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Le Monde libre d'Aude Lancelin
Toutes proportions malheureusement écartées, car le métier de journaliste est incontestablement plus défiguré par la lamproie de la petite vérole que ne l'est celui de tiers voire franche demi-mondaine, et la lecture d'un livre de journaliste plus déplaisante que celle d'un traité scientifique consignant les effets versicolores des maladies sexuellement transmissibles, j'ai été pris d'un profond dégoût à la lecture du livre sanieux d'Aude Lancelin, Le Monde libre qui, assez curieusement et faussement (mais sans doute fort prudemment, d'un point de vue juridique), se donne pour un texte romanesque dès son avertissement (1), prétend, sans rire mais en ricanant beaucoup, dissiper quelques flatulences intellectuelles, s'enferme dans un délire d'autosatisfaction revancharde et, pour le dire rapidement, gonfle jusqu'à l'éclatement une baudruche de mots vidés de leur sens. Dénonçant des mensonges pieux («le noir souci de la précarité», par exemple, «désormais repeint en expérimentation de nouvelles libertés», p. 196), le livre d'Aude Lancelin n'en forme pas moins une sorte de mensonge au carré, dans lequel les dernières forces de la pensée, en France et même à l'étranger, seraient incarnées par des penseurs inhumanistes comme Alain Badiou qui regretta, mais franchement tard, d'avoir salué la victoire des khmers rouges par un tonitruant, irresponsable et criminel Kampuchea vaincra !.
Deux thématiques principales structurent le texte d'Aude Lancelin, thématiques d'ailleurs liées l'une à l'autre, qui cachent, nous le verrons, une confession qui a pour particularité d'être une absolution administrée par l'intéressée à elle-même, tant il est évident qu'Aude Lancelin, dans son livre à vocation romanesque, ne sait camper qu'un seul personnage, mais sous des traits flatteurs, elle-même contre tous (ou presque). Se sachant coupable, quelle meilleure façon que de s'absoudre soi-même, en faisant mine de se confesser devant ses collègues, moins courageux, moins impudiques ou bien moins fondamentalement fascinés par leur petite personne que ne l'est Aude Lancelin ? Ces deux thématiques principales sont assez communes dans un brûlot : l'évocation de la décrépitude crépusculaire d'un monde (politique et intellectuel, donc, partant, tout entier ou presque journalistique) à l'agonie, et la certitude, commune à tout témoin complaisant qui se prend pour élu intraitable, que la réalité n'est en fait qu'une bulle savonneuse d'imposture, derrière laquelle se cache une vérité fort peu reluisante, mais que l'intéressé, lui, pour son malheur, a vite fait de considérer.
Le ton qu'utilise Aude Lancelin, volontiers pessimiste voire obsessionnellement noir, n'est pas pour nous déplaire dans les deux cas, puisqu'elle ne cesse de rappeler que nous vivons dans et par (du moins certains d'entre nous, vendus, n'en déplaise à notre prêtresse du culte sacrificiel de la Pureté Idéologique) «la presse d'une France au crépuscule» (p. 14) qui ne représente plus rien d'autre que la ruine d'un «âge d'or de la pensée et de la politique» (p. 16), et cela alors même qu'Aude Lancelin ne condamne pas vraiment un état politique, intellectuel et culturel que d'aucuns ont nommé d'un terme repris au vocabulaire de la psycho-pathologie, la sinistrose. Elle ne peut le condamner puisque c'est sur le cadavre de la France qu'une telle journaliste, comme tant d'autres, se nourrit et prospère, établit sa propre colonie d'animalcules : une France qui se relèverait et retrouverait sa santé, voire sa grandeur intellectuelle rendrait aussi utile la présence d'une Aude Lancelin que celle d'un de ces moucherons de pissotière qu'un seul rai de lumière dissout selon Rimbaud. Il nous semble bien au contraire qu'Aude Lancelin n'est pas complètement mal à l'aise dans cette France qui, pour se trouver belle, est obligée de se contempler dans un miroir déformant, tant la mention d'un passé pourtant proche, où, fumeux cliché, «l'astre français n'avait pas encore pâli» (p. 16), est constante (cf. p. 23) dans ce livre, jusque dans l'usage pour le moins facile qui est fait de «l'Obsolète», le titre derrière lequel se cache l'ancien employeur d'Aude Lancelin, que cette dernière décrit comme étant «l'évangile hebdomadaire de tous les intellectuels progressistes des années 70» (p. 21), un journal né sur les cendres de «la petite équipe politiquement correcte de France Observateur» (p. 24) qui, bientôt, se trouverait engluée, comme tant d'autres, dans «une même uniformité libérale et autoritaire» (p. 113) régnant désormais à droite comme à gauche.
