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16/11/2005

Max Milner et Paul Gadenne ou l'éloge de la nuit

Crédits photographiques : Ulet Ifansasti (Getty Images).

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03/11/2005

Noam Chomsky, l'esprit immonde

Un détail de l'histoire selon les communistes : le génocide du peuple cambodgien


Les poubelles de la Toile sont bien utiles. Voici ce que j'ai pu dénicher dans les commentaires du blog bananier de Pierre Assouline, extraits de presse qui méritent lecture je crois et évoquent l'intellectuel le plus influent du monde selon certain classement inepte. Par une mauvaise foi bien connue des gauchistes de tout crin, encore illustrée par tel récent ouvrage de Perry Anderson et par les lamentables cris de vierge effarouchée que pousse depuis quelques jours notre dolent Parti socialiste, je me livre à une expéditive juxtaposition de plusieurs textes provenant de sources différentes, sans le moindre commentaire ni même, horreur de l'horreur (ou plutôt : leçon élémentaire de toute propagande), la plus petite contextualisation. Scandaleux procédés n'est-ce pas, ma foi jouissifs une fois retournés contre leurs plus habiles utilisateurs, ces irresponsables belles âmes qui mériteraient, une vie durant enfermées dans quelque cachot de la République, de recopier jusqu'à ce que mort s'ensuive (par désespoir ou par empoisonnement du sang, tragique fin de tel moine fanatique du Nom de la rose ?) chacune des virgules de La Fausse parole d'Armand Robin.
D'abord, une plongée, en apnée je vous prie et surtout en se bouchant le nez, dans les archives humanitaires.

L'évacuation de Phnom Penh selon L'Humanité, article du 9 mai 1975 (je rappelle tout de même une date, travestie par les mensonges du quotidien : 17 avril 1975, Phnom Penh tombe aux mains criminelles des Khmers Rouges).

Les agences de presse occidentales déversent des flots de dépêches sur les événements qui se sont déroulés à Phnom Penh depuis le jeudi 17 avril, date de la libération de la ville. On s'aperçoit à leur lecture, que la campagne déclenchée par la presse réactionnaire depuis ce moment et tous les trémolos dont nous ont abreuvés radios, télévision, Aurore et Figaro à propos de la nécessité de rester discrets sur ce qui se passait au Cambodge relevait [sic] d'une vaste campagne d'intoxication, même si certaