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21/11/2004

Marc-Édouard Nabe ou la colère du bourdon

Crédits photographiques : Frank Rumpenhorst (AFP/Getty Images).

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20/11/2004

Saint Assouline ou le verbe passé à la soupline

Crédits photographiques : Yasuyoshi Chiba (AFP/GettyImages).

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19/11/2004

Régis Debray le médiatologue

Voici un nouvel article (intitulé MédiuM n°1 ou religion et mondanité selon Régis Debray) de Francis Moury – l’ironique, tortueux, subtil, érudit et délicieux Moury –, consacré au premier numéro de la revue MédiuM.
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« […] Medium est ce qui fait lien entre l’homme et l’homme. Ce n’est pas média au singulier. Il se tient en amont. Il dit la continuité autant que la solidarité. […] Le geste médiologique abat, lui, la cloison entre l’examen du monde des choses et celui des âmes, entre la technique d’un côté et la « noosphère » de l’autre. […] La transmission est un drame, c’est entendu – puisque le propre du médium est de pervertir le message en le subordonnant à sa propre survie. Déception ! « On attendait le Christ, c’est l’Église qui est venue. » Certes. Mais que saurions-nous du Christ s’il n’y avait eu les églises ? […]. »
Régis Debray, Relier, in MédiuM n°1, éd. Babylone, Paris, automne 2004, pp. 3-7.

« […] Or, il me semble que les inclinations des esprits sont au monde spirituel ce que le mouvement est au monde matériel, et que si tous les esprits étaient sans inclinations, ou s’ils ne voulaient jamais rien, il ne se trouverait pas dans l’ordre des choses spirituelles cette variété qui ne fait pas seulement admirer la profondeur de la sagesse de Dieu, comme fait la diversité qui se rencontre dans les choses matérielles ; mais aussi sa miséricorde, sa justice, sa bonté, et généralement tous ses autres attributs. »
Nicolas Malebranche, De la recherche de la vérité, IV, 1, in Œuvres (tome 1, éd. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris 1979), p. 386.


C’est un bref mais dense et impeccable – par sa rigueur de raisonnement comme son style – article de Régis Debray, le philosophe fondateur des Cahiers de Médiologie créés il y a dix ans déjà, qui ouvre sa nouvelle revue MédiuM dont le contenu et l’aspect seront « plus austères et moins brillants » que lesdits Cahiers et dont la devise inscrite sobrement au frontispice est « Transmettre pour innover ». Et dont l’aspect, la diffusion et la parution sont très différents de celle de leur frère aîné : les Cahiers de Médiologie paraissaient tous les six mois (les couvertures des n°17 et 18 édités chez Fayard sont reproduites entre deux textes pour bien marquer la filiation comme la différence) alors que MédiuM ne sera lisible que par abonnement, ne sera pas vendu en librairie ni en kiosque et paraîtra tous les trois mois, quatre fois par an. Cette petite (par le format) revue sera ainsi plus « accrochée » à la vie des idées et du monde et se veut réseau complice de dialogue entre abonnés voués à devenir collaborateurs-confrontateurs-contradicteurs éventuels, évidemment. Du premier M du titre au second non moins majusculé que le premier, riche de tout le travail accumulé entre deux par le mouvement même de la lecture et du retour réfléchi à l’auteur après ce détour, la circularité hégélienne (pas celle du Mythe de l’éternel retour) est d’emblée établie et elle est remplie par la diversité subsumée sous l’unité : qu’on en juge, inextricablement mais dans l’ordre savamment dosé de son sommaire.

Juste après Debray donc : Julien Gracq ! Gracq avait écrit, il n’y a pas très longtemps, une petite phénoménologie « familière » du rapport entretenu par le lecteur à son livre comme objet quasi vivant et passible d’un rapport pouvant engendrer une foule de situations psychologiques comme sociologiques. Elle est brève, elle aussi, mais non moins impeccable. Raffinée d’ailleurs, comme on sait chez ceux qui savent parce qu’on ne le leur a – malheureusement ou non – jamais enseigné qu’elle l’est. Un peu convenue à la réflexion mais « classe » : sujet de dissertation idéal pour les Lettres Supérieures de Louis le grand et Henri IV. Mais enfin elle aussi renvoie à l’idée qui avait fleuri qu’on pouvait juger un livre par son apparence graphique, immédiatement signifiante de son contenu caché car en révélant la nature obscure à qui savait voir son secret. Et là, c’est du médiologique immédiatement, profondément. C’est évident et il fallait commencer par-là, surtout pour nous autres qui aimons, comme le maître, les livres ! Une familiarité du même dans l’altérité du support, en somme.

Puis un article très drôle (involontairement parfois : on aimerait bien avoir du travail nous aussi avec notre « bac + 7 », au lieu d’être au RMI familial et contrôlé régulièrement à l’ANPE au milieu des illettrés, des ivrognes et des demis-clochards, et on ne se plaindrait pas de partir enseigner sur la Côte ouest des USA les charmes du contenu du Précis d’Histoire ancienne de ce brave – et très ennuyeux : Montesquieu, Gibbons, Jean Bayet ou Raymond Bloch sont plus intéressants tout de même – Paul Petit) de Claudia Moatti nous remet dans le bain de la tragédie de l’éducation nationale au niveau où on l’attendrait le moins mais où elle se manifeste bien sûr tout autant. On a l’impression que l’auteur redécouvre ce que les Latins qu’elle enseigne pourtant savaient depuis toujours : le savoir le plus haut et la culture la plus raffinée sont réservés à une élite naturelle qui les désire avant même de les avoir trouvés. Et le projet universitaire tel que la République (française) l’a posé, il y a 200 ans, est par essence une contradiction dans les termes. La preuve en est que la République (française) s’en désintéresse financièrement à un point qui fait honte à ses professeurs lorsque leurs collègues anglo-saxons viennent leur rendre visite dans les placards miteux qui leur servent de bureau. Quelle idéaliste cette Claudia ! Tout le charme féminin de l’idéalisme… contredit par la vulgarité paresseuse de ses élèves qui lisent des manuels utilitaires et rien d’autre. Au lieu de lire la thèse de Rambaud sur L’Art de la déformation historique dans les Commentaires de César, ils lisent Paul Petit (enfin ses re-copieurs contemporains, recopiant d’ailleurs ce que lui-même avait recopié de ses prédécesseurs) : normal. Le principe du concours s’oppose à celui de la culture, par essence. C’est le concours qui tue la culture et les enseignants m’expliquent souvent qu’il est recommandé de ne pas avoir trop de culture pour réussir les concours. C’est mal vu. Alors de quoi s’étonner ? Et puis, chère Claudia Moatti, croyez-vous qu’il serait venu, même une fraction de seconde, à l’esprit de Tacite ou de Sénèque que vous puissiez enseigner à un amphithéâtre de 150 élèves préparant un concours administratif les textes qu’ils écrivaient pour des jeunes gens d’élite ou des hommes faits, rares, triés sur le volet, appartenant aux meilleures familles chevaleresques de la « gens » ? Et cela dans le but de leur faire réussir ledit concours afin ensuite de travailler et de gagner leur vie comme fonctionnaires (de la vérité, comme disait ce pauvre Husserl) ? Soyons sérieux ! Vous retrouvez au fond naturellement leur destination initiale en allant enseigner à des jeunes W.A.S.P. triés sur le volet – enfin à cette condition seulement, dois-je ajouter ! Condition sine qua non, puisque nous sommes entre latinistes. Sinon mon raisonnement ne vaut plus…

Une analyse ensuite du rapport media/medium à travers la relation Aragon/Breton au sujet du rapport entre écrivain et journaliste et l’histoire d’icelle, par Daniel Bougnoux. Aragon nous horripile même si nous nous souvenons avec une reconnaissante émotion qu’il aimait le génial King Kong (USA, 1933) d’Ernest Beaumont Schoedsack et Merian Caldwell Cooper. Breton nous intéresse nettement plus et c’est pour lui qu’on a lu l’article, et c’est pour lui qu’il faut le lire car il contient des choses passionnantes bien résumées sur cet auteur.

Puis un intéressant – même si (ou « parce que » !) on en parle un peu trop en ce moment, un de plus donc, il vaut la peine néanmoins d’être lu – article sur la guerre toute médiologique des USA contre l’Irak par François-Bernard Huygue, enseignant à L’École de guerre économique (diable !) et à H.E.C (terrain moins sulfureux qui réserve, la preuve, de régulières bonnes surprises) dont le sigle ne signifie pas, on le remémore à ceux qui confondraient éventuellement, Hémostatique Et Cicatrisante, comme la pommade du même nom qui soignait nos épistaxis après cautérisation, mais bel et bien Hautes Études Commerciales. Cette école où on teste le candidat en lui demandant si le nom de Marie Bonaparte lui évoque quelque chose, lequel répond benoîtement (mais avec une componction marquant qu’il est sensible à la hauteur de la question posée) qu’il n’est guère familier de la généalogie de l’Empereur. Vu à la télé il y a quelques années ! Pauvre princesse psychanalyste de l’âge d’or français de la psychanalyse, qui s’intéressait à Edgar Poe et connaissait personnellement Freud ! Je crois que c’était H.E.C. cette ahurissante anecdote – mais c’était peut-être l’E.N.A., enfin le principe est le même, vous avez saisi ce que je voulais dire. Huygue a peut-être un lien de parenté avec René, l’historien de l’art ? Je n’ai pas vérifié si l’orthographe concorde. Tous deux écrivent bien, en tout cas, à les lire. Lisons-les donc.

Un professeur de littérature française à Paris-III, Jacques Lecarme, nous entretient des victoires et déboires du journal intime et son résumé de l’évolution de cet objet étrange (mi-privé, mi-public / mi-secret, mi-dévoilant) est intéressant : on le recommande comme un des meilleurs de la « revue postale par abonnement » qu’est MediuM. D’Amiel à Roland Jaccard et Renaud Camus, quel parcours brossé ! La démonstration esthétique est nette et sans bavure : on a affaire à un très étrange objet. Qui s’y frotte s’y pique ! Devise du régiment d’infanterie de… bon ne confondons pas tout : Lecarme mérite d’être distingué parmi les honorables contributeurs pour les bonnes pages médiologiques (ô combien !) d’histoire de la littérature moderne et contemporaine qu’il nous offre. Lire donc. On peut noter dans notre journal intime qu’on le lit, pendant qu’on le lit.

Philippe Dubé, professeur canadien de muséologie (cela existait donc ?) nous entretient de son angoisse concernant le déménagement des collections du Musée de l’Homme fondé par le grand anthropologue Paul Rivet (un nom tout médiologique !) sur le Quai Branly et sur la perte « spectaculaire » induite par la conception de l’espace dans le nouveau lieu relativement à l’ambition cognitive issue de la sociologie française de la grande époque : entre art et connaissance… le dilemme ! Bon on verra bien… l’avenir nous le montrera, ce nouveau musée.

Le philosophe japonais Ishida nous livre un article non moins typiquement en phase avec les problèmes médiologiques puisqu’il s’agit cette fois de l’étonnante histoire (critique et réfléchie) de la représentation de l’Empereur japonais au tournant meijique, occasionnant un étrange dialogue entre techniques iconographiques, sens du sacré, reproduction de masse. Très curieux et très bien écrit – le texte n’est pas traduit, Ishida l’a rédigé dans notre langue et nous le félicitons pour sa haute tenue –, il est passionnant et on vous le recommande chaudement, pas seulement parce que vous savez que nous aimons le cinéma japonais et la civilisation japonaise qui lui sert de support.

Vient ensuite le problème des droits d’auteur « versus » brevet – comme dans Atom Man versus the Martians Invaders [inédit en France] (USA, 1967) de Don Glut – qui est un texte technique sur un problème juridique universel qui témoigne de la sourde (ou éclatante, suivant le niveau auquel on se place) guerre « tiède » (ou « chaude » ?) entre Europe et USA. Il est écrit par un collectif de responsables français des télécommunications qui sait de quoi il parle. Quand les technocrates des télécommunications ont peur, tout peut arriver… C’est presque angoissant. Histoire à ne pas lire la nuit, comme dirait Alfred Hitchcock en éditeur de nouvelles fantastiques anglo-saxonnes, traduites au Livre de Poche en son temps.



Un blanc sépare ce qui précède de ce qui suit, sur la couverture. Nous le respectons dans cette recension critique sans chercher à en analyser la signification. Il faut bien qu’on vous laisse un peu d’effort à faire !



Robert Damien nous entretient de la conception dialectique du rapport des chemins de fer et des voies fluviales chez Proudhon – encore une fois, intéressant mais à ne lire que si on a d’abord lu la thèse monumentale de Mgr Pierre Haubtmann sur Proudhon, sa vie et sa pensée, que nous citions dans un article paru antérieurement à celui-ci, et sur ce même site reptilien de notre Stalker. Transmettre pour innover, transmettre pour vivre et réciproquement : même combat ontologique selon Proudhon, ce grand méconnu de l’historiographie philosophique française, au même titre qu’un Comte, moins systématique, plus brouillon que Comte mais si riche et si peu lu aujourd’hui !

On voit après des « sculptures à textes » savoureuses par le rapport entre les deux véhicules (l’esthétique et l’historique), reproduites en Noir & Blanc avec le texte en regard : crées par « le petit-fils d’Élie Faure » (Debray l’apprécie et c’est lui qui nous le présente), Jean-Louis Faure. Ici la subjectivité reine du plaisir s’opposera à l’esthétique canonique et objective au gré des âges et des cultures : nous sommes neutre car pas plasticien – nous sommes incompétent, pour le coup ! Mais on s’est amusé à lire-regarder, tout de même. Donc on a pris, convenons-en, du plaisir. Preuve ? Dans un tel contexte, le mot sonne cuistre. On vous signale ce moment fugitif entre deux tensions théoriques et théorétiques. C’était voulu à notre avis. Il y a de la mise en scène dans cette revue. Le sens du montage au sens cinématographique du terme, même.

Vient alors une étude proprement philosophique sur le concept médiologique (à chaque fois que nous employons ce terme, notre ordinateur croit que nous avons commis une faute de vocabulaire et le souligne en rouge : on ne peut pas lui dire qu’il n’en est rien et il commence à nous agacer sérieusement) de transmission et sur sa double nature technique/institutionnelle. Pour les amoureux du concept logique « only » : on le recommande donc par principe. Qu’ils souffrent et apprennent en souffrant, les autres qui n’aiment pas la géométrie ! C’est le seul moyen d’apprendre VraimenT (puisque Vérité = position d’une Thèse), et que tout Médium suppose un récepteur compréhensif-sensible de sa nature Médiumnique : « V=T (X) M=M », X étant le lecteur-auteur de ces lignes sur ces autres lignes, en l’occurrence. Mais X sera bientôt vous, n’est-ce pas ?. X the Unknown, titre d’un Hammer Film fantastique anglais de la fin des années 1950, invisible en France. Quel beau titre, quel génial titre pour un film d’horreur et d’épouvante à caractère science-fictionnel ! Presque du Jean Ray (pas l’économiste, le génial auteur belge de contes fantastiques, nous précisons car une interlocutrice belge de notre adolescence s’y était trompée lors d’une conversation mondaine et littéraire à Pontresina) en somme…

« Reconnaissances » (concernant, sur, à propos de, au sujet de mais pas toujours ni forcément « à » bien que tout de même assez) Jacques Derrida. C’est le texte de Debray qui est le meilleur de cette rubrique car il se tient à égale distance de l’admiration et de la critique. On n’en attendait pas moins de lui, même si d’autres eussent peut-être attendu davantage. Mais le référent, on le sait, ne le mérite pas selon nous. Même génération, souvenirs communs mais parcours conceptuel différent : voilà, en gros, ce qu’écrit Régis Debray et nous lui en sommes gré, largement. On a relu Freud et la scène de l’écriture, édité encore dans Tel Quel n°26 (1966) l’autre soir, justement… Ah ! la la… enfin ne soyons pas méchant avec ce mort : Dieu ait son âme ! Et s’il l’a, on en rediscutera avec elle au purgatoire où la plupart d’entre nous séjournerons sans doute suffisamment pour avoir le temps de lire et re-commenter d’un nouveau point de vue toute la Bibliothèque Sainte Geneviève, donc aussi Tel Quel. Et Diogène, et Critique, et Les Temps Modernes, et Contrelittérature, et La Sœur de L’ange, et le Stalker – Dissection du cadavre de la littérature, bien entendu, nous l’espérons bien ! Sans oublier la Revue d’histoire des religions, la R.F.P., la N.R.F.P., la Revue philosophique, les Recherches philosophiques, la R.M.M., la N.R.F. et la Nouvelle N.R.F. – et tant d’autres (le Bulletin de l’Association Guillaume Budé ! Et la R.E.L. et la R.E.G. d’ailleurs) mais brisons-là ce rêve borgésien si fantastique pour revenir au présent. Derrida appartient au passé.

Enfin pour la bonne bouche la plus horriblement médiatique mais justement subsumée par la qualité médiumnique la plus fine et la plus intelligente : les critiques du 09/11 de l’abruti-intelligent, sympathique-antipathique, nommé l’ineffable et très bête, en fin de compte, réalisateur-acteur-producteur Michael Moore. C’est le texte de Debray qui est le meilleur de la rubrique mais les autres sont bien aussi. Savoureux et bien écrits. Le souvenir de la conférence d’Aspen (Colorado) que Debray (interdit de séjour aux USA depuis son refoulement à l’aéroport de Boston, celui-là même dont Mohamed Atta franchit les barrières de contrôle si aisément, comme il le souligne ironiquement) actualise là – en l’écrivant à cette occasion – est un grand moment biographique et politique, un grand moment de philosophie en acte, d’incarnation de l’esprit au sens le plus absolument hégélien et nous l’avons relu plusieurs fois : il éclaire bien des choses. Il relate un fait qui s’est passé (il y a près de vingt ans) et qui éclaire ce qui se passe aujourd’hui. Mais on ne vous en dit pas davantage. Pour le lire, en connaître le dense contenu philosophique et politique, médiumnique comme médiologique (encore ce trait rouge ! Cette machine à mémoire m’achèvera !) non moins, on vous signale enfin l’adresse numérique qui vous en donnera la clef d’accès.

C’est donc bien de lien, de « religere », de « religare », donc de « religio » au sens étymologique comme au sens théologique puis sociologique, qu’il s’agit dans ce MediuM n°1 dirigé par Régis Debray. C’est bien de mondanité comme lieu où la religion naît qu’il s’agit aussi. Et, assurément, de leurs rapports les plus techniquement complexes, éclairés souvent simplement et clairement, donc. Entre sociologie et théologie, entre esthétique et théorie de la connaissance, entre dialectique et humanisme, entre histoire de l’éternité et actualité brûlante : un chemin qui mène à bien des endroits, cette nouvelle revue dirigée par Régis Debray, le dominateur de tous nos possibles. L’un des rares aujourd’hui à savoir parler de la vie et de la mort (celle des images mais celle du restant aussi, du réel aussi) – du plaisir et de la peine. De la philosophie en somme, pour reprendre la définition profonde du sage Épictète.

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17/11/2004

Syntaxe ou l'autre dans la langue de Renaud Camus

Crédits photographiques : STR (AFP/Getty Images).

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15/11/2004

L'expérience existentielle de l'art selon Henri Godard

Olympia de Manet, 1863
Je suis toujours fasciné par la cohérence secrète que révèlent mes lectures, moins celle de mes goûts, après tout critiquables que celle, profonde, qui lie chacun des livres lus à celui qui l’a précédé, à celui qui va le suivre. Je vois dans cette cohérence un merveilleux sourire qui m’aide à ne pas désespérer. Ainsi, après avoir évoqué précédemment l’ouvrage de Karl Löwith consacré aux résurgences profanes voire résolument athées de la figure divine dans l’histoire politico-philosophique de l’Occident, je dévore le livre, intitulé L’Expérience existentielle de l’art (Gallimard), que l’un des plus grands spécialistes de Céline si ce n’est le plus grand, Henri Godard, a consacré à sa propre lecture de Malraux lui-même fasciné par les arts. Mon sentiment sur ce livre, comme l'écrirait Pierre Assouline, c’est-à-dire le mauvais critique ? Livre étrange, oui, moins par l’évocation d’un écrivain finalement assez méconnu, Malraux, et de sa passion pour l’art (puisque, nous apprend Godard, il a écrit son ouvrage en préparant l’édition de La Métamorphose des dieux dans la bibliothèque de la Pléiade) que par une volonté presque systématique d’affirmer, au cours de l’histoire, la progressive autonomisation du langage de l’art, surtout, ici, celui de la peinture et de la sculpture. C'est d'ailleurs cette autonomisation de l'art qui accentue l'irrécusable sentiment d'étrangeté que l'homme éprouve face au monde. La thèse est connue et ne souffre guère de contestation. En fait, l’art, selon Godard lisant Malraux, se sépare de la sphère religieuse qui, jusqu’à l’ère moderne, en formait le berceau et la destination suprême, l’icône pourrais-je dire. Dès lors, logiquement, « l’expérience existentielle » qu’évoque l’auteur est ambiguë : non un « surnaturel », non « un être ou […] des forces qui existeraient en eux-mêmes sur un autre plan de réalité que le nôtre, mais […] des données qui font partie de nous-mêmes et de notre condition […], tout ce qui nous donne le sentiment d’être dépossédés de nous-mêmes, et qui pourtant est également nous ». Je passe sur la maladresse des termes employés (« plan de réalité », « données ») par Godard, qui à mes yeux signifie assez la gêne de l’auteur, et sans doute une fascination bien réelle qui, à l’endroit de la religion et des merveilles artistiques qu’elle a fait naître, n’est évidemment pas seulement intellectuelle. Ces forces, quelles sont-elles ? Godard nous apprend, en bon lecteur malrucien, qu’il s’agit tout d’abord de « la mort pour commencer, mais aussi l’expérience du sexe quand elle est vécue dans sa plénitude » et enfin « le soupçon d’une présence du Mal en nous et en tout homme ». Qui pourrait affirmer le contraire ? Sauf que Godard refuse de subsumer ces expériences que n’eût pas désavouées un Bataille (et Blanchot, d’ailleurs évoqué dans ce même livre) sous une catégorie (le mot me fait honte), disons plutôt dans une dimension qu’un Wladimir Weidlé n’aurait pas hésité, lui, à qualifier de religieuse. Pour le dire excellemment avec Godard : « Le pouvoir de dignité métaphysique que Baudelaire et Malraux confèrent à l’art n’est pas autre chose que la suite logique, une fois effacée la croyance en ce Dieu auquel la figuration de l’art portait atteinte, de la conception qui motivait cette interdiction. Si donner forme à des êtres divins, ou même seulement animés, était l’usurpation d’un pouvoir divin, comment, en l’absence de Dieu, n’en subsisterait-il pas quelque chose en faveur des hommes ? ». Karl Löwith n’est pas bien loin, quoique Godard paraisse ne pas connaître cet auteur et tant d'autres (ne serait-ce que George Steiner, alors que Godard évoque la réelle présence chère au célèbre essayiste), qu'il ne songe pas à opposer à Malraux. Oui encore donc, mais Godard, qui à mon sens borne un peu trop grossièrement la position éminemment complexe et mouvante que Baudelaire nourrissait quant à la signification religieuse de l’art, de refuser que celui-ci, désormais, ose lever son regard (et le nôtre bien sûr) vers le ciel, nous obligeant plutôt à le retourner vers une intériorité devenue le réceptacle des magies perdues, de l’émerveillement d’antan. L’homme de Godard est un mélancolique qui ne lève ses yeux, de peur d’être aveuglé, qu’à mi-hauteur, coincé entre le plus insipide matérialisme et quelque nostalgie secrète des dieux, pas même digne d’Hölderlin.

Les dernières phrases d’Henri Godard sont à cet égard éloquentes, qui refusent de conclure à autre chose, au travers des âges, qu’à une espèce de sombre opiniâtreté dont ferait preuve l’homme, opiniâtreté dont on se demande bien ce qui peut en assurer la permanence : « Et nous, qui avons été habitués à trouver aussi bien la peinture dans des natures mortes ou dans des tableaux abstraits, nous continuons, dans les musées, à trouver quelque chose de plus encore à ces visages de l’art. L’attention que nous leur prêtons n’a rien à voir avec celle que nous portons aux visages qui à tout moment sont autour de nous le premier univers de nos vies, mais elle n’est pas moins passionnée. En eux, nous venons chercher à la fois le reflet de nos interrogations les plus profondes, et un moyen d’y faire face ».

Autre lecture, que j’évoquerai bientôt, celle-ci bouleversante et qui m’a enthousiasmé comme l’avait fait celle de l’ouvrage de Wladimir Weidlé : Syntaxe ou l’autre dans la langue de Renaud Camus.

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11/11/2004

Larvatus prodeo ou... pro deo ?

Crédits photographiques : Mike Hutchings (Reuters).


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08/11/2004

Vie et mort de Gollum

Crédits photographiques : Daniele Tamagni.

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02/11/2004

La plume pichrocoline d'Assouline

Crédits photographiques : Nikon Small World.

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26/10/2004

Marc-Édouard Nabe n'enfonce pas vraiment le clou

Crédits photographiques : Stefano Pesarelli.

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23/10/2004

Michel Onfray ou la dignité des braguettes, par Francis Moury

Crédits photographiques : Jeff J. Mitchell (Getty Images).

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12/10/2004

Fichu(s) Derrida

Crédits photographiques : Itsuo Inouye (Associated Press).

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08/10/2004

La Zone est plus belle qu'une balle

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«L’humanité doit rendre grâce à la mémoire juive pour avoir conservé pieusement les archives de la Shoah. L’énigme est du côté des peuples qui ont oublié»
Alain Besançon, Le Malheur du siècle.

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30/09/2004

Dommage collatéral à droite

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26/09/2004

L'Enchâssement : le stalker lisant Anders lu par Dantec lisant...

Crédits photographiques : Nasa.

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23/09/2004

Le long chemin d'Abraham : Francis Moury à propos d'Antisémitisme : la parole libérée d'Élie Chouraqui

Crédits photographiques : Bryn Lennon (Getty Images).

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20/09/2004

Diverses lectures : Ernst Jünger, etc.

Crédits photographiques : Halldor Kolbeins (AFP/Getty Images).

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15/09/2004

Le génie d'Arnaud Viviant

Crédits photographiques : Sergei Grits (AP)


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28/08/2004

Quelques fantômes du passé

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18/08/2004

La Peau de l'ombre de Joël Gayraud

G. Helnwein, Le baiser de Judas, 1985

 

Lundi 16 août

J’ai terminé la lecture de La Peau de l’ombre de Joël Gayraud, paru chez José Corti. J’ai dit que l’on m’avait conseillé la lecture de ce livre, qu’il est vrai j’avais déjà repéré : une cible potentielle de lecture, rien de plus, je suis coutumier de ces espèces de repérage qui n’ont qu’un seul but, me jeter ensuite sur tel ou tel livre, dépecé alors comme si j’étais un tueur en série. Gayraud, nous apprend le site du célèbre éditeur, est traducteur du latin et de l’italien, d’auteurs tels qu’Ovide, Leopardi ou encore Agamben. Ancien khâgneux, l’homme est donc, à l’évidence, un fin lettré et son écriture s’en ressent, voici au moins un point que nous ne lui contesterons pas. C’est la peau de son écriture mais aussi son ombre, son aspect le plus volatil, inessentiel. Ainsi de son goût pour les méditations moins phonétiques que poétiques (l’exemple du « o dans le e ») ou pour ses réflexions sur le langage, souvent admirables même si, c’est là que le bât blesse, je ne comprends guère pourquoi un tempérament évidemment littéraire va s’égarer dans un domaine qui lui convient moins, celui de la philosophie. Pourtant, l’intention du livre est intéressante, qui annonce une attention phénoménologique à la réalité, moins à sa peau d’ailleurs qu’au velouté le plus fin de la pêche, qu’on appelle pruine. La matérialité fascinante et poétique du monde est donc privilégiée, louée même par rapport aux fantômes hideux de l’arrière-monde.

Fort bien. Mais alors, pourquoi donc, l’auteur ne se privant jamais de critiquer violemment l’emprise que le christianisme a exercé sur l’Europe, courir se réfugier, assez pitoyablement à mon sens, dans les jupes sales de la psychanalyse, cet idéalisme de la latrine ou de l’égout, ce faux dieu de nos déchets les plus rebutants, sous prétexte de tenter de saisir l’essence (le mot fera grimacer Gayraud) évanescente de nos rêves ? Quitte à choquer, je préfère me perdre dans les limbes fécondes de l’eschatologie, qui jamais ne peut se contenter bien longtemps d’approximatives visions (Maître Eckhart est ainsi l’un des auteurs dont je conseillerai vivement la lecture à Gayraud qui goûte davantage les surréalistes…), plutôt que glisser malencontreusement sur les étrons de notre inconscient, que je ne réduis cependant pas à la fosse septique humée par les sbires bavards de Freud. Reste que l’un des courts textes (p. 138) que l’auteur consacre à l’un de ces rêves qui nous semblent plus réels que notre quotidien est superbe, de la même façon que le goût proclamé d’une philosophie non systématique, c’est-à-dire hégélienne, fera privilégier à Gayraud des auteurs tels que Kierkegaard ou son tragique descendant breton, Jules Lequier. Une nouvelle fois, je ne puis qu’abonder dans le sens de l’auteur et goûter ces autres exemples de philosophes tragiques par excellence, Nietzsche, Michelstaedter ou Benjamin. En revanche, me troublent plusieurs points. D’abord le fait que Gayraud, qui vient de nous marteler son goût pour l’œuvre de penseurs qui n’ont jamais séparé le dire du faire, nous offre un bel exemple de dédite lorsqu’il affirme que, aujourd’hui, le seul héroïsme qui vaille étant celui de l’effacement et de l’oubli (p. 177), lui bien sûr peut continuer d’écrire ! Pourquoi donc ce privilège ? Nous ne le savons pas, si ce n’est que Gayraud, ce qui lui donne bien des droits sans doute, est un révolté, un conspirateur de l’ombre… C’est ainsi que Gayraud, qui sans cesse clame qu’il est un anarchiste au sens propre du terme, un homme qui veut, en détruisant le présent, faire advenir un nouveau commencement (archè), peut tranquillement devenir, à son tour, marchandise contemplée dans un lupanar par des milliers d’yeux virtuels, puis achetée, cela va de soi, par autant de mains avides.