Si la France intellectuelle, superbement radiographiée par Jules Monnerot, forcément et férocement à gauche selon l'auteur (mais attention, pas n'importe quelle gauche : celle d'Aude Lancelin, qui n'a rien à voir avec «la gauche Finkielkraut», sorte de «deuxième gauche» en train «d'achever sa mue en deuxième droite», p. 111), si cette France est morte, nous ne pouvons qu'en déduire que nous vivons dans un monde creux, une imposture tout juste comparable aux «trivialités bon teint de centre gauche» (p. 26) que l'intéressée ne peut que vomir, elle qui vomit, comme Dieu, la tiédeur. Curieusement, Aude Lancelin, pourtant toujours prompte à crucifier la cécité, coupable, de toutes celles et surtout ceux qui ont brimé son apocalyptique lucidité lorsqu'il était «difficile d'ignorer que les lumières de la fête étaient en train de s'éteindre les unes après les autres» (p. 38), ne semble même pas se rendre compte que pour elle aussi, pour elle d'abord en tant que journaliste, les dés étaient pipés. Sans doute Jules Monnerot, déjà cité, avait-il parfaitement raison d'affirmer que l'«illusion intellectuelle par excellence est l’illusion de l’intellectuel sur lui-même», même si se serait mentir comme un de ces hommes de paille qu'Aude Lancelin voue au bûcher que de prétendre que notre journaliste est une intellectuelle. Il n'est en effet point logique de claironner, à chaque ligne ou presque, que l'on décrie le mensonge de classe dont s'engraissent presque tous les autres (sauf peut-être Alain Badiou et Philippe Muray), clamer, conséquemment et à rebours des lâches, la vérité, procéder en somme au dégonflement de ces «temps d'imposture universelle» et, en disant la vérité, commettre un acte véritablement révolutionnaire selon George Orwell, tout en travaillant pour un journal sur lequel l'intéressée elle-même ne nourrit absolument aucune sorte d'illusion, et cela depuis l'origine : «il est certain que «l'Obsolète» n'était pas un lieu possible pour ce genre de révolution. L'avait-il été un jour ? C'est peu probable. On ne change pas. Des éléments, des failles de la personnalité, toujours les mêmes, font dévier toujours plus profondément un parcours, jusqu'à parfois le rendre si hideux qu'il semble en tout point dissemblable, voire même (sic) (2) contraire à ce qu'il était à l'état naissant» (p. 29).
Il est de fait assez comique de constater avec quel soin méticuleux Aude Lancelin ne manque jamais de nous rappeler sa progression au sein du journal auquel non seulement elle ne croit plus, mais, selon toute apparence, auquel elle n'a jamais cru. Progresser dans une hiérarchie n'est pas croire, fort heureusement, aux principes qui la fondent, voilà une vérité qu'Aude Lancelin aura appliqué à la lettre, elle qui n'a pourtant point tort de tancer les méthodes managériales à la mode. Ainsi : «En 2014, j'avais toutefois fini par être rappelée à «l'Obsolète» pour y être nommée numéro deux, à la stupeur de certains commissaires politiques du journal» (p. 122). Si j'étais mauvaise langue, j'oserais affirmer que toute l'histoire du putanat journalistique, qu'Aude Lancelin n'a jamais de mots assez durs, parfois drôles, pour condamner, réside dans ces quelques termes anodins, «j'avais toutefois fini par être rappelée»... Il faudrait ici la puissance d'un Balzac pour faire naître, de ce carambolage d'euphémismes, le répugnant golem des compromissions, innombrables et toutes point complètement répréhensibles ni même condamnables, mais qui, posées les unes sur les autres, amalgamées les unes aux autres comme une pâte ignoble, n'en forment pas moins une créature ayant bien des aspects mais portant toujours le même nom, l'arrivisme et, aussi, l'absence de toute éthique, pas seulement professionnelle, mais intellectuelle. D'ailleurs, lorsqu'elle ne travaille pas pour ce journal, c'est pour un autre qu'Aude Lancelin exerce ses talents d'inspectrice sourcilleuse des idées finies et même fossilisées, Marianne en l'occurrence. Las, car elle ne tardera pas, dit-elle, «à comprendre que, à peu de chose près, les mêmes pharisiens, soumis aux mêmes maîtres, chargés