentes évolutions qu'il évoque comme la disparition de l’État d'Israël (cf. p. 37), la réaffectation systématique des églises où plus personne ne se rend de toute manière, le plus souvent achetées par des néo-protestants nord-américains, ou encore l'essor, du reste déjà bien réel à notre propre époque, des mouvements pentecôtistes.
Dernier curé de France, nous ne sommes pas très étonnés que le personnage imaginé par Matthieu Grimpret paraisse se dissoudre sans le plus petit éclat, fatigué d'assister moins à la fin d'un monde qu'à la possibilité de «recommencer le monde» (p. 108), puis qu'il part sur une île, afin d'oublier «cette maîtresse intérieure, cette femme odieuse qui [lui] intime de garder constamment braquée, sur la moindre de [ses] pensées, le moindre de [ses] actes, la lumière du prétendu mystère dévoilé pour [lui] !» (p. 234), et pouvoir ainsi contempler quelque improbable dernière lumière qu'on aura oublié, sur la côte, d'éteindre. Finalement, le mot de la fin revient encore au modèle colossal, sans doute bien trop impressionnant, Georges Bernanos, qui aura célébré, selon Armel Guerne dans Le Verbe nu, avec le texte qui à mon sens constitue le véritable modèle, bien que non nommé et innommable, du roman de Matthieu Grimpret, autrement dit «avec Monsieur Ouine le service funèbre de la Chrétienté tout entière».
Sous le soleil de Satan, préface de Michel Crépu, édition de Pierre Gille (Gallimard, coll. Folio).
C'est un fait désormais établi, je ne supporte absolument pas Michel Crépu, et j'ai plus que du mal à dépasser les premières phrases du moindre de ses textes. Cet homme, d'un naturel du reste particulièrement affable, incarne tout ce que je méprise : l'arrivisme journalistique. En somme, Michel Crépu est la version améliorée d'un Philippe Dufay. Me rebute, presque immédiatement lorsque je le lis, ce mélange insupportable de pédantisme et d'ironie journalistique, voire de raillerie : Michel Crépu écrit le sourire au coin des lèvres, et vous vient presque immédiatement l'envie de lui coller une baffe et, une fois le texte fini, celle d'ajouter à la claque un coup de pied au séant. Mais pour qui diable se prennent ces hommes creux la caboche remplie de bourre verbale ? La préface qu'il donne à l'édition de Pierre Gille de Sous le soleil de Satan, simple reproduction, à l'exclusion de l'apparat de notes (et en ajoutant un petit texte de Crépu, encore lui, sur Maritain), de la récente édition en deux volumes boursoufflés de La Pléiade ne déroge bien évidemment pas à cette règle selon laquelle, toujours, surtout lorsqu'il s'agit d'évoquer ces écrivains tels que Bloy ou Bernanos devant lesquels il n'est rien, il s'agit, comme le disait Charles Péguy, de faire le malin. Michel Crépu a un talent, mais il le possède à fond : il fait le malin sans jamais vous donner l'impression qu'il se hausse, lui qui est un nain, sur les épaules d'un géant, et même qu'il fait le malin. Michel Crépu fait le malin comme d'autres respirent, sans s'en rendre compte, automatiquement, comme s'il y allait, pour son corps tout autant que son esprit, d'un banal réflex purement mécanique. Qui fait le malin fait le journaliste, c'est un axiome aussi élémentaire que juste, et qui fait cela écrit donc des phrases courtes sonnant comme autant d'accroches censées appâter le badaud («Bernanos n'aimait pas la littérature et il ne pensait qu'à ça», p. 7), se laisse aller à un peu de style canaille, car il n'y a rien de tel que de verser une goutte de vodka dans sa camomille («Oui, bien sûr, cela fait du bien d'écouter le charmant Toulet, mais nous ne sommes pas là pour le câlin», p. 9), s'aventure à trouver complexe l'intériorité des «chaisières» (p. 10), probablement parce qu'il connaît celles-ci pour en être lui-même une, une chaisière d'élite si l'on veut, une chaisière partageant son temps entre des petits fours diplomatiques et des odes saluant le plus grand génie des lettres françaises, Philippe Sollers bien sûr qui finira par l'intégrer à sa petite écurie de bouffons (pardon, vous avez la cruauté de m'apprendre que c'est déjà fait ?), une chaisière stratosphérique si l'on y tient, mais une chaisière quand même, bref, Michel Crépu ironise en plaquant sur celui qu'il lit ses propres travers (cela donne, en parlant de Bernanos : «Qu'en sait-il au juste ? Nous sommes là en présence d'une certaine présomption», p. 10; «Devant le gouffre, un Bernanos qui fanfaronne», p. 16), et se laisse aller, car il est si agréable de suivre sa pente, surtout lorsqu'elle est si diplomatiquement délicieuse, à de petites facilités journalistiques (Bernanos comme un radiographe doté d'un «laser romanesque», p. 14; Bernanos supposé être «au rendez-vous de ce basculement du XIXe dans la folie du XXe, p. 20; Bernanos qui veut «faire passer» telle ou telle chose dans son livre, p. 19). Nous imaginons sans mal que Michel Crépu, lorsqu'il relit ses textes, sourit du sourire niais de celui qui, incapable de se hisser à hauteur de visage, donne un coup de pied rageur à la cheville.