Il y a plus grave cependant, je l’ai dit. La détestation évidente que manifeste l’auteur à l’endroit du fait religieux, plus encore, si cela est possible, à celui des religions révélées, systématiquement confondues avec des régimes d’oppression éhontée, voilà ce qui a fini par m’indisposer, m’agacer puis en fin de compte me faire partir d’un grand rire, l’humour étant finalement la plus belle claque que l’on puisse distribuer à un gamin sûr de ses dons qui, devenu adulte, ne s’en réfugie pas moins sous ses douillettes couvertures. En un mot, Gayraud a la trouille de ce qu’il connaît bien mal… En somme, et pour me laisser aller à un mauvais jeu de mot, il ne faut pas trop vite vendre la peau avant d’être bien certain d’avoir tué sa divine ombre… Car enfin, passe encore que l’auteur admire en Benjamin un penseur qui renonce consciemment à nous assener une vérité brutale, préférant tenter de nous convaincre par un chemin oblique (notons au passage qu’une telle approche est parfaitement applicable à Kierkegaard, espion de Dieu selon ses propres termes. Notons aussi que Gayraud, contre Scholem qui pouvait au moins se targuer de connaître infiniment mieux que l’auteur son grand ami, ne voit pas en Benjamin un penseur religieux…), passe encore qu’il nous fasse rayonner les splendeurs perdues d’une époque où le sacré n’avait pas encore été balayé par la violence des fous de Dieu. Comment expliquer en revanche la cécité de l’auteur quant à ces innombrables auteurs qui, en des termes d’une violence qui le feraient sans doute lui-même rougir, lui qui pourtant se présente en mercenaire de la révolte (le comble du ridicule est atteint lorsque Gayraud compare son courage à celui d’Ulysse, pp. 204-5), ont bien avant lui décrié la déshumanisation progressive du monde contemporain, sans connaître un seul traître mot du catéchisme marxiste ? Que vaut ainsi un Gayraud face à un Bloy, un Bernanos, qu’il ne cite jamais et qu’il ferait sans doute bien de lire quelque peu avant de jouer les prophètes de l’âge des blooms ? Que vaut-il même face à un Anders, communiste comme lui mais à l’évidence bien plus ouvert à des auteurs qui ne l’étaient guère, voire pas du tout, et dont les analyses remarquables concernant la technique, le triomphe de la machine, notre monde devenu fantomatique, etc., paraissent réduites, sous la plume de Gayraud qui semble ne pas connaître cet auteur phare, à quelques piques ridicules (et déjà maintes fois lues dans les livres de Finkielkraut par exemple) contre les portables, les marques de survêtement ou la marchandisation croissante de nos villes ? Quoi de neuf dans ces textes, pourtant nombreux, dénonçant la réification du monde et des êtres ? Y a-t-il une seule idée, non pas certes parfaitement originale mais, à tout le moins, nous dévoilant quelque horizon inconnu ? Non, il est vrai que la pureté de l’engagement communiste de Gayraud à de quoi nous faire hurler de rire, lui qui explique sa fascination pour les prestiges et les vertiges – à l’évidence : quelques dizaines de millions de morts tout de même – de l’utopie la plus meurtrière que l’humanité ait connue, par sa lecture des albums de Babar ! Je parlai de rire… En fin de compte, nous rassure le fait que l’imbécile est toujours terrassé par sa propre bêtise, qui suinte de chacun de ses pores sans même qu’il paraisse s’en rendre compte, prenant même celle-ci pour une irrépressible modestie qui lui fait confondre Netchaïev et… Casimir ?

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17/08/2004

Miracle en Alabama

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12/08/2004

Sur une île, stalker, quels livres emporteriez-vous ?, 3

Photographie de l'auteur.

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08/08/2004

Sur une île, stalker, quels livres emporteriez-vous ?, 2

Photographie de l'auteur.


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03/08/2004

Sur une île, stalker, quels livres emporteriez-vous ?

Crédits photographiques : Mike Hutchings (Reuters).

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22/07/2004

L’Élection d'Israël expliquée à la République

Crédits photographiques : Jonathan Nackstrand (AFP/Getty Images).

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21/07/2004

Stalker de Tarkovski

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27/06/2004

Et un jour Jean-Luc Godard est devenu vieux, par Sarah Vajda

Jean-Luc Godard

 

Je pars afin de profiter de quelques jours de repos, de lectures, de marche et de lumière en Bretagne, plus exactement sur l’île de ***. Ensuite Lyon, où je retrouverai peut-être de vieux fantômes, cette orgueilleuse capitale provinciale étant décidément aussi minuscule qu’un grenier. Avant de quitter la Zone (qui parfois, dans mes cauchemars, commence à me sembler plus réelle que bien des gestes et des conversations inutiles accomplis au long de journées sans relief), avant de m’en échapper plutôt, je m’y promène une dernière fois, en vous proposant un beau texte consacré à Notre Musique de Jean-Luc Godard que m’a envoyé la délicieuse et intarissable Sarah Vajda.

***

De Tous les garçons s’appellent Patrick à Notre Musique, Jean-Luc Godard aura accompagné la génération 68, capable, en un plan d’irriter et séduire autant qu’un mortel le peut. Longtemps le cinéaste a tenu sa caméra comme l’homme tient un fusil, un stylo : baroudeur du sens dans un monde de violence, en guerre perpétuelle contre l’Image et le Spectacle. Au fil des ans, le silence a recouvert le discours. Ne demeure qu’un vieux maître, attentif, devant un siècle qui s’éloigne, aux battements du temps.

Désormais, ne l’occupent que la guerre et la paix. Dès la première note, il entraîne son spectateur au cœur d’un discours, sans tangente ou ligne de fuite, hors transcendance et salut, au cœur des ténèbres. Au consommateur saturé d’images, Godard offre l’illusion de la virginité, Notre Musique célèbre l’aurore d’un art. Godard a fini de prêcher la mort, il chante la survie de l’espèce dans la sanctification de l’art : domestication du réel, condition de possibilité de l’entendement.

Magistral, le vieux maître explique ce que sont champ et contre-champ. Liquidé Hawks qui ignore qu’un homme et une femme n’ont ni la même tessiture, ni la même plastique, et modèle leurs images selon un code unique. Pour illustrer sa leçon, il choisit de montrer le retour des Hébreux en terre sainte en 1948 et sur la même plage, quelques mois plus tard le départ des Palestiniens. La Tragédie naît là, dont un champ/contre-champ fixe pour jamais l'origine. Le cinéma tient ce rôle dévolu jadis à Homère. Aux juifs, un écrivain palestinien enseigne que désormais Troie a nom Palestine. Déjà, la posture d’Arafat encerclé évoquait la geste d’Hannibal. Godard est de ceux qui savent comme Victoire et Défaite ont parties liées à la fiction au moment même où l’Histoire est soufferte. Inlassable, après Shakespeare, Grabbe, Büchner, Seghers, Benjamin, le cinéaste tisse un lien, non entre temps et récit ou entre langage et acte, mais entre mythe et présent.

Comme à l’accoutumé, dans le vif du sujet, sans fioriture, sans entrelacs, sans minauderie, Godard se donne à voir en vieil homme blanc.