de veiller à peu de chose près sur les mêmes vérités, y régnaient aussi inflexiblement» (p. 135). Qu'on se le dise, il faudrait, à ce stade de putrescente assurance, qu'Aude Lancelin dirige son propre journal, qui serait composé à 95 % par les analyses jurassiques d'un Alain Badiou qui, sans mourir, est déjà momifié comme son vénéré Staline, le reste du bavardage pompier comme une parade de l'Armée rouge étant occupé par celles d'un Giorgio Agamben (point nommé, assez curieusement) ou d'un Antonio Negri. Pourtant, et voilà bien le détail qui prouve qu'Aude Lancelin est une vestale de laquelle toute souillure et corruption se tiennent éloignées comme Michel Onfray ou Bernard-Henri Lévy (nous y reviendrons) se tiennent éloignés de toute forme de pensée autre que publicitaire, donc sonnante et trébuchante, pourtant, nous assure l'intéressée, elle s'estime encore être «la part maudite» (p. 141) du système, et ce n'est pas sans une immense immodestie, sous l'apparent humour, qu'elle se qualifie aussi comme une «éternelle hérétique de «l'Obsolète» laquelle, ô surprise, au sein de ce journal essuyant les délires de flamboyance du «Narcisse de Blida» qui l'a tordu et froissé dans tous les sens pour en extraire quelques gouttes de nectar soi-mêmiste et laudateur, devient tout de même, «pour deux ans la princesse consorte, avec notamment les pleins pouvoirs dans le domaine des idées que ses fondateurs tenaient pourtant pour sacré» (p. 143).
Si Le Monde libre est bien des choses, et même la description d'une femme assez étrange pour être une espèce de révolutionnaire de salon, une millénariste acoquinée avec les pires langueurs intellectuelles et reculades grimées en inflexibles principes qui pleurnichera sans la moindre honte en osant se peindre sous les traits d'une journaliste partant à «Pôle emploi en plein sinistre de la presse» (p. 45), il est aussi le portrait d'une carriériste résolue, tout du moins d'une ambitieuse féroce, un «Young Leader» en jupons à vrai dire point tout à fait jeune, ni même prometteuse, même si tel «écrivain noctambule» n'aura pas hésité, en 2000, à vouloir la «lancer» dans «l'émission télévisée qui venait de lui être confiée» (p. 41). Pas grand-chose en somme, du vent s'acoquinant avec du vent, du vide avec du vide, mais attention, l'un à moitié plein de nocturnes ribauderies, l'autre à moitié vide de désespoir languissant, chantant les lendemains qui chantent sur une mandoline plaquée à la feuille d'or consanguine.
Pourtant, Aude Lancelin, qui comme un personnage de Philip K. Dick semble anormalement capable de détecter le plus infime grain de corruption et de décomposition au sein du régime (cf. p. 120) et même sur «le terrain idéologique français entier [qui] était en train de s'effondrer» (p. 115), pourtant, Aude Lancelin qui seule au milieu d'une cohorte d'entrelécheurs penauds mais pleins d'entrain et de lâches vendus au «capitalisme financier» pourvoyeur de petit robots d'un «usinage idéologique» (p. 47), paraît avoir détecté la «glissade vers la droite de tout le spectre intellectuel et politique», glissade «d'une profondeur inouïe» (p. 103), pourtant Aude Lancelin qui seule encore paraît être en mesure de «reconnaître la corrélation toujours niée entre le ralliement sans condition de la gauche au marché et les poussées du Front national» (pp. 92-3), pourtant Aude Lancelin écrivais-je, qui n'est décidément pas à une contradiction près pourvu qu'elle serve son ambition aussi démesurée que foncièrement sotte et vaine, semble elle aussi fort à l'aise dans «ce petit carrousel d'influence» (p. 88) qu'est son journal préféré et semble, elle aussi, ne lui en déplaise, s'être acoquinée avec «la haine de la complexité intellectuelle» (p. 49). Pour renvoyer son compliment à cette inflexible gardienne de la bonne pensée pourvu qu'elle soit franchement à gauche, Aude Lancelin semble s'être avachie elle aussi dans quelque «maestria mafieuse» (p. 54) qu'elle reproche à Bernard-Henri Lévy avec le cri sincère d'effroi de la pucelle devant l'avancée résolue et pocharde d'un Gilles de Rais de gaillarde humeur.