Demeurent, tout de même, dans cette préface qui ne marquera heureusement pas les esprits, y compris les plus acquis aux facilités de Michel Crépu, clone à prétentions romanesques d'un François Angelier si l'on veut, quelques aperçus justes, car l'homme n'est pas un sot et c'est ce qui rend d'ailleurs son cas affreusement banal si sordidement triste, lorsque par exemple il affirme que «l'enjeu romanesque a toujours quelque chose de catholique parce qu'il est en lui-même un enjeu de rédemption, de salut» (p. 14, l'auteur souligne), ou bien lorsqu'il rappelle que Donissan tout comme Mouchette sont des incarnations du «concret du monde où tout est sale» (p. 15), personnages qui tous deux habitent «bel et bien chez Dostoïevski et non chez Thomas d'Aquin» (p. 437) ou enfin lorsqu'il évoque un livre hélas, en effet, «oublié des bibliographies», «l'admirable Portrait de M. Pouget par Jean Guitton» (p. 17) que nous n'avons pas lu, mais que nous ajouterons à notre pile menaçant de s'écrouler de livres à lire, même s'ils nous auront été conseillés, comme c'est ici le cas, par un lecteur dont chaque lecture le plus souvent gros d'un commentaire ironique aura représenté une ligne ajoutée à son curriculum vitae. D'ici quelques années que nous lui souhaitons bien sûr longues, Michel Crépu sera parvenu à ricaner sur des dizaines d'écrivains et, au moment de mourir, peut-être que son ultime raillerie ne sera point tout à fait suffisante pour masquer complètement le vide qu'aura été son magistère.
Sous le soleil de Satan, présentation par Maud Schmitt (Flammarion, coll. GF).
Nous nous éloignons à présent du bureau de Philippe Sollers et des facilités inhérentes à ce voisinage, pour nous diriger vers un lieu qui connaît lui aussi ses grandes et petites histoires : la bibliothèque d'une université. Allons-nous en tirer quelque avantage, et gagner en précision et solidité ce que nous aurons sans regret perdu en clins d’œil plus ou moins appuyés ? La présentation que nous donne Maud Schmitt ayant écrit une thèse sous la direction de l'excellent Pierre Glaudes sur Le récit apologétique laïc : Barbey d’Aurevilly, Bloy, Bernanos excède le cadre du seul premier roman du Grand d'Espagne, mais cela n'est point trop gênant car il s'agit du premier volume de Bernanos paraissant dans la collection GF. Maud Schmitt plante le décor pour ainsi dire, et rappelle une évidence : «Comme écrivain, comme croyant ou comme idéologue, d'un bout à l'autre d'un parcours qui peut paraître contrasté mais qui est au contraire guidé par une constante et exigeante fidélité à soi-même, il s'est défini par un anticonformisme et une intransigeance intellectuelle que son tout premier roman, parfois jugé inabouti ou embryonnaire, reflète déjà avec une remarquable netteté» (p. 15).
La suite de cette présentation se concentre, donc, sur la composition du premier roman, curieusement qualifié d'embryonnaire ou d'inabouti, de Bernanos, Maud Schmitt laissant aux spécialistes, il en existe bien sûr y compris sur de telles passionnantes questions, le soin de se lancer des virgules à la tête pour déterminer qui de Jacques Maritain ou de Robert Vallery-Radot a le plus souhaité raboter les innombrables aspérités du manuscrit, puis notre commentatrice évoque la rencontre de Donissan avec le maquignon qui n'est autre que le diable, mais je crains qu'elle ne se soit guère avancée dans l'étude du phénomène de subtilisation de la figure démoniaque, au sein même de ce premier roman pourtant présenté comme un peu trop simpliste, ne serait-ce que par nombre de ses références littéraires directes ou indirectes.
J'ai tenté de montrer, dans une étude que cite pourtant Maud Schmitt dans sa bibliographie que, dès Sous le soleil de Satan, la figure du démon, mais aussi la figuration du démoniaque, étaient beaucoup plus complexes qu'on ne l'avait dit (voir La figure de Satan dans Archives Bernanos 11, Lettres Modernes Minard, Caen, 2008, pp. 5-61) en se contentant de nous expliquer, sur les brisées des travaux de Max Milner, tout ce que le personnage du maquignon jovial devait au romantisme. Répéter cela, nous bassiner pour la millième fois sur la présence, en effet surprenante, de Paul-Jean Toulet dès la première page du roman, sans s'aviser, comme je l'ai montré, que l'histoire de Mouchette présentait quelques ressemblances troublantes avec La jeune fille verte dudit poète mais aussi avec Le Grand Dieu Pan de Machen que Toulet traduisit en français, c'est ne même pas parvenir à remplir correctement le rôle d'un universitaire qui est, je crois, pardonnez-moi ce gros mot, d'être un chercheur, autrement dit de présenter des hypothèses de lecture. Ces hypothèses, j'en ai présenté plusieurs, dont celle, donc, concernant une influence plus ou moins indirecte de Machen sur Bernanos, car il faut cesser de croire que Georges Bernanos, contrairement à une légende qu'il a sans doute lui-même contribué à forger, était un lecteur fort occasionnel.
Quelques répétitions malencontreuses de termes et de tournures (ainsi de «non seulement» répété deux fois à quelques lignes d'écart, p. 35), un peu de jargon universitaire à coup d'heuristique et de diégétisme (1) ne sauraient toutefois gâcher l'intérêt, bien réel, de cette présentation sobre et efficace de Maud Schmitt qui a raison d'insister sur la puissance essentiellement romanesque de Georges Bernanos qui réussit, «même dans les scènes apparemment les plus banales, les plus insignifiantes», à nous faire entrevoir «une étrangeté, une difficulté qui stimulent l'esprit en même temps qu'elles l'agacent" (p. 37). Reprochons tout de même à notre assez bonne exégète de s'accommoder de bien peu, au final (Crépu, lui, le sait, en bon journaliste : il faut soigner accroche et chute), car il me semble que les romans de Bernanos ne s'adressent pas seulement «à n'importe quel lecteur qui, indépendamment de tout catéchisme et de toute confession, et dans le contexte moderne d'une crise du sens, ne se satisfait guère de la fausse évidence des apparences» (p. 38), mais sondent comme nulle autre œuvre romanesque, du moins en France, les reins et les cœurs des hommes creux que nous sommes, croyants ou pas, jeunes ou moins jeunes, sachant tout ou ne sachant rien des jeux de la grâce, et du Mal qui rôde comme un lion cherchant qui dévorer.
