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Joseph Conrad dans la Zone
Un Cahier de l'Herne Joseph Conrad encalminé dans les eaux troubles de l'Université Lyon 2.
Apocalypse Now / Cœur des ténèbres
L'état de la parole depuis Joseph de Maistre.
T. S. Eliot lecteur du Cœur des ténèbres de Joseph Conrad.
Monsieur Ouine de Georges Bernanos et Au Cœur des ténèbres de Joseph Conrad.
Sur Putain de mort (Dispatches) de Michael Herr.
Études spécifiquement consacrées aux romans de Joseph Conrad
Le Nègre du «Narcisse» (1897).
Le Nègre du «Narcisse»
Joseph Conrad et Herman Melville : l’étrange innocence dans Le nègre du «Narcisse» et Billy Budd, marin, par Gregory Mion.
Cœur des ténèbres (1899).
Apologia pro Vita Kurtzii, 6 : Exterminate all the brutes !
Au-delà de l'effondrement, 4 : Les Anneaux de Saturne de W. G. Sebald.
Charlie Marlow était-il un des convives du Banquet de Platon ?
Londres engloutie de Richard Jefferies.
Histoire secrète du Costaguana de Juan Gabriel Vásquez.
Joseph Conrad et George Steiner : autour du Transport de A. H.
Joseph Conrad et l’attraction des ténèbres : sur les ruines de Kurtz, par Gregory Mion.
L'Immoraliste d'André Gide est-il plus qu'un pédéraste au désert ?
Exterminez toutes ces brutes de Sven Lindqvist.
Le sceau de l'inhumain de Richard Pedot.
Lord Jim (1900).
Lord Jim
Nostromo (1904).
Nostromo
Nostromo de Joseph Conrad : per chi suona la campana, par Gregory Mion.
Un anarchiste (1906).
Un anarchiste.
04/07/2011 | Lien permanent
Pierre Boutang d'Axel Tisserand
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Les petits ouvrages de la collection Qui suis-je ? chez Pardès gagnent décidément à être découverts, et ce Pierre Boutang que signe Axel Tisserand, fin connaisseur de Charles Maurras et traducteur de Boèce, ne déroge point à la règle (1). Bientôt, j'évoquerai le mince volume consacré à Georges Bernanos sous la plume de Thomas Renaud.
J'avoue avoir préféré de loin les sobres éclaircissements qu'Axel Tisserand nous donne sur la complexité du penseur politique (et homme d'action, à ses heures) aux suppositions pour le moins suspectes d'un Stéphane Giocanti, qui semble tenter d'incliner Boutang sur la pente évidemment savonneuse de ses propres penchants homosexuels. Surtout, la force de l'étude d'Axel Tisserand est de nous proposer de larges extraits du fascinant et monumental Journal de Boutang, dont l'éditeur Pierre-Guillaume de Roux nous annonce la prochaine parution par un premier volume qui, espérons-le, sera suivi d'autres.
Le premier chapitre, intitulé En guise de biographie va à l'essentiel, ce qui est décidément la signature de cette petite série d'ouvrages biographiques enlevés qui depuis quelques années quand même s'ornent d'une abondante iconographie, lorsqu'Axel Tisserand écrit ainsi qu'on ne comprend rien à Boutang «ni à ses colères, si on ignore à quel point son souci de la France s'inscrit dans son refus de désespérer d'un pays qui semblait se repaître de ses haines et de ses divisions» (p. 42). N'écrit-il pas lui-même, à la date du 9 mars 1955, qu'il se fait de la son pays «quelque idée malgré tout invincible, même si son contenu s'est infiniment raréfié» (p. 50) ? Il faudra un jour rapprocher Pierre Boutang de Georges Bernanos, et le faire pourquoi pas par le biais d'un désespoir ne dépendant évidemment pas seulement de tel ou tel événement douloureux comme, pour Boutang, la mort de sa fille unique, Karine, emportée par un cancer des poumons.
Le journaliste politique, certes de haut vol mais malheureux selon Tisserand (2), est le Boutang qui nous intéresse le moins, même si, évidemment et notre commentateur le note, le grand penseur «ne conçoit pas l'action journalistique sans une ascèse physique (il pratique régulièrement le jeûne) et surtout spirituelle» (p. 56) qui est immédiatement perceptible, oserais-je dire, à la lecture de la plus anodine de ses phrases, tant elles semblent toutes tendues vers un but invisible mais néanmoins structurant, ici la volonté de blesser tel de ses adversaires dans un truculent pamphlet, là celle de convaincre ou plutôt d'éblouir par l'évidence d'une virtuosité aussi bien intellectuelle que stylistique dans ses essais plus proprement, c'est encore le cas de le dire, philosophiques.
D'une plus haute portée s'il se peut que le journaliste peu enthousiasmé par son office est le penseur politique, dont Axel Tisserand évoque assez bien la complexité. Il nous permet aussi de comprendre quel est le sens du mot abhorré par nos moutons républicains actuels, qui ne cessent pourtant de le répéter en nous assurant qu'il va nous contaminer, qu'il nous a déjà contaminés, le mot infectieux de nationalisme qu'il s'agit, comme tous les autres mots galvaudés, de bien comprendre : «Boutang, sans le renier, n'aime guère le mot. Il faut toutefois se rappeler que Maurras lui-même préférait parler de nationalisme intégral : le combat nationaliste est un mal nécessaire du fait de l'absence de roi. Le retour de celui-ci dispenserait du nationalisme comme combat en tant que le roi est l'incarnation même de l'intérêt supérieur de la patrie. La patrie chez Maurras est ouverte sur l'universel et il ne considère pas comme un progrès l'émergence du fait national dans l'histoire» (pp. 71-2).
Le Boutang littéraire, qu'Axel Tisserand a une fois de plus parfaitement raison de ne point séparer du Boutang métaphysicien, est certainement notre préféré, mais le lecteur qui ne sait rien des quatre romans de l'auteur, ni même de sa prodigieuse moisson critique, a tout intérêt à serrer très fermement les flancs de son coursier, tant notre cavalier exégète pratique l'ellipse hippique ! Je crains hélas qu'il ne soit absolument impossible de ne consacrer que quelques lignes, certes justes, à un roman aussi complexe que Le Purgatoire, et ce sont donc là les limites de l'exercice de présentation enthousiaste ayant les défauts de son rythme hardi propre à cette collection aussi courageuse qu'intelligente et nécessaire.
Cette vitesse d'exécution, si je puis dire, convient en revanche davantage à l'évocation des pamphlets de Pierre Boutang, la part considérée comme étant la moins noble de l'auteur alors qu'elle en est, comme c'est souvent le cas d'écrivains tels que Bernanos, Rebatet et Céline, la plus révélatrice (je n'ai point dit : la plus honteuse), Bernanos étant d'ailleurs convoqué par Axel Tisserand qui écrit fort à propos : «On l'a déjà dit : c'est comme chez Péguy ou Bernanos, «la colère de paysans que l'usurier dépouille» qu'expriment ses pamphlets, celui-ci [La République de Joinovici] comme plus tard La Terreur en question et le jubilatoire Précis de Foutriquet» (pp. 84-5) écrit contre Giscard d'Estaing. Georges Laffly pourra d'ailleurs noter sans trop craindre de se tromper que «Boutang a servi Dieu, le Prince et le Pauvre, fidèle jusqu'à la mort» (p. 118).
Bien conscient de devoir fallacieusement compartimenter l’œuvre de Pierre Boutang, Axel Tisserand termine sa belle introduction à cette dernière en évoquant le versant métaphysique du penseur dont le langage aura constitué le substrat premier sinon unique d'une méditation aussi riche que puissante, parfois hermétique (3), souvent gorgée d'aperçus et de traits géniaux. Et notre biographe pressé d'insister sur l'éblouissante ivresse de lectures de l'auteur des Abeilles de Delphes : «Ces quelques références révèlent déjà l'étendue du souci philosophique de Boutang : les figures les plus célèbres de la tragédie grecque et de l'Ancien Testament, Platon, puis, plus proches de nous, le romancier du nihilisme russe [Dostoïevski] et le philosophe de l'existentialisme chrétien [Marcel], sans oublier la portée surnaturelle, déjà entrevue, de la vie poétique : sans être exhaustive, cette approche révèle à la fois les sources d'inspiration et la démarche de Boutang, entre philosophie, théologie et ontologie sauvage; son refus, aussi, du faux choix entre antiquité païenne et christianisme pour mieux sauver chrétiennement ce qui peut l'être de la première» (pp. 104-5).