Après tout, la chair, mais aussi l'esprit sont faibles n'est-ce pas, mais il y a pire que cette soif de pouvoir si admirablement commune, bien que si peu compatible avec l'antienne plusieurs fois entonnée par Aude Lancelin qui se déclare près des plus humbles (3) et qui, sans doute pour prix de cette proximité, a payé «le prix de l'irrévérence» (p. 63). Il y a pire, bien pire que ce péché véniel : il y a, au sein même du livre d'Aude Lancelin et probablement de l'intention trouble qui l'a nourri, une contradiction interne qui rend caduc le petit exercice de vengeance banale auquel la journaliste, tout de même «nommée directrice adjointe» (p. 71) d'un journal qu'elle conchie désormais, qu'elle conchiait secrètement alors qu'elle y travaillait (puisqu'il sert après tout de miroir à un «Parti socialiste en voie de putréfaction», p. 47), s'est adonnée : il y a que l'on ne peut manifester un goût pour ce que l'auteur appelle les «grands catholiques rouges» (p. 74) ou pour un penseur qui, comme Alain Badiou, s'est juré «de laver le drapeau rouge du fleuve de boue dans lequel les muscadins de l'antitotalitarisme» l'ont plongé «trente années durant» (p. 70), ce qui suppose un sens réellement miraculeux de l'abnégation, et, ô surprise, déclarer se méfier «des tables rases», et même avouer, bien tranquillement, clé de voûte de cet édifice de papier mâché : «Jamais je n'avais cru en une possible rectification définitive d'un bois humain voué à demeurer à jamais tordu» (p. 64), phrase qui nous prouve qu'Aude Lancelin a tout de même lu autre chose que les rinçures savantasses et amphigouriques d'Alain Badiou. Autant le dire à la place d'Aude Lancelin, pourtant fille d'un père qui, «seul de toute sa lignée» a obtenu le baccalauréat et qui a été «contre-révolutionnaire par attache [vendéenne] autant que par snobisme» (p. 59) : la messe est dite après cette révélation franchement peu progressiste, et même, osons le vilain mot, réactionnaire.
Si Dieu vomit les tiède, parole fameuse qu'Aude Lancelin choisit pour titre de son huitième chapitre, et si Aude Lancelin, qui n'hésite pas à se décrire à tel moment comme «une journaliste de base» (p. 52), affirme son goût pour des penseurs comme Rousseau, «dont le style et la radicalité» (p. 59) l'éblouissent, ou bien Nietzsche dont la pensée est pour elle «la plus puissante, la plus inhumainement subtile» (p. 60), s'il n'y a pratiquement pas une seule page dans son livre qui ne déplore le fait que nous avons «incontestablement dévalé quelques marches intellectuelles» (p. 56), l'auteur n'ayant de cesse de pleurer «toutes ces années en voie d'évanouissement au cours desquelles la France avait été le méridien de Greenwich de la pensée» (p. 68, où Lancelin fait référence à... la French Theory et au «folklore gauchiste de la faculté de Vincennes»), il n'en est dès lors que plus prodigieusement comique que cette journaliste n'ait pas, avant même que de travailler pour tel ou tel journal, tiré les conséquences de ce qu'elle savait, de ce qu'elle se flattait même de s
17/01/2017 | Lien permanent
Quatre années dans la Zone
Entre cette toute première note et la prochaine, j'aurai donc publié, sur ce blog, quelque 600 (bien lire : six cent, comme l'écrit l'AFP lorsqu'elle n'est pas très certaine de ce qu'elle raconte) textes.
Je ne les aime pas tous bien sûr, certains ont bien évidemment ma préférence, mais je suis assez fier, bon sang, de l'énorme travail ici accompli et surtout de la confiance (parfois, de l'amitié) que m'ont donné un grand nombre de lecteurs et de rédacteurs, dont j'ai publié une ou plusieurs notes. Je ne prends pas la peine de tous les citer, vous les trouverez dans la rubrique Hôtes.
La cause de la vérité devant être, selon Montaigne, la cause commune par excellence, j'ai ouvert à mes amis (nombreux et intelligents) et ennemis (aux rangs épars, ils sont, de plus, très souvent stupides), pour cette seule note, les commentaires qui, de cette vérité qu'à ma façon je m'efforce de chercher, donneront sans doute une image aussi variée que contradictoire.