Note
(1) Vocabulaire de petit singe savant qui nous permet d'ironiser sur la déclaration que m'a faite la patronne de la collection GF, Clémence Simonian, m'assurant que le ton d’une édition GF était universitaire et académique, et qu'il visait en conséquence le grand public cultivé mais non spécialiste !
Journal d'un curé de campagne, présentation de Karine Robinot-Serveau (Flammarion, coll. GF).
Je me demande si Karine Robinot-Serveau a lu le texte de présentation à Sous le soleil de Satan, ou bien si c'est cette dernière qui a lui celui consacré au Journal d'un curé de campagne, tant leurs conclusions, après quelques considérations intéressantes mais absolument pas révolu
07/02/2019 | Lien permanent
Georges Bernanos dans la Zone
Georges Bernanos vu par Thomas Renaud.
Georges Bernanos à l'honneur : Grimpret, Lapaque, Bégaudeau, Crépu, Debluë, etc.
Georges Bernanos à la merci des (vieux) universitaires. Quelques remarques sur la nouvelle édition en Pléiade des romans du Grand d'Espagne.
La dernière histoire de Mouchette ?
Georges Bernanos en quarantaine : entretien avec Sébastien Lapaque.
Rimbaud, Bernanos et Frank Herbert.
La parole molle de la France : Rémi Soulié évoquant Pierre Boutang lecteur de Georges Bernanos.
Walter Benjamin, Georges Bernanos et quelques hongres.
Bernanos, la guerre, Satan, la critique.
Georges Bernanos en quatre (piètres) leçons selon Monique Gosselin-Noat.
Le Grand large du soir de Julien Green (où l'impeccable conscience professionnelle de Monique Gosselin-Noat est délicatement évoquée).
Georges Bernanos, l'oublié de Plon
Éloge de Mouchette.
Georges Bernanos pas vraiment surpris par la nuit.
Presença e permanência de Georges Bernanos par Adalberto de Queiroz.
Le sacerdoce de l'imposture, par Jean-Baptiste Fichet.
Georges Bernanos, éclaircissement sur La Grande Peur des bien-pensants, par Benoît Mérand (Infréquentables, 19).
Entretien avec Jean-Loup Bernanos.
Georges Bernanos à la merci d'un journaliste, Philippe Dufay.
Dans le Haut-Pays d'Artois, sur les traces de Georges Bernanos.
Georges Bernanos, l’enfant de Fressin, par Lucien Suel.
Études comparées
Le Mémorial secret de Guillaume Gaulène dans le ciel de traîne de la Première Guerre mondiale.
Monsieur du Paur contaminé par Arthur Machen.
Un Monsieur Ouine russe ? Sur Un Démon de petite envergure de F. Sologoub.
Le démoniaque selon Sören Kierkegaard dans Monsieur Ouine de Georges Bernanos et la traduction de cette étude en portugais.
Monsieur Ouine de Georges Bernanos et Au Cœur des ténèbres de Joseph Conrad.
Arthur Machen : une influence souterraine de Georges Bernanos ?.
Moravagine (1926) de Blaise Cendrars rapproché de Sous le soleil de Satan.
Le Cœur aventureux (1929) d'Ernst Jünger rapproché de Sous le soleil de Satan.
Le Grand d'Espagne de Roger Nimier.
Quelques pistes bloyennes de recherche sur Sous le soleil de Satan (le premier roman de Georges Bernanos rapproché du Révélateur du Globe et du Désespéré de Léon Bloy).
L'Hérédo de Léon Daudet, ou Georges Bernanos emporté par un tourbillon d'hérédismes.
Études spécifiquement consacrées aux ouvrages de Georges Bernanos.
Sous le soleil de Satan (article paru dans le n°11 des Archives Bernanos) (1926).
Le septième sceau de Sous le soleil de Satan.
Préface de L'Imposture parue au Castor Astral (1927).
La Grande Peur des bien-pensants (1931).
Nouvelle histoire de Mouchette (1937).
Les Grands Cimetières sous la lune (1938).
Sur Monsieur Ouine (1943, 1946).
En relisant Monsieur Ouine.
La France contre les robots (1947).
Les Enfants humiliés (1949).
12/02/2009 | Lien permanent | Commentaires (7)
Oraisons charnelles de Marcel Moreau
31/05/2008 | Lien permanent
Georges Bernanos en quarantaine
10/03/2004 | Lien permanent
Entretiens/Dialogues
Que l'on ose encore me dire, après avoir lu ces entretiens qui, pour les meilleurs, sont de véritables dialogues, à quelques milliers d'années-lumière de toutes les fadaises promotionnelles dont nombre de quotidiens et de revues se contentent lorsqu'ils interrogent des auteurs, que l'on vienne donc me dire qu'il n'y a pas, sur la Toile francophone, de réflexion, parfois remarquablement poussée (je parle de la qualité de certaines questions qui m'ont été posées plus que de mes réponses bien sûr), sur la littérature, la critique littéraire, le Mal, la religion, les rapports de l'art et du sacré, ceux de l'écriture et d'Internet, etc. !