Les dernières pages du livre d'Axel Tisserand évoquent l'Ontologie du secret, méditation puissante, bien souvent abstruse sinon obscure, parfois aussi, fort heureusement, sidérante de virtuosité, orientée contre «le projet cartésien [ayant] bien développé son totalitarisme», aidé par la Révolution sur les terrains de la politique et de la philosophie, «précédant une contre-Odyssée de la conscience dont les variations, au XXe siècle, se nomment le structuralisme, la psychanalyse ou la déconstruction» (pp. 107-8) si chère à Derrida et ses petits clones ayant encore pignon sur amphithéâtre aux États-Unis, autrement dit toute la «grande ça-loperie moderne» comme l'écrit Pierre Boutang moquant le disciple infidèle de Charles Maurras que fut Lacan dans son Apocalypse du désir.
Puis Axel Tisserand ferme son étude stimulante par une image qui eût pu l'ouvrir et qui le mieux sans doute caractérise son entreprise tout comme la façon d'être de Pierre Boutang, l'aventure humaine accompagnant indéfectiblement celle de la pensée (cf. p. 111) chez un homme d'une telle vitalité intellectuelle, rappelant de quelle façon cadencée, obstinée mais néanmoins dialogique (au sens où Platon n'hésite pas à évoquer l'arrivée des protagonistes de son Banquet) le professeur de la Sorbonne arrivait dans l'un de ses séminaires, affirmant ainsi que ce n'est qu'à présent, après avoir peut-être connu un purgatoire ayant fait office de tamis, que l’œuvre chatoyante, bien faite pour lever les admirations enthousiastes et les haines bovines, viscérales, va pouvoir irriguer «l'effort des meilleurs», de ceux qui l'ont eu pour professeur et, plus que cela, maître, et cela «chacun dans son ordre : serviteurs du Roi, poètes métaphysiciens, ontologues sauvages, espions de Dieu» (p. 112).
Qui sait dans quel office je puis inscrire mon propre travail de lecteur ?
Notes
(1) Axel Tisserand, Pierre Boutang (Éditions Pardès, coll. Qui suis-je ?, 2018). Le texte, et c'est heureux, a été bien relu mais je ne suis pas absolument certain de l'extrême pertinence de l'étude astrologique sur Pierre Boutang due à Marin de Charette publiée en toute fin de volume.
(2) «Si Maurras est entré dans le journalisme politique comme en religion, Boutang y entra avec une conscience aiguë, et crucifiante, du devoir à accomplir» (p. 49).
(3) C'est peut-être cet hermétisme qui fit écrire à un certain Fabrice Moracchini dont nous ne savons heureusement strictement rien, pour le numéro d'avril 2003 de la revue Éléments quelques lignes assassines, évoquant la «statue creuse de Pierre Boutang», qualifié d'«imposteur, alliant le crétinisme politique à la mystification philosophique» (p. 119).
06/11/2018 | Lien permanent
Le Bloc de Jérôme Leroy, par Christopher Gérard
11/12/2011 | Lien permanent
Dans la gorge de l'ombre, par Lucien Suel
29/10/2005 | Lien permanent
Entretien avec Ludovic Maubreuil
08/12/2011 | Lien permanent
Dictionnaire du pamphlet de Frédéric Saenen : vivre et penser comme des hommes en colère
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«Numerus stultorum est infinitus».
Ecclésiaste, I, 15.