Lieu de l’action, Sarajevo, ville symbole, capitale des guerres européennes. Sézigue et sa compagne Anne-Marie Miéville se rendent au Salon des écrivains, la nature est costume, elle s’habille avec soin et lutte contre le temps, il balade sa bobine de vieux hibou au bout de la nuit, pas rasé, look de gauche, velours côtelé non repassé. Il s’en revient à Sarajevo pour présenter sa leçon, elle est l’accompagnatrice, gauchiste ou non, l’intellectuel blanc observe la tradition. Tranche de vie, journal d’un artiste, Mes Cahiers. Le vieil homme blanc, par la négative, s’énonce ni Indien, ni juif, ni Palestinien, ni Gitan, l’habitant d’une contrée dont la disparition annoncée dépend, par un lien invisible aux mortels ordinaires, des génocides déjà accomplis et sur le point de l’être. Au moment où l’Europe politique se construit autour de l’épopée du débarquement de Normandie, Godard nous ramène à Sarajevo, à Jérusalem, à Ramage, à Ford Alamo, en Tziganie, à Concord et à Washington, paysages après et avant la bataille. Il est loin le temps où Godard célébrait les Fedayin hurle-haine, sous les yeux enamourés de Jean Genet. Les héros sont fatigués, attention attachée aux seuls récits de ce qui aura été notre contemporanéité et qui déjà se fait futur, hic et nunc, dans la lanterne aux images.

À Sarajevo, arrêt sur images. Quatre figures s’imposent, abandonnées parmi les figures du délaissement contemporain : Indiens venus réclamer, au nom du mythe, du western, de l’épopée que leur long génocide s’interrompe, Sarah une jeune israélienne voudrait rencontrer l’ambassadeur de France à Sarajevo ; Olga une juive russe qui n’atteindra la Palestine que pour y mourir et enfin, aux carrefours, des gitanes, pythies du Nouveau comme de l’Ancien Monde, témoignent, muettes, de la place accordée en Europe annoncée et venue aux irréductibles. Les Indiens, une habitude, parlent peu. Godard met en image l’écart entre leurs oripeaux modernes, fashion indian + jean et les plumes qu’ils portent au cœur. Leur verbe est poésie, eux seuls savent « les hommes fils du vent » et que le vent féconde la plaine ; eux seuls parlent la langue du Mayflower, celle de John Ford ou de Mark Twain, ils sont l’Amérique : ceux qui, à Withman, ont soufflé ses Feuilles au vent, qui, à Thoreau ont donné l’étrange désir de vivre en solitude dans une cabane à Concord, ceux enfin qui ont tenu la main d’Hukelbery Finn le long de son apprentissage de la vie. Sarah l’Israélienne est la petite fille d’un juif français sauvé par l’Ambassadeur du temps où il agissait comme un juste, elle est venue ici à l’hôtel Hilton de Sarajevo dans le seul but de le décider à venir en Israël, que la France cesse de tenir Israël comme ennemi. Nous ne connaîtrons pas sa réponse : demain peut-être aura-t-il cessé d’être ambassadeur. Reste Olga. La jeune fille, de ses yeux clairs, défie le monde : qu’il lui donne une raison de ne pas se suicider et elle vivra ! À Godard, elle tend un DVD que l’égotique ne regardera qu’après sa mort. Les artistes sont gens fort occupés et ce n’est pas le moindre mérite de Notre Musique que d’avoir mis en abyme l’attitude type du vieil artiste ou du philosophe déjà célèbre. Oeuvrant pour l’Humanité, un peu de courtoisie, de sympathie seraient un comble. Godard est rentré de Sarajevo, il cultive son jardin, range des pots en serre, comme il classe des images. Au crépuscule, le cinéaste donne à voir le jardin de l’abbé Mouret, celui que Franju nous fit découvrir naguère, s’adonne au plaisir de contempler celle que nul ne saurait juger selon les catégories du bien et du mal : la nature, quand le téléphone sonne. L’interprète de Sarajevo, un juif de nulle-part, né en Égypte, élevé en France, revenu à l’Est, lui apprend la mort d’Olga. La jeune fille, au lieu de vendre La Pravda dans les rues de Paris ou de Jérusalem en chantonnant : Qu’est ce que je peux faire, j’sais pas quoi faire, est entrée dans un cinéma de Jérusalem, où elle a menacé de se faire sauter si l’on ne parvenait pas à un accord avec les Palestiniens, invité les spectateurs à sortir à l’exception de ceux qui voudraient témoigner en sa compagnie. Demeurée seule, on le comprend, dans la salle obscure, les tireurs d’élite de Tsahal l’ont tirée à bout portant. Dans son sac, ils ne trouveront que des livres… Godard a mis à nu l’inconscient de la jeunesse juive et israélienne, sa volonté farouche de paix, son incompréhension d’être intégrée à la flotte des Grecs partis vaincre Troie. Hasard de la distribution, Troy et Notre Musique sont sortis en même temps qui disent la même histoire : des populations déplacées, des villes ravagées, des maisons ensevelies qui demain, seront un poème. Qui de Jérusalem ou de Rhamala périra ? L’avenir appartient aux vaincus quand l’histoire est dite par les vainqueurs, cette aporie offre au film son énergie et éclaire, clandestine, le passé recomposé.

Godard ignore que tous les juifs du monde se savent, par habitude, condamnés, ce sont les goyim généreux qui écrivent en l’honneur de Tsahal, les juifs ne se reconnaissent ni dans le petit, le moyen ou le grand Israël, ils se sentent l’âme de ces gitanes, aux carrefours des villes de la Diaspora, ni tout à fait européens ni tout à fait juifs. Ils songent que les Indiens ont bien de la chance de se savoir, fils du vent quand eux en ont fini de se croire brebis du troupeau de Yahvé. Trop d’immolations, trop de sombres récits… Longtemps, ils s’étaient crus Troyens, Énée, portant sur leur dos Anchise, le vieil escagasseur qui commande que l’on quitte toutes les îles jusqu’à la terre promise. Longtemps, ils ont marché pour Ascagne et voilà qu’Ascagne n’est jamais devenu Iule. Pas de royaume en ce monde pour eux, ni en Israël, ni ailleurs. Hélas, la City, la Bourse, la banque, en un mot, la matrice n’est pas le domaine de tous : plombiers, électriciens, mères de famille, ferrailleurs, marchands, garagistes, intellectuels, artistes : les juifs sont hommes à l’image du monde, ni tout à fait sur hommes ni tout à fait sous hommes, consciences trois fois malheureuses, ignorant souvent jusqu’au nom de leurs grands-parents, racinés où l’on ne veut plus guère d’eux, déracinés qui se refusent à croire en la Promesse.

Notre Musique est admirable en cela qu’il dénude le problème de la guerre et de la paix sans infléchir aucune solution. Quand un militant meurt, un artiste renaît.

Premier tableau, l’Enfer : notre monde, images de guerre, fulgurante beauté du réel existant que banalise à l’envi jeux vidéo et journal télévisé. Godard est au sommet de son art, caméra maîtrisé, le spectateur voit ce que l’homme a cru voir, le réel se déchire, l’image lui offre une vie nouvelle. Deuxième tableau : Sarajevo détruite et vivante, ruines où la vie s’organise. Sarajevo est Troie, Carthage, Berlin, Dresde ; Sarajevo est l’aboutissement, de l’histoire humaine. Troisième tableau, le plus étrange, le plus troublant, censé être le film d’Olga : une forêt où des jeunes gens aimables et polis viennent se promener, Walden ou la Vie dans les bois, coquin de Godard ! Or, il se trouve que ce paradis est gardé par de beaux marines au regard d’enfants… Olga a désiré mourir pour ne vivre ni en Enfer ni au Paradis gardé par les Marines…

Et toi spectateur que désires-tu ?