Oui, que l'on ose un peu, tiens...
Que l'on ose enfin venir me bassiner avec le fait que la Zone est solipsiste, prétentieuse, intraitable ou je ne sais quoi d'autre et qu'elle défend une conception surannée, parce que réactionnaire, de la littérature et de la critique littéraire qui serait aussi racornie qu'une momie inca : plus d'une quarantaine d'entretiens démontrent le contraire même si, d'expérience, je sais bien qu'aucune preuve ne saurait convaincre celles et ceux qui ne veulent pas être convaincus.
Entretien avec Frédéric Vignale.
Georges Bernanos en quarantaine : entretien avec Sébastien Lapaque.
Entretien avec le Père Chossonnery, exorciste.
Les châteaux au Portugal de Dominique de Roux : entretien entre Rémi Soulié et Laurent Schang.
Aragon sans mentir : entretien entre Rémi Soulié et Laurent Schang.
Entretien avec Pierre Glaudes sur Léon Bloy, 1.
Entretien avec Pierre Glaudes, 2.
Entretien avec Maurice G. Dantec.
Entretien avec Maurice G. Dantec, 2.
Cinq numéros de la série Les voies du Stalker illustrée par les photographies de F. Javier Alvarez Cobb.
Entretien avec le blog Vox Galliae.
Entretien avec Michel Lévy-Provençal.
Entretien avec Ygor Yanka.
Entretien avec Fabrice Trochet.
Entretien avec Yacim Bensalem.
Entretien avec Claude Marc Bourget.
Entretien avec Raphaël Dargent (à propos de La Critique meurt jeune).
Entretien avec Laurent Schang : la littérature est orphique.
Entretien avec Rémi Soulié.
Entretien avec Benoît Hocquet.
Enquête sur le roman.
Entretien avec Marc Alpozzo : les larmes du Stalker.
Entretien avec Serge Rivron.
Entretien avec Roman Bernard.
Entretien avec Nils Aucante.
Entretien avec Ludovic Maubreuil.
Entretien avec Éric Bonnargent et François Monti, annonce.
Entretien avec Éric Bonnargent et François Monti, 1.
Entretien avec Éric Bonnargent et François Monti, 2.
Entretien avec Éric Bonnargent et François Monti, 3.
Entretien avec Éric Bonnargent et François Monti, 4.
Entretien avec Éric Bonnargent et François Monti, 5.
Entretien avec Éric Bonnargent et François Monti, 6 et dernier.
Intégralité de l'entretien Bonnargent/Monti/Asensio.
Juan Asensio, l'exigence du critique littéraire, entretien avec Loïc Di Stefano pour Le Salon littéraire.
Entretien avec Romain Bouvier, du Club Roger Nimier.
Entretien avec Matthieu Giroux, de Philitt, à propos de Georges Bernanos.
Entretiens en partie publiés sur d'autres blogs.
Entretien avec Bruno Gaultier, 1 (blog supprimé).
Entretien avec Bruno Gaultier, 2.
Entretien avec Bruno Gaultier, 3 (blog supprimé).
Entretien avec Bruno Gaultier, 4 (blog supprimé).
Entretien avec Bruno Gaultier, 5 (blog supprimé).
Entretien avec Bruno Gaultier, 6 (blog supprimé).
Entretien avec Éric Bénier-Burckel et Olivier Noël, 1.
Entretien avec Éric Bénier-Burckel et Olivier Noël, 2.
Entretien avec Éric Bénier-Burckel et Olivier Noël, 3.
Entretien avec Dominique Autié sur La Littérature à contre-nuit.
27/04/2009 | Lien permanent
Deux années passées dans la Zone... et puis ?
Ayant plusieurs fois, par exemple avec Dominique Autié, évoqué diverses problématiques (dont celle de sa pérennité, de son utilité même) relatives à l'écriture virtuelle, j'ajoute que je ne sais pas combien de temps encore je parviendrai, à ce rythme de lectures, de rédaction, de mise en page, de promotion (forcément... virale) de mes textes, à nourrir ce blog vorace : toutefois, afin de remercier d'une certaine façon mes lecteurs, voici le portail de la Zone refait à neuf grâce au talent de Claude (du Monde est petit) et aux bons soins techniques de Philippe Pinault et de son équipe, que je remercie amicalement.
Je noircis à dessein le tableau ? Oui, sans aucun doute. Quelques jours, en effet, passés à Lyon, n'ayant d'autre possibilité, lorsque je n'étais pas toutefois complètement submergé de dégoût et de colère devant tant de médiocrité bavarde, que celles de lire la presse écrite et, ô abîme d'insignifiance, de regarder les différents journaux télévisés, quelques jours donc où il m'a fallu tout de même ne point absolument me couper du monde m'ont convaincu plus que jamais du formidable espace d'une parole libre (sans liberté, qualité éminente qui est la plus rare, la parole n'est que stupide logorrhée) que représente la Toile, sans absolument aucun équivalent lorsqu'il s'agit de trouver des répliques, même lointaines, à des sites tels que No Pasaran !, Zek II ou Subversiv [ce site n'existe plus], pour ne citer que les plus connus de ces lieux d'imprécation, quelle que soit notre opinion sur certaines de leurs dérives, alors même que je n'ai point besoin d'évoquer les travaux vertueux de ceux que j'ai qualifiés de nobles marcheurs.