Utile petit ouvrage, malgré ses évidents défauts, que celui que Frédéric Saenen a consacré aux pamphlétaires français les plus célèbres. Bien sûr, les notices sur Barbey d’Aurevilly, Bloy, Péguy et Bernanos sont bien trop courtes, celle évoquant David Bosc bien plus longue que celle, par exemple, sur Jean Cau et je ne m’explique point la raison de cette bizarrerie. Certes encore, le titre même du livre est trompeur puisqu’un dictionnaire se devrait de tendre à l’exhaustivité, dimension dont l’auteur, au demeurant, dans une introduction roborative, reconnaît sans peine l’absence. Mais comment admettre, tout de même, qu’un Dominique de Roux, un Charles Maurras et son digne héritier Pierre Boutang qui, à la différence de l’auteur d’Immédiatement, ont tous deux la chance d’être mentionnés en simple note de bas de page par Saenen, ne soient point évoqués d’une façon beaucoup plus développée ? Le volume n’eût point été particulièrement alourdi si l’on y avait ajouté ces trois noms (parmi d’autres bien sûr) qui, absents, donnent au moins quelque ironique pertinence à la collection dans laquelle a paru ce petit livre, intitulée Illico.
Reste que l’intention de Frédéric Saenen, qui n’a probablement rien voulu d’autre, avec son petit ouvrage, que nous donner l’envie de découvrir les textes d’un genre qui, dans la France actuelle où l’honneur a chu et qui ne sait plus que se gratter jusqu’au sang son prurit de pénal, se meurt, est mort, reste que cette intention est assez bien illustrée, extraits des textes mentionnés de ces infréquentables à l’appui. D’ailleurs, sur cette judiciarisation galopante de la société française, Frédéric Saenen pose le bon diagnostic : «Alors qu’auparavant un conflit entre offenseur et offensé se réglait en un duel, aujourd’hui, un débordement verbal peut traîner des années en justice et déboucher sur de lourdes conséquences, jusqu’à briser socialement un individu. Le scandale ne paye plus; le pamphlet pâtit sans doute de cette dévalorisation» (p. 24). Je me permets de corriger quelque peu l'assertion de Saenen en lui faisant remarquer que le scandale n'a jamais payé.
J’ai relevé, allez donc savoir pour quelle inavouable raison, sous la plume de René Benjamin, un texte savoureusement intitulé Aliborons et démagogues paru en 1927 qui fait peut-être lointainement écho, en tout cas dans la formule de son titre, à un truculent Imbéciles et gredins publié en 1900 et que son auteur, Laurent Tailhade, devenu célèbre pour avoir défendu les attentats anarchistes qui firent grande peur aux Parisiens entre 1892 et 1894, adressa aux anti-dreyfusards. J’ai également remarqué que, de même que Georges Bernanos avait connoté le terme «imbécile» qu’il utilisait avec une prodigalité dont nous ne pouvons que le remercier, d’une aura bien réelle de pitié et peut-être même d’amour, Jean-Paul Brighelli estimait pour sa part que le si vilain mot «crétin», pour lequel il déclara en 2005 son goût inavouable, n’était qu’une «invective – à peine une insulte – définitive et affectueuse». Il écrivit d’ailleurs, sur ce crétin si typiquement hexagonal et sa folle incubation dans les serres de l’éducation nationale, un livre amer et ironique, La Fabrique du crétin. La mort programmée de l’école, sans se douter que les plus belles âmes de notre époque, pourtant si peu éloignée de la sienne qu’à vrai dire il s’agit de la même époque, verraient dans l’usage de ce terme, comme dans celui de bien d'autres infiniment plus qu’une «invective définitive et affectueuse».
Décidément, le scandale, ou ce qui passe désormais pour tel, quelques extraits de Philippe Murray impeccablement servis par Fabrice Luchini, n’a jamais aussi peu payé qu’aujourd’hui.
29/08/2010 | Lien permanent
Nous sommes tous des Foutriquets
08/03/2004 | Lien permanent
Diapsalmata ou interlude entre diverses lectures
Places devoted to the night,
Remote from tumult and noise,
How ye my restless thoughts delight !».