Ajout du 15 mars : cet amical salut de Dominique Autié.
Le dernier numéro de la revue Contrelittérature vient de paraître, dirigée par Alain Santacreu. J'y ai écrit un article sur Paul Gadenne, magnifique écrivain français influencé par les ombres tutélaires de Kafka, de Dostoïevski et de Kierkegaard. Je renvoie mon lecteur à un extrait de mon texte, disponible sur le site de la revue.
Qu'un tel auteur, Paul Gadenne, soit pratiquement inconnu du plus grand nombre est un scandale, un de plus dans notre pays, alors que le plus infinitésimal postillon d'un Philippe Sollers est paraît-il capable de guérir les pauvres que nous sommes de leurs écrouelles... Quelques bossus, de surcroît humbles serviteurs de ce monarque de plus en plus nu, Haënel, Pleynet, Meyronnis, prétendent même que leur maître a le don de prescience. Quoique absolument anti-sollersien, puisque je suis terrorisé par le vide, je possède quelque peu ce don de voyance, et puis affirmer, sans risque de me tromper, que l'avenir de la littérature française sera celui de l'oubli des trop nombreux livres de Sollers, et que dire de ceux de ses piètres séides, dont une cour criarde de pages médiatiques, Josyane Savigneau, Anne Crignon, Aude Lancelin pour nommer mes préférés, s'efforce de faire la vulgaire réclame sur nos places de marché, ceux-là, ces pauvres livres sustentés par une force, un don, une écriture proprement chimériques, n'existent même plus au moment où j'écris ces mots !
Il est vrai que Sollers, petit prélat de la République pontificale de nos lettres, n'a pas fait grand cas d'un autre inconnu, mort dans un accident de voiture à 26 ans, le rimbaldien Jean-René Huguenin, dont il faut lire et relire le Journal mais aussi l'unique roman, La Côte sauvage ainsi que certains textes critiques réunis après sa mort. Il est vrai que Sollers ne s'est guère payé de mots face à un Renaud Matignon, l'un des fondateurs historiques de la revue Tel Quel et du reste excellent critique, avant que celle-ci ne perde son élan nietzschéen pour devenir une bluette marxisante, autant dire bien-pensante, double girouette obèse à force d'ingurgiter le court-bouillon du Nouveau roman et les quelques croutons qui surnagent encore dans la soupe psychanalytique.
08/03/2008 | Lien permanent | Commentaires (75)
Contrelittérature
Je passe vite sur l’article effusif de Luc-Olivier d’Algange qui, une fois de plus, une fois encore, a largement ouvert le robinet d’eau tiède charriant quelques bulles d’hélium évidemment majusculées («Art », «Symbole », «Unificence », «Contes » et « Quêtes du Graal », «Verbe », «l’Un », etc.) pour évoquer le bel mais, pour le coup, trop court article de Francis Moury sur l’œuvre de Jules Lequier, philosophe qui demeure encore assez méconnu, malgré les efforts de son éditeur, L’Éclat et ceux, plus anciens, de quelques éminents philosophes, comme Renouvier, Bréhier, Grenier, Xavier Tilliette et André Clair à présent. La dernière phrase de Moury d’ailleurs, mystérieuse à souhait (puisqu’elle évoque le possible suicide de Lequier et non sa mort accidentelle sur une plage bretonne) me fait penser que mon ami n’en a pas fini avec l’œuvre de Lequier.
Suivant immédiatement cet article, je ne saurais trop recommander le passionnant entretien mené par Santacreu avec Gérard de Sorval qui, sur la Royauté et son état actuel de délabrement consensuellement démocratique (clin d’œil à l’initiative électorale de M. Adeline), contient des lignes que feraient bien d’apprendre par cœur tous les compulsifs adorateurs de l’AF et les attentistes transis d’une hypothétique Restauration : «Poussons la contradiction jusqu’au bout, déclare ainsi Sorval : imagine-t-on un instant que l’Oint du Seigneur – le Lieutenant du Christ, Fils aîné de l’Église, héritier de la plus ancienne, la plus noble et la plus illustre de toutes les dynasties royales depuis deux mille ans, tenant sa couronne d’un mandat direct du Ciel, plus auguste et plus sacré que l’Empereur des romains lui-même – puisse revenir se couler dans le moule d’une société où tout individu est le roi et refuse la moindre parcelle d’autorité de droit naturel ou de droit divin, au-dessus de lui ?». Je signale encore, tout particulièrement, le remarquable article de Théophile d’Obla (le nom est trop beau pour n’être point, sans doute, un pseudonyme…) consacré à la Guerre métaphysique et évoquant les pensées de Strauss, Voegelin (mais pas celle de Löwith ni de Kantorowicz). Enfin, j’ai signé un papier sur Collateral, le récent film de Michael Mann, dont une toute première version avait été publiée ici-même, dans la Zone.