Cette semaine lyonnaise m'a également permis de fouiller, avec une certaine nostalgie, dans des caisses pleines de monceaux de papiers où j'ai retrouvé quelques raretés, par exemple un exemplaire de la feuille de chou, intitulée L'Indigeste, que j'avais reprise en main à l'époque où j'étais étudiant à l'Université Jean Moulin Lyon 3. J'y fis mes premières armes et certains professeurs se souviennent encore, je l'imagine, d'un mémorable numéro spécial, à la couverture rouge sang, consacré tout entier aux figures de Satan. Le travail de rédaction, de mise en page et de fabrication de cette fort modeste revue était réalisé en commun : j'écrivai sur papier les articles qu'une (ou plusieurs) de mes amies s'occupaient alors de taper puis de mettre en page. Je me chargeai de la répartition des tâches, du contenu de chaque numéro, des illustrations bref : un premier boulot de rédacteur en chef qui allait me préparer pour la suite, Les Brandes.
D'autres trouvailles ? L'unique numéro de la revue Immédiatement auquel j'ai participé, à l'époque où Luc Richard et Sébastien Lapaque en étaient les chevilles industrieuses. Il s'agissait de rendre compte d'une réédition dans la collection La petite Vermillon, d'ailleurs truffée de fautes, du Désespéré de Léon Bloy. Mon article fut entièrement caviardé, voire réécrit pour la cause (bien rarement noble) journalistique, ce qui suffit à me mettre dans une colère dont le premier résultat fut la publication de mon texte tel quel et le deuxième de me rapprocher de Sébastien Lapaque, dont j'allais ensuite saluer les deux excellents ouvrages qu'il consacrerait au Grand d'Espagne.
Deux exemples, encore, de revues qui n'existent plus. D'abord Esprits Libres publiée par L'Harmattan et dirigée par Nathalie Sarthou-Lajus et Chantal Delsol, ensuite Salamandra, la belle revue de Florence Kuntz. Je fus contraint de quitter le comité de rédaction d'Esprits Libres après quelques violents échanges épistolaires avec Nathalie qui me signifia ne pouvoir accepter un de mes courts textes consacrés à Georg Trakl, sous le prétexte idiot que pratiquement personne, en France, ne s'intéressait à ce... quoi déjà ?... poète. Chantal Delsol cherchant, bien mollement, à nous apaiser, ne parvint pas à faire que sa revue, pourtant flanquée d'un trésorier de haut vol issu je crois de l'X, de l'ENA et de Normale Sup tout à la fois, dépasse le quatrième numéro. Aucun regret donc, puisqu'il faut ajouter à ces couacs, au sein même de l'équipe de rédacteurs, une manifeste et coutumière incapacité, pour L'Harmattan, de faire correctement son boulot, a priori d'éditeur.
Aucun regret, de même, quant à ma longue collaboration avec Gaël Olivier Fons qui, alors que j'étais étudiant à Lyon 3, vint me trouver : ayant lu L'Indigeste, il voulait avec moi proposer aux étudiants de philosophie (il en était) une revue digne de ce nom, capable surtout de concurrencer l'immonde torchon intitulé Rhizome, organe pseudo-deleuzien de propagande de l'Unef (ou de l'Unef-ID, je ne sais plus même s'il s'agissait, à peu de nuances près, d'identiques crétins pontifiants et guévaristes dont les petits frères défilent aujourd'hui contre le CPE). C'est cette revue, dont Les Brandes constituait le supplément littéraire et gratuit, qui m'a familiarisé avec les techniques, presque archaïques à l'époque, de la mise en page sur Word. J'appris aussi, ayant trop tardé, sans doute, à m'y résoudre, à taper comme je le pus sur un clavier de vieux Mac. Même enrichissante expérience quant aux techniques de fabrication de plusieurs centaines d'exemplaires, de mise en (dépôt-)vente dans les principales librairies lyonnaises puis de gestion d'un fichier d'abonnés dont le nombre, pour cette entreprise rien moins que cryptique, n'a jamais cessé de nous étonner.
Pour Salamandra, très intéressante revue (qui, cela ne gâche rien, offrait à ses lecteurs une impeccable maquette) publiée sous les auspices du groupe Europe des Démocraties et des Différences au Parlement européen, je donnai un seul article consacré à George Steiner. Ce fut également un texte consacré à ce même auteur qui parut dans l'un des numéros de la revue confidentielle et exigeante (ceci expliquant sans doute cela, sans compter, de la part de son patron, une bizarre incapacité à l'endroit de la logique médiatico-marchande, qu'il faut tout de même bien finir par accepter lorsqu'on se pique de vendre un produit, fût-il le fruit le plus noble de l'esprit) intitulée Les provinciales, dirigée par Olivier Véron qui lut, le premier, le manuscrit qui allait devenir mon essai sur Steiner. Avant même de participer directement au contenu des Provinciales, j'en étais un fervent lecteur, y découvrant par exemple le nom de Jean-Marie Turpin puis celui de Pierre Boutang dont je ne tardai point à dévorer les livres géniaux et (parfois, comme il en va du Purgatoire) hermétiques.
Après avoir fini de scanner les couvertures de ces revues, j'ai remisé ces dernières dans le carton où, insignifiantes aventures littéraires, elles vont continuer de mener leur existence secrète.
09/03/2006 | Lien permanent
Presença e permanência de Georges Bernanos par Adalberto de Queiroz
Le blog d'Adalberto de Queiroz. Rappel
Georges Bernanos dans la Zone.
A estrada de Cormac McCarthy (ma critique sur La route traduite en portugais par Henri Carrières).
Um amigo virtual e francófono, Juan Asensio, crítico literário que mantém o blog Stalker, na seqüência de uma troca de mensagens sobre o consagrado autor francês Georges Bernanos, me provoca para encontrar filiações bernanosianas no Brasil. Uma resposta difícil, confesso !