Traduction libre d'un poème de Saint-Amant par Katherine Philips, mis en musique par Henry Purcell
Quelques modifications, pour commencer, dans mes listes de liens. Quelques nouveaux liens aussi, il faut contribuer n'est-ce pas à l'extension du domaine de la Toile, qui finira bien par enserrer complètement un monde devenu transparent, desséché, comme cette araignée évidée qu'évoque quelque part Gadenne, reprenant d'ailleurs une image de saint Jérôme. Une araignée desséchée, suspendue à un coin de poutre, ou bien cette coquille de noix abandonnée sous un meuble dont parle Jean Blanzat dans un étrange roman, oublié de tous, Le Faussaire, voilà ce que je suis, certainement pas le loup solitaire qui de loin contemple les hommes et s'en retourne, trottinant de travers, au plus profond des bois silencieux.
En attendant, peut-être, la traduction française d'une monumentale biographie sous la plume de Joakim Garff dont le numéro du 28 janvier de TLS se fait l'écho, lecture, dans la collection de poche publiée par les éditions Allia, des Diapsalmata (en fait, il s'agit du deuxième texte de la première partie de L'Alternative) de Kierkegaard et immédiate, douce évidence que, comme pour Bernanos, Bloy, Gadenne, je devrais TOUT lire de ce génial imprécateur, de ce médecin légiste d'un christianisme mort plutôt que moribond, qui sur lui exerce son art avec une ironie tranchante.
Haine et dégoût, par la même occasion et puisque je reçois nombre d'invectives depuis que j'ai écrit ce papier, de ces lecteurs du dimanche qui sans pudeur aucune estiment que j'exagère, que je file trop loin certaines métaphores de mauvais goût, qui en fait tripotent Bernanos comme Matzneff les petits enfants, un sourire aux lèvres et le vit mollement gonflé, qui remplissent leur dé à coudre d'émotions dans l'immense et inquiétante marmite bloyenne alors qu'il faudrait s'y plonger comme dans une bassine de plomb fondu : vous verriez alors comment l'âme, tordue de mille façons exotiques, pousserait d'étranges cantiques, les mêmes peut-être que ceux de ces malheureux condamnés à bouillir dans le taureau de Phalaris et dont les hurlements étaient transformés en mélopées au moyen de flûtes dissimulées dans les naseaux de l'animal... Que ne suis-je allé plus loin dans l'effronterie, dans l'impolitesse suprême qui eût consisté, après les avoir indisposés, à définitivement dissoudre ces mouches de pissotière sulpicienne et heureusement tout de même que je n'ai pas affirmé que j'éprouvai, à l'égard de certains de ces idiots qui se plaignent des brutalités de reître que je fais subir à leur petite cervelle formolisée, heureusement que je n'ai pas écrit cette jouissive banalité : j'éprouve un plaisir sans borne à rudoyer, lorsqu'il me lit avec ses lunettes sales de petit gommeux de gauche, mon adversaire, à le provoquer, non pas à le tuer (Dieu, quel aveu terrible qui eût affûté, au-dessus de mon cou gracile, la lame de la bien-pensance !) mais à le blesser, pourquoi pas, puisqu'il est bien vrai que la parole est une arme, ce que semblent avoir oublié la cohorte interminable de ces puceaux stakhanovistes du bavardage qui se vident de leurs insignifiantes jérémiades dans le bidet virtuel de Pierre Assouline ou bien, sur tel ou tel forum, nous convient sur leur esquif mité à faire le tour de la seule île dont ils connaissent les amers ô combien dangereux : leur propre nombril.
J'ai noté cette réflexion de Kierkegaard, l'une des dernières des Diapsalmata, qui me plonge dans un abîme d'étrangeté et me fait immédiatement songer à quelque digression borgésienne : «Tout ce qui est d'ordre fini et accidentel tombe dans l'oubli et s'efface. Alors, je reste comme un vieillard aux cheveux gris, livré à mes pensées ; j'explique les images à voix basse, presque, en murmurant ; à mes côtés est assis un enfant qui écoute, bien qu'il se rappelle tout dès avant mon récit.»