Godard promène sur l’écran noir la lampe de Clouzot dans le Corbeau : où est l’ombre ? Où est la lumière quand champ et contre-champ ordonnent l’ordre et le désordre mondial, où nul n’est plus tout à fait ni bourreau ni victime, où le mal a le visage du bien, l’exigence de la pureté, la raison de l’opprimé et le bien la déraison de l’universel conquérant ?

De la beauté de cet objet qu’est Notre Musique renaît la part de lumière. Le monde est obscur qui, dans la chambre obscure, devient lumière. Peu de films possèdent cette grâce et nous pardonnerons à Godard de citer Levinas à bout portant, d’ignorer que la Shoah ne change pas le visage de la philosophie juive et comme Levinas et ses satellites ont négligé l’entremêlement de l’histoire et de la théologie, en les déplaçant dans le seul domaine de la métaphysique. Nous lui pardonnerons de nous offrir, parfois, de médiocres cours de philosophie. De lui, présents précieux, nous recevons des images justes.

Le cinéaste a célébré son art, certain que lui seul illumine la ténèbre de l’Histoire. Nous sortons du ciné, envoûtés, réconciliés avec l’humanité. L’absurde s’éloigne un instant : quand chacun de nous est, le sait, le subit, sujet d’Auschwitz et d’Hiroshima, quand le Capital a joué aux dés notre royaume et l’a perdu, nous demeure l’art : littérature, philosophie, danse, chant, musique, qu’importe. L’humanité est une patrouille perdue qui retrouve son chemin et sa voie sous le fléau de la beauté. Sidérés, caressés, branlés, nous jouissons, nous vivons, esprits et corps comblés.

C’était ça la Révolution, camarade, t’en souvient-il ? Il fallait avoir filmé Léaud et Karina dans La Chinoise pour mêler à l’effroi du vieil homme blanc ce frémissement d’insurrection, ce tremblement juvénile, dans la vieillesse du monde occidental.

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24/06/2004

Quelques chevaliers de la Table ronde

Words, words, words

 

 

« La corruption de l’homme est suivie par la corruption du langage. Quand la simplicité du caractère et la souveraineté des idées sont rompues par la prédominance des désirs secondaires […], et que la duplicité et le mensonge prennent la place de la simplicité et de la vérité, le pouvoir exercé sur la nature en tant qu’interprète de la volonté est perdu jusqu’à un certain point ; on cesse de créer de nouvelles images, et les mots anciens sont détournés pour représenter des choses qui ne le sont pas ; on se met à employer de la monnaie de papier quand il n’y a plus d’or ni d’argent dans les caisses ».

Ralph Waldo Emerson, La Nature

Lectures de plusieurs revues dont Médias, qui ne démérite pas comme je l’avais une première fois affirmé, n’ayant fait alors que parcourir quelques pages, ce qui suffit assez, bien souvent, pour se faire une idée assez précise de la qualité du travail proposé. La mise en page, d’ailleurs, est très claire, les photos assez soignées bref, on peut respirer. J’ai surtout apprécié l’entretien avec Marcel Gauchet qui évoque l’idée d’un « journalisme supérieur », aberration qui me paraît parfaitement creuse, un bon écrivain étant à mes yeux le plus grand des journalistes possibles, que dire alors d’un très grand écrivain si l’on songe à Bernanos, Malraux ou Mauriac qui donnèrent dans le journalisme. Un journaliste, inversement, fût-il le souverain pontife de ce minuscule État ayant sa propre législation discrétionnaire, ses bordels, sa police et ses cachots, ne sera dans le meilleur des cas qu’un piètre écrivain. Reste que le patron du Débat a parfaitement raison de souligner, après combien d’autres cependant, que le petit monde du journalisme français « est peuplé de militants qui ont trouvé dans les médias un autre emploi du mode de pensée militant ». L’article cosigné par Robert Ménard et Pierre Veilletet sur la guérilla des altermondialistes contre l’info est tout simplement excellent, dans lequel on peut lire cette description parfaitement valable de notre époque – à l’exclusion du premier membre de phrase (et encore) – alors qu’elle s’appliquait au monde des années 70-80 : « coalition hétéroclite de régimes communistes, de despotes afro-asiatiques et d’intellectuels occidentaux tiers-mondistes » qui tente, par tous les moyens qui sont à sa disposition, de jeter au large un filet au maillage ultra-serré afin d’éviter que quelque poisson indiscipliné ne lui échappe.

Alors que Chantal Delsol, dans un bel article pour l’enquête menée par Le Figaro sur l’identité française, affirme, pour une fois de façon assez claire et sans louvoyer, qu’il nous faut « redessiner sans les perdre les référents qui nous ont construits », Richard Millet, dans un magnifique texte (Le Dernier Écrivain) paru dans la nouvelle série des Cahiers de La Table ronde, écrit sans ambages qu’il voit « s’effondrer la grande verticalité européenne au profit d’une horizontalité parcellaire : la fin du christianisme, c’est-à-dire de la littérature telle qu’elle nous a portés jusqu’en ce nouveau siècle d’où elle semble se retirer […] ». L’idée est intéressante (mais certes pas neuve) qui affirme que la littérature (et plus largement, à mon sens, l’art tout entier) n’a strictement plus rien à dire si la déserte la préoccupation de la transcendance. La suite mérite d’être notée qui évoque un affaiblissement de la puissance politique française concomitante d’une langue qui tous les jours perd de son sang, idée ingénieusement exposée par un autre auteur des Cahiers, François Taillandier : « La France est entrée dans la fadeur du reniement de soi, dans l’extraordinaire réticence de langue, ne nommant plus le monde, ce qui continue de s’entendre en français ne répondant déjà plus de moi, n’étant plus à la langue qui m’a constitué que le bruissement même de ma disparition et à la phrase française ce que le rock et ses dérivés sont à la musique savante ». Tout est dit et dans une langue très maîtrisée qui n’est pas, heureusement, le pidgin télégrammique (ou le sabir télégraphique pour les esthètes...) employé par Nicolas Rey dans un texte insignifiant. A mon sens, c’est l’affaiblissement de notre langue qui réduit notre pays à n’être plus qu’un inlandsis de médiocrité, une toundra intellectuelle fière de ses quelques maigres arbustes. Il y a autre chose dans la constatation faite par Richard Millet : un effacement progressif de l’écrivain au monde, qui déserte la place publique piaillante de cris et de réclames pour s’enfoncer en son âme avec pour seule compagne la langue, autant dire non seulement et à l’évidence la France, toute la France depuis, au moins, les Serments de Strasbourg rédigés en 842 mais aussi les autres pays, leur histoire, les liens entre ces derniers et notre pays, l’univers tel que notre langue nous l’a donné à voir et comprendre. Le « sentiment de la langue » est ainsi une recherche, mieux, une quête que j’hésite à nommer mystique, une plongée dans « l’épaisseur d’une langue » qui a (pardon, qui aurait puisqu’elle ne l’a plus guère…) « le goût du secret et l’évidence cachée du monde ».

Quoi qu’il en soit ce premier numéro de la nouvelle série est prometteur et je me dois de saluer, quelles que soient mes critiques, la volonté de deux hommes, Denis Tillinac et Jean-François Colosimo, qui ont permis la renaissance de ce qui fut une très belle revue. Je signale d’ailleurs, pour finir, les textes de Jean-François Colosimo – sorte de journal aussi métaphysique (mais tout de même bien moins salonnard) que celui de Michel Crépu est littéraire – et de Philippe Muray même si la partie purement littéraire de la revue, je l’ai dit avec Nicolas Rey mais aussi Gabriel Matzneff et Yves Charnet, s’avère la plus décevante.