Do tempo que passou no Brasil (1938-1945), em meio a uma vida sempre nômade, Georges Bernanos angariou muitas amizades e influenciou uma série de escritores, mas não acho que tenha criado discípulos na ficção; na vida, ao contrário, semeou muitas amizades e registrou várias polêmicas – sem, talvez, ter deixado inimigos públicos.
Dos amigos que fez em seu exílio brasileiro, Bernanos recebeu a bela homenagem no livro Bernanos no Brasil : Testemunhos Vividos, editado pela editora Vozes, em 1968, artigos de verdadeiros admiradores de Bernanos, coligidos e apresentados por Hubert Sarrazin. O livro se refere aos sete anos da vivência brasileira do escritor francês e reúne textos de respeitáveis homens da cultura brasileira da época, nomes de notoriedade pública que, segundo Sarrazin «representam o escol, a cultura, o pensamento intelectual e moral do Brasil» : Jorge de Lima, Alceu Amoroso Lima, Henrique J Hargreaves, Jean-Bénier, Virgílio de Mello Franco, Augusto Frederico Schmidt, Álvaro Lins, Geraldo França de Lima, Hélio Pelegrino, Paul Gordan entre outros.
Mas mesmo entre esses, desconheço um romancista brasileiro que tenha sucedido Bernanos nos mesmos temas (com igual talento). Tem o leitor a liberdade de fazer correlação dos temas bernanosianos com outros romances brasileiros como Geraldo França de Lima, Carlos Heitor Cony, Autran Dourado ou Antonio Callado – menos pelo anticlericalismo (de natureza diversa da exercida pelos exemplos citados), tampouco por sua ortodoxia, mas sim pela retomada de temas recorrente : a vida religiosa, a persistência do pecado no ser humano, o sacerdócio, a expiação da culpa, o ambiente místico da Igreja e os dilemas dos homens (e mulheres) que vivem dentro e em torno dela. Mas a crítica e os estudos sobre Bernanos entre nós, tampouco, ajudam muito nessa pesquisa.
Recentemente, um estudo francês trouxe a melhor contribuição para aclarar a profundidade das filiações de Bernanos em nosso ambiente cultural. Sébastien Lapaque traça em Bernanos sous le soleil de l’exil (2003) a importância que aquele «time de escol» teve para manter a memória de Bernanos no Brasil. É claro que nenhum deles sustentaria a permanência de Bernanos entre os leitores não tivesse ele o talento que teve (e tem, pois que eterno, sem nunca ter entrado numa Academia de Letras). Seu admirador Geraldo França de Lima entrou (ABL) e, convenhamos, por mais que seu talento tenha sido reconhecido por, ninguém mais, nem menos, que Guimarães Rosa (elogio em público ao seu talento), não escovaria os sapatos do mestre Bernanos. Em outro momento me ocuparei de resenhar Lapaque escondendo o desejo de traduzi-lo para o português, pois que é o melhor depoimento jornalístico e de reconstrução da memória que Bernanos poderia receber chez nous, como homenagem jornalística, ao mesmo tempo acurada e afetiva.
É elogiável que tenhamos nesses dois livros a tentativa de esboçar o perfil do gigante Bernanos, de quem, recentemente vimos ressurgir na mídia francesa, em meio à família dos «escritores místicos», tipologia que tanta influência política exerceu em sua época (Bloy, Péguy, Bernanos), como parte da genealogia literária francesa dos escritores que, por derradeiro, viram florescer sua personalidade e capacidade de influência política, sem culpa de ter feito leitores e cabeças na alta direção de seu país (França) e no estrangeiro (como Bernanos no Brasil).
O crítico e historiador da literatura, Otto Maria Carpeaux, apesar de sua conhecida má-vontade com os escritores católicos franceses – embora fosse ele próprio católico (e ainda mais : um judeu convertido !) – dedica algumas linhas em sua História da Literatura Ocidental para classificar Bernanos como «um cruzado da Fé e da Honra contra a hipocrisia, contra a corrupção de valores». O depoimento de Carpeaux vem carregado, provavelmente, da dificuldade que sobre o crítico deve ter desabado em meio à polêmica mantida com Bernanos, registrada por Olavo de Carvalho no prefácio de Ensaios Reunidos, vol. 1 (citando Andreas Pfersmann, Carpeaux vs. Bernanos, 1993).
Assim, a avaliação puramente literária que Carpeaux faz de Bernanos não é nada animadora, pois, para ele, Bernanos não passa de «um talentoso panfletário». Carpeaux classifica Sous le soleil de Satan como um romance «gótico composto de exaltação mística e sensacionalismo grosseiro». O panfleto seria, segundo Carpeaux, o melhor gênero da expressão bernanosiana – de cuja cepa teria ele, Bernanos, gerado o melhor exemplo do gênero em língua francesa, depois de Rousseau – amostra maior dessa vertente na obra de Bernanos, segundo o crítico, seria Les Grands Cimetières sous la Lune (1936), panfleto dirigido contra os católicos da direita francesa. No entanto, a resposta de Bernanos, que em seu exílio brasileiro não produzira , até aquela época, nenhum romance : «Não sou nem polemista nem panfletário. Menos ainda um doutrinário. Deus sabe o desgosto que tenho por já não escrever romances. É um grande sacrifício para mim. Mas quero devolver às pessoas seus reflexos de boa vontade, de sinceridade...».