Je salue donc, et ce ne sera pas la dernière fois, la vitalité et le beau courage nécessaires à la réalisation de Contrelittérature.
16/01/2005 | Lien permanent
Gregory Mion dans la Zone
Gregory Mion, précis, méticuleux, bon (et ample) lecteur qui semble hanté par la question du Mal, est l'une d'entre elles, comme le prouve suffisamment le rappel de toutes les notes qu'il a écrites pour ce blog.
La Maison aux sept pignons, une contribution de Nathaniel Hawthorne à la littérature fantastique.
Essai de caractérisation du cinéma de Michael Haneke : conjectures sur le Mal.
Sagesses et folies de Don Quichotte.
Premières lueurs d’abîme : Benjamin Whitmer et Donald Ray Pollock.
Don DeLillo et l’expérience hérétique de la littérature : une lecture de L’étoile de Ratner.
Les États généraux de la violence.
L’Exorciste de William Friedkin : la densité du Mal.
Tragédies en Alaska : Sukkwan Island et Désolations de David Vann.
Raskolnikov, une ombre de surhumanité sous le soleil de Saint-Pétersbourg.
Howard McCord : le littéral au bout de la langue.
Le guetteur halluciné de Geneviève Roch.
Le chef-d’œuvre de Jaume Cabré : Confiteor.
Thèse sur un homicide de Diego Paszkowski.
Docteur Sleep de Stephen King, précédé d’un exposé sur les modalités de l’horreur dans son œuvre.
L’image de cinéma chez Deleuze : sa nature et ses vertus.
2666 de Roberto Bolaño,1 : au bord du précipice et du monstre romanesque, par Gregory Mion.
2666 de Roberto Bolaño, 2 : du mystère de l’homme à l’intuition de Dieu.
2666 de Roberto Bolaño, 3 : hommes sans qualités et femmes sans destin.
2666 de Roberto Bolaño, 4 : la nécrologie d'un inframonde.
2666 de Roberto Bolaño, 5 : les origines de la littérature «monstrueuse».
Ces cinq notes ont été regroupées dans celle-ci, recensant tous les articles consacrés à 2666.
Río Negro de Mariano Quirós : un hymne pour Héraclite.
Le naturel littéraire selon Paul Auster.
La philosophie du paysage chez Wim Wenders.
Joseph Conrad et l’attraction des ténèbres : sur les ruines de Kurtz.
In memoriam : Anna Karénine, sublime au-dessus des hommes.
Le musée des monstres de Mike Kasprzak.
Requiem pour Emma Bovary et Gustave Flaubert.
Autour d'Auschwitz.
Ion de Platon : le divin rayon de la philosophie.
Calibre 45 de Martín Malharro : un aperçu du Pandémonium.
Le bruit et la fureur de William Faulkner.
Gagneuses de François Esperet, ou la poétique de la délivrance.
Le livre de ma mère d'Albert Cohen : une stèle pour l’éternité.
Kant et le problème de l’éducation : suggestions pour l’édification d’un homme moral.
L’Amérique en guerre (1) : À propos de courage, le Vietnam de Tim O’Brien.
L’Amérique en guerre (2) : l’Irak de Phil Klay dans Fin de mission.
Elephant man de Frederick Treves, ou la surhumanité du monstre.
La Horde du Contrevent d’Alain Damasio : une apologie du vivant, du mouvement et de la créativité.
L’Amérique en guerre (3) : Chronique des jours de cendre de Louise Caron.
Les Grandes Espérances de Charles Dickens : la contrariété de devenir un homme.
J’étais la terreur de Benjamin Berton : l’autre djihad de Chérif Kouachi.
Les loups à leur porte de Jérémy Fel.
L'Amérique en guerre (4) : La peau de Curzio Malaparte, che vergogna !
Introduction à John Dewey de Joëlle Zask : l’exigence d’un supplément démocratique.