***

Voici une critique rédigée par Luc-Olivier d’Algange sur Saint-Bernard (Éditions Pygmalion-Gérard Watelet, 1998) de Philippe Barthelet.

Le spectacle du monde moderne ne laisse de rendre plus merveilleux les temps où l'esprit se manifestait avec une royauté si naturelle que les circonstances historiques et profanes ne cessaient d'en recevoir l'empreinte et, parfois, d'en être bouleversées. Quel monde étrange et lointain que celui où la parole humaine, dévouée à ce qui la dépasse était entendue avec révérence ! « La connaissance de Dieu, écrivit Saint-Bernard, est la cause que l'homme est quelque chose ». Philippe Barthelet, dans le livre qu’il a publié sur Saint-Bernard, dans la collection Chemins d'éternité dirigée par Olivier Germain-Thomas, précise ainsi le propos : « L'homme n'est que pour autant qu’il connaît Celui qui est. Dans la mesure même où elle est d'ordre supra-individuelle, l'autorité spirituelle est infaillible par définition ».

Faire le récit de la vie de Saint-Bernard, c'est bien autre chose qu'une biographie. Certaines existences sont prédestinées. Or, qu'est-ce qu'une prédestination, sinon une victoire sur le déterminisme ? Ces éclatantes destinées, écrivit Bernanos à propos des hommes qui se sont haussés jusqu'à la sainteté et furent transfigurés par elles « échappent, plus que toutes les autres, à n'importe quel déterminisme : elles rayonnent, elles resplendissent d'une éclatante liberté ». Le récit d'une existence prédestinée exige de l'auteur l'exercice à la fois de la vision panoramique et de la vue plongeante. Il faut tenter de rendre compte, en même temps, de l'horizontal et du vertical. Relever ce défi, c'est comprendre les traces d'un cheminement humain comme l'empreinte d'un sceau divin. Philippe Barthelet montre, avec exactitude, que chaque moment de la vie de Saint-Bernard est une victoire sur le hasard. Cette victoire, il importe de nous en souvenir, fut aussi longtemps celle de la Couronne de France. Lorsqu'une vie humaine est haussée à une certaine intensité de ferveur et d'abandon, il peut arriver qu'une conversion du regard change le plomb si lourd et si immobile de l'entendement humain en un or fluant d'entendement divin. C'est à cet instant-là que les signes deviennent Symboles.

Tout est dans le mystère de l'oraison. L'oraison est à la fois prière et parole. La possibilité même de retrouver l'oraison dans l'écriture témoigne de la générosité divine. Nous nous hasardons dans les phrases, portés par une exigence vague et peu à peu la grammaire et l'étymologie nous laissent entrevoir l'Ordre divin. « La Prière est l'échelle de Jacob, écrit Philippe Barthelet, le lien vivant entre tous les mondes ; la prière est la véritable parole de l'homme, que les anges écoutent ».

De cette perspective métaphysique où le Symbole rayonne, Philippe Barthelet, parce qu'il sait construire et orienter son propos, nous porte un témoignage précis, dans la lignée de René Guénon, avec cette exactitude mathématique qui unit le sens des rapports et des proportions avec l'effusion lumineuse du sentiment poétique. Ainsi, à propos du Symbole de la fête des Rois : « La kabbale hébraïque, telle que le Moyen-Age l'a connue, l'ésotérisme chrétien en a sucé le lait et il semble qu'en ce domaine tout ou presque soit à redécouvrir ; beaucoup de rapprochements que l'on se hâte de déclarer fortuits s'y éclaireraient d'une toute autre lumière. On observe par exemple que le lis, en hébreu Havatseleth symbolise la Shekinah ou présence divine et qu'il a la même valeur que le miel, Nöphet, soit 350. Le lis et le miel sont attribué à la Vierge par la liturgie chrétienne, et Saint-Bernard, doctor mellifluusqui fait couler le mielest, par tradition le protecteur des Lis, soit de la Couronne de France, laquelle appartient à Dieu comme l'a rappelé Jeanne d'Arc. Couronne que le roi Louis XIII a consacrée, ou mieux translatée, à Notre-Dame ».

L'intérêt de telles considérations est de montrer que ce qui paraît si lointain, si éloigné de nous par la tristesse étrange du monde moderne, est en même temps fort proche. Non seulement nos villes et nos livres sont pleins de témoignages de la vérité justement orientée mais encore, au cœur de chacun, pour peu qu'il n'eût point été gagné par le nihilisme, demeure quelque ressouvenance et quelque pressentiment d'un élan chevaleresque. « Il est au vrai deux sortes de chevaleries, écrit l'auteur, la terrestre et la célestielle, la chevalerie selon Lancelot et la chevalerie selon Galaad,l'ancienne et la nouvelle, comme il y a selon Saint-Paul le vieil homme et l'homme nouveau. L'ancienne est la chevalerie de naissance et de caste ; elle n'est que la préfiguration charnelle de l'autre, la spirituelle, où tout prend sens et figure véritables [...]. C'est encore la leçon très-oubliée du symbolisme : le sens obvie, banal, technique peut avoir raison, il aura toujours moins raison dans son ordre subalterne que le sens profond, secret, "poétique" si l'on veut, prophétique à coup sûr, qui replace chaque chose particulière dans sa juste perspective, apprend à voir en elle un hiéroglyphe de l'invisible et à déchiffrer l'univers comme un blason de Dieu ».

L'ouvrage donne au chercheur épris de l'art du déchiffrement (qui se distingue du banal dénombrement, comme l'interprétation se distingue de l'explication) des éléments premiers et primordiaux. Notre temps n'est que trop enclin au délire d'interprétation. Il importe désormais de se reporter à l'essentiel. Les plus vastes champs du savoir ne valent que s'ils s'ordonnent et désignent un centre, qui est la Sapience. Le style vient servir la Sapience en donnant à la pensée l'élégance et la précision qui font de la quête de la Vérité une aventure digne d'être vécue. De toutes les aventures humaines, la chevalerie spirituelle est celle qui donne avec le plus d'exactitude au mot orientation sa signification aurorale et libératrice. L'ouvrage s'adresse ainsi au premier titre à celui qui s'interroge sur le sens du passage entre l'histoire et la Légende.

Toute vie prédestinée fleurit dans la Légende. Sa corolle d'or s'épanouit dans le supra-sensible. « Saint Bernard, écrit Philippe Barthelet, a quitté l'histoire pour le conte, quand le conte est devenu le refuge de toute sainteté opérative et médiatrice dans l'ordre temporel. La légende bernardinelegenda, ce qui doit être recueilli, et lua refleuri bientôt dans la Quête du Graal, dont l'auteur anonyme a fait de Galaad le double poétique de l'abbé de Clairvaux, au point que tout le roman peur se lire comme une nouvelle Vita Bernardini dépouillée des contingences de la biographie : non pas recomposition délibérée après coup sous le déguisement de la littérature, ce qui eût permis tout juste de produire un très-piteux roman ; mais infaillible coïncidence de l'allégorie et de l'histoire dans l'unique réalité du symbole ».

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21/06/2004

Le Nom du monde est Forêt d'Ursula Le Guin. Laurent Schang sur Le Retour des caravelles de Lobo Antunes

Crédits photographiques : Fred Turck

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19/06/2004

Aragon sans mentir : entretien Rémi Soulié / Laurent Schang

Crédits photographiques : Prokudin-Gorskii Collection/LOC.

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16/06/2004

Mars la rouge

Crédits photographiques : NASA/JPL/University of Arizona.

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