Mas a voz lúcida de Bernanos não se calou e, do mais fundo Brasil, falava a seus compatriotas, tentando esclarecê-los sobre o que considerava a «derrota das consciências» e a tripla corrupção – nazista, fascista e marxista na França, donde se evadiu porque o ambiente era irrespirável para a consciência do escritor. Durante o exílio brasileiro, é, majoritariamente, vivendo no interior de Minas que ele escreve Nous autres Français, Scandale de la vérité e uma série de artigos, publicados em jornais brasileiros ou em jornais clandestinos da França ocupada; ou divulgados pela rádio em Londres. Os artigos escritos no exílio brasileiro foram reunidos nos livros intitulados Le chemin de la Croix-des-Âmes, Le lendemain, c´est vous ! , La vocation spirituelle de la France, La France contre les robots e o bombástico Lettre aux Anglais·
Isso nos coloca diante da filiação em política. Teria sido por essa vertente que teríamos filiados ? Tampouco, penso eu. Politicamente, onde se situa Bernanos ? Vejamos a resposta do professor e filósofo Olavo de Carvalho :
– «Homem de direita por temperamento, conservador e monarquista apegado aos valores da vida rural francesa, não hesitou em voltar-se contra seus correligionários para condenar, primeiro, sua omissão ante os excessos do franquismo e, depois, sua cumplicidade com o invasor alemão. E quando a esquerda começou então a cortejá-lo, respondeu que o esquerdismo era a manifestação suprema da imbecilidade universal. Nunca se curvou a ninguém exceto à sua consciência cristã, e mesmo o General de Gaulle, que ele proclamava admirar, confessava : «Esse eu nunca consegui amarrar na minha carroça... ». Em outro trecho, Carvalho sublinha que Bernanos não teme nem hesita em criticar essa mesma direita (francesa) em cujas fileiras Bernanos fora contado : «sem abjurá-la ideologicamente, ele a acusava de omissão ante os massacres franquistas em Palma de Majorca» (in Les grands cimetières sous la lune).
Tendo voltado à França, em julho de 1945, por convocação do general de Gaulle, Bernanos que estivera ao lado do general desde o armistício, recusa sucessivos convites para cargos de ministro, embaixador e mesmo para a Academia Francesa. Fiel ao seu espírito nômade, Bernanos não fica muito tempo em Paris, passando, sucessivamente, por Sisteron, Bandol, Chapelle-Vendômoise. É de seu filho, Jean-Loup Bernanos a resposta mais acurada à pergunta acima :
– Visceralmente livre e incapaz de submeter sua consciência ao mínimo compromisso, Bernanos é o exemplo cabal de um homem que nunca se sentiu confortável com as classificações políticas habituais. Profundamente católico, era, ao mesmo tempo e a seu modo, anticlerical e anticonservador – que o prova sua reação à repressão franquista em Palma de Majorca; aparentemente próximo da esquerda por esse ato, ao retornar à França, considera insuportável o ambiente de ascenção dos partidos de esquerda e estes julgam seus artigos profundamente reacionários. E finaliza : «na verdade, Bernanos tinha a nostalgia do tempo em que as noções de direita e esquerda não existiam». Nostagia de «l’ancienne France, si unie et si diverse à la fois où chaque Français pouvait trouver sa place, l’occuper avec honneur...» (Notice biographique, dans Georges Bernanos, Romans, Omnibus/Plon, 1994).
O crítico Otto Maria Carpeaux, em sua História da Literatura Ocidental formulou outra importante questão (tal como a de Asensio) : pode Bernanos ter sucessores ? Resposta positiva ele encontrava apenas em Luc Estang, que para Carpeaux é «literariamente mais audacioso que seu mestre», para reafirmar, no entanto, que «a ortodoxia de Bernanos só colhe honra e glória com o que a crítica literária tenha afirmado contra ele». O que parece inteira verdade inclusive em relação ao que disse e deixou de dizer o mestre Carpeaux.
Álvaro Lins, por sua vez, afirma que não é nos padrões canônicos do romance, de seus modelos acadêmicos que podemos enquadrar a obra de Bernanos, porque este seria «da raça dos escritores que usam os gêneros literários como personalíssimos instrumentos. Panfleto, romance, eloqüência ? O seu gênero é o do seu temperamento dramaticamente poderoso de genuíno grande-homem; e o do seu estilo singularmente estrutural de autêntico grande escritor.»
Diante desse conflito em que o próprio crítico se coloca, Álvaro Lins extrai a solução do temperamento como explicação : «do romance católico de Bernanos não se dirá apenas que é o romance de almas, mas um romance de almas em oposição».
Examinando a natureza dessa oposição, Álvaro Lins acrescenta :
– «O romance de Bernanos é o das oposições : entre almas, entre sentimentos, entre instituições; e seu ponto de partida cifra-se numa idéia que está expressa em Monsieur Ouine : a de que não há fogo no inferno, mas frio. O fogo, que é a vida, está do lado divino. E é pelo fogo que o católico se configura em face do mundo, num movimento que deve ser mais de oposição do que de integração”.
Mas, afinal, quem é Bernanos para os leitores atuais ? Infelizmente, parece que a melhor resposta é que Bernanos continua um desconhecido da nova geração de leitores, embora dois ou três de seus livros (Diário de um Pároco de Aldeia, sobretudo) continuem sendo vendidos, lidos e comentados, mesmo que esta geração midiática não o conheça mais profundamente.
Ainda cabe citar o filósofo Olavo de Carvalho, que classifica Bernanos como «romancista de gênio e temível polemista que se dizia conservador, mas cuja identidade se tornava difícil de catalogar depois de páginas coléricas contra os judeus e contra os nazistas, contra aristocratas e burgueses, contra comunistas, contra Franco, contra socialdemocratas e contra o Governo de Vichy». E finaliza, em tom irônico, dizendo que Bernanos «não poupava ninguém, exceto Santa Terezinha do Menino Jesus e o General de Gaulle».