J'ai aussi pensé, poursuivant ma lecture du terrible Automne allemand de Dagerman qui stigmatise l'attitude de certains journalistes occidentaux contemplant l'Allemagne en ruines, qu'il n'était pas inutile de préciser la parfaite conception que Kierkegaard se faisait des journalistes lorsqu'il écrivait, cette fois en ouverture de son texte : «Bien entendu, le critique ressemble au poète comme un frère, moins les tourments au cœur et les accents mélodieux sur les lèvres. Et c'est pourquoi j'aimerais mieux, poursuit le Danois, garder les porcs à Amagerbro et être compris d'eux, que d'être un poète que les hommes comprennent tout de travers.»
Tout est dit.
07/02/2005 | Lien permanent
Excellences et nullités, une année de lectures : 2018
Excellences et nullités de l'année 2010.
Excellences et nullités de l'année 2011.
Excellences et nullités de l'année 2012.
Excellences et nullités de l'année 2013.
Excellences et nullités de l'année 2014.
Excellences et nullités de l'année 2015.
Excellences et nullités de l'année 2016.
Excellences et nullités de l'année 2017.
Excellences
Mission de Léon Bloy de Stanislas Fumet (Desclée de Brouwer).
Personne ne gagne de Jack Black (Monsieur Toussaint Louverture).
La Terre demeure de George R. Stewart (Fage).
L'Homme en son temps et en son lieu de Bernard Charbonneau (RN Éditions).
Parmi les cendres de Manuel Arroyo-Stephens (La Table ronde).
De l'Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts de Thomas De Quincey (Gallimard).
Les Sociétés secrètes de Thomas De Quincey (Gallimard).
L'Esclave libre de Robert Penn Warren (Phébus).
Considérations sur la France de Joseph de Maistre (Bartillat).
Le Nègre du «Narcisse» de Joseph Conrad (Gallimard).
Les Prophètes du passé de Jules Barbey d'Aurevilly (éditions du Sandre).
Laissez-moi de Marcelle Sauvageot (Phébus).
À rebours de Joris-Karl Huysmans (Gallimard, coll. Folio).
Le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde (Grasset, coll. Les Cahiers Rouges).
L'Abîme se repeuple de Jaime Semprun (Éditions de l'Encyclopédie des nuisances).
Le dernier messie. Prophétie et souveraineté au Moyen Âge de Gian Luca Potestà (Les Belles Lettres).
Lettres éditoriales de Roberto Bazlen (Éditions de L'Olivier).
Théologie politique de Carl Schmitt (Gallimard).
La Chute d'Albert Camus (Gallimard, coll. Folio).
Monsieur de Phocas de Jean Lorrain (La Table Ronde, coll. La petite Vermillon).
Léon Bloy ou le pont sur l'abîme de Jacques Vier (Téqui).
Les Pharisiens de Georges Darien (10/18, coll. Fins de Siècles).
Nouvelle histoire de Mouchette de Georges Bernanos (Gallimard, coll. La Pléiade).
Le pacte avec le serpent de Mario Praz (Christian Bourgois, coll. Les Derniers Mots).
Le Verbe dans le sang de Leonardo Castellani (Pierre-Guillaume de Roux).
Les Signes de l'Apocalypse de Walker Percy (Payot & Rivages, coll. Rivages poche/Bibliothèque étrangère).
Les identités invisibles de Leo Perutz : Le Cavalier suédois, Le Judas de Léonard, Le Marquis de Bolibar (Phébus, coll. Libretto, Le Livre de poche, coll. Biblio).
Un fils de notre temps d'Ödön von Horváth (Christian Bourgois).
Les Jours de silence de Phillip Lewis (Belfond).
Siloé de Paul Gadenne (Points roman).
Sartre est-il un possédé ? de Pierre Boutang (La Table Ronde).
Lettres à Jean Wahl de Rachel Bespaloff (Claire Paulhan, coll. Pour mémoire).
Nullités
Conversion de Romaric Sangars (Léo Scheer).
L'Incorrect, un modèle de consanguinité cloacale.
Georges Bernanos à la merci des (vieux) universitaires. Quelques remarques sur la nouvelle édition en Pléiade des romans du Grand d'Espagne (Gallimard).
Eugénie Bastié, telle qu'en elle-même la Presse n'a même pas besoin de la changer.
L'Ombre et la Nuit de Francis Giauque de Véronique Gonzalez et Vincent Teixeira (In Folio/ACEL).