Em conclusão, Bernanos não há de ter filhos literários, mas de crença. E sua literatura, sem servir ao modelo de catequização é, além, e acima de tudo, modelo da expressão da Fé e da Esperança, porque para ele «nossa felicidade interior não nos pertence mais do que a obra que ela motiva». Ninguém melhor que Bernanos poderia ilustrar essa legenda.
21/10/2009 | Lien permanent
Le Bloc de Jérôme Leroy, par Christopher Gérard
11/12/2011 | Lien permanent
Walter Benjamin, Georges Bernanos et quelques hongres
Lette de Carlo Michelstaedter à Gaetano Chiavacci, 4 août 1908, in Épistolaire (Éditions de L’Éclat, 1990).
Je recopie quelques lignes de mon Journal, à la date du 20 mars 2003. Les ajouts sont signalés entre crochets.
Terminé la lecture de L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, paru aux excellentes éditions Allia. Ai-je besoin d’en préciser l’auteur : Walter Benjamin bien sûr, largement commenté (depuis qu’il est moins pillé) par les intellectuels de tous bords, y compris de cuvette. Ce petit livre ne m’a guère enthousiasmé. L’aura, la fameuse aura dont Steiner saura se souvenir lorsqu’il évoquera la réelle présence, y est présentée comme une espèce de survivance d’une ancienne présence votive, sacrée, cultuelle, une inaccessible façon, pour le proche, de rester lointain.
L’aura donc est encore visage, ce que rappelle l’auteur, terminant par quelques considérations il me semble assez justes sur la différence entre le fascisme (esthétisation de la politique) et le communisme (politisation de l’esthétique).
Dans la foulée, relecture, pour la cinquième ou sixième fois je crois, d’un des textes les plus admirables de Benjamin, qui impressionna durablement Gershom Scholem (au point qu’il le lisait à haute voix), recueilli dans le premier tome (il y en a trois) que la collection Folio Essais a consacré au philosophe. Ce texte s’intitule Sur le langage en général et sur le langage humain et je ne puis résister au plaisir de citer ce passage, que toutes les petites tiques accrochées au flanc de Derrida feraient bien de méditer : «L’homme est celui qui connaît dans le langage même dans lequel Dieu est créateur. Dieu a créé l’homme à son image, il a créé celui qui connaît à l’image de celui qui crée. […] Tout langage humain n’est que reflet du verbe dans le nom».
Terminé également, il y a quelques jours, la rédaction de mon (très long) article sur le Soleil de Satan de Bernanos, pour le n°24 des Études bernanosiennes, où je compare l’apparition satanique devant les yeux de l’abbé Donissan à celle que l’inquisiteur en pays de Labourd, Pierre de Lancre, décrivait admirablement dans son Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons (Aubier). Nous avons donc cet article et les deux qui vont paraître dans le n°23 de ces mêmes Études bernanosiennes que, jeune élève puis étudiant, je dévorai, me demandant si, un jour, je parviendrai à rejoindre ces grands noms de l’Université. C’est fait et je n’en tire aucune vaine gloriole, ayant en outre rencontré de visu la plupart de ces professeurs, parfois bien décevants dans leur conversation (et leurs travaux…).
Les deux livres de Sébastien Lapaque, sur Bernanos, valent finalement plus que cent thèses sur l’œuvre du Grand d’Espagne. Je l’ai bien sûr toujours su mais j’ai tenté, à ma façon, d’écrire ces articles universitaires avec une sincérité et une urgence peu communes je crois dans ce tranquille temple de la Recherche et surtout, je crois, en veillant à me débarrasser de quelques sots clichés masquant la terrible puissance de vision de l’œuvre romanesque.
Petit mot de Stéphane G. qui, à propos de mon article sur La Maison un dimanche de Pierre Boutang (La Différence), me reproche deux choses : d’abord, me dit-il, une conception erronée du Mal qui ne tiendrait pas la route théologiquement et, ensuite, le fait que cet article se risque à indiquer du doigt un domaine qui n’est pas proprement littéraire. Bien sûr voudrais-je répondre à ce prudent, auteur d’une biographie sur T. S. Eliot (Jean-Claude Lattès). Évoquant de plus l’impossibilité de la Reprise chère à Kierkegaard, il était presque banal, de ma part, d’évoquer celle que j’ai perdue. Sur le Mal : je me suis pourtant contenté de dire que, le Christ étant absent du roman de Boutang, on ne pouvait tout de même pas faire comme si l’Adversaire était vaincu, n’est-ce pas ? Quelle peste contagieuse que ces mauvais lecteurs qui réintroduisent dans telle œuvre inquiète ou paradoxale, contre la volonté même de l’auteur qu’ils croient bien lire, le Christ par la petite porte ! Courte vue, sur cette question, de G. Sa prudence qui me hérisse. Il est vrai qu’il est plus maurrassien que bernanosien […]. Bref, ma collaboration avec Les Épées, avant même d’avoir commencé, paraît bien compromise. À ce propos : horrible dîner, voici quelques semaines, avec l’équipe de cette revue. J’étais placé à côté de quelques arrogants crétins qui, en fait, m’ont toisé et méprisé : «Tiens, c’est donc toi qui écrivais dans Les Brandes ?».
Pardon, jeunes fats tout enduits du saint chrême royaliste : qui les rédigeait plutôt de A à Z, Les Brandes, sans l’aide de Pierre ou de Paul et surtout pas, grands dieux non, de vos minables plumes d’ânes savants.
Je n’oublierai pas ce dîner.
D’ailleurs, je n’oublie rien.
28/12/2004 | Lien permanent