Maurice G. Dantec, prodiges et outrances d'Hubert Artus (Séguier).
Mauvaise passe de Clémentine Haenel (Gallimard, coll. L'Arpenteur).
30/12/2018 | Lien permanent
Excellences et nullités, une année de lectures : 2020
Excellences et nullités de l'année 2010.
Excellences et nullités de l'année 2011.
Excellences et nullités de l'année 2012.
Excellences et nullités de l'année 2013.
Excellences et nullités de l'année 2014.
Excellences et nullités de l'année 2015.
Excellences et nullités de l'année 2016.
Excellences et nullités de l'année 2017.
Excellences et nullités de l'année 2018.
Excellences et nullités de l'année 2019.
Excellences
Comme les années précédentes, je m'en tiens aux seuls livres que j'ai lus, et ne mentionne pas mes relectures. Par ailleurs, les ouvrages de Manoël Pénicaud et Baptiste Rappin n'ayant pas fait l'objet d'une critique en règle mais d'un entretien, je ne les ai pas mentionnés dans cette liste, malgré leurs qualités respectives. Le roman qui m'aura le plus marqué a été, incontestablement,Gilles De Drieu La Rochelle.
Le monde du silence de Max Picard (PUF et La Baconnière).
La France contre les robots de Georges Bernanos (Gallimard, La Pléiade).
La Révolution nationale de Georges Valois (La Nouvelle Librairie).
Le Questionnaire d'Ernst von Salomon (Gallimard, L'Imaginaire).
La Séparation de Sopia de Séguin (Le Tripode).
Sombre comme la tombe où repose mon ami de Malcolm Lowry (Point Signature).
Le temps qui reste de Giorgio Agamben (Payot & Rivages).
Le masque de la Mort Rouge de Poe (Gallimard, La Pléiade).
Órdago d'Álvaro de la Rica (Vaso Roto, en espérant un retirage expurgé de dizaines de fautes).
Nous autres d'Eugène Zamiatine (Gallimard, L'Imaginaire).
Essais sur la rhétorique, le langage, le style de Thomas De Quincey (José Corti).
Les Grands Cimetières sous la lune de Georges Bernanos (Gallimard, La Pléiade).
Gilles et L'Homme à cheval de Drieu la Rochelle (Gallimard, Folio et Le Livre de Poche).
Méditation sur un amour défunt d'Emmanuel Berl (Grasset).
Portrait de l'aventurier de Roger Stéphane (Sagittaire).
Le pouvoir de la langue et la liberté de l'esprit de Jacques Dewitte (Michalon).
Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, suivis du Court traité sur l'Antéchrist de Vladimir Soloviev (Ad Solem).
Écrits d'exil, 1927-1928 de Léon Daudet (Séguier).
Paysages de l'âme d'Hugo von Hofmannsthal (La Coopérative).
Lettre de Lord Chandos et autres textes d'Hugo von Hofmannsthal (Gallimard, coll. Poésie).
Les Diaboliques de Barbey d'Aurvilly (Le Livre de Poche).
Mesure de la France de Drieu La Rochelle (Grasset).
Si le soleil ne revenait pas de Charles Ferdinand Ramuz (L'Âge d'Homme).
Nullités
Mention spéciale pour l'accablante rinçure de Vanessa Springora, un livre écrit à plusieurs mains, voire, plutôt, plusieurs pieds. Mais cette écrinaine n'a jamais eu, que je sache, la prétention d'écrire autre chose qu'un torchon imbibé de son lamentable petit jus acariâtre (je sais, je sais, tous les imbéciles journalistiques de France, hélas nombreux, auront versé une larme après avoir lu la quatrième de couverture et entonné leur habituel petit air enthousiaste), alors que Raphaël Enthoven, lui, c'est à mourir de rire de voir tous les efforts qu'il a produits, en tirant la langue, pour nous affliger d'un prétentieux et vain roman dont le seul et unique sujet, je crois, est la merde, l'anus, le sien et ceux des autres.
Le Consentement de Vanessa Springora (Grasset).
Le Temps gagné de Raphaël Enthoven (L'Observatoire).
02/01/2021 | Lien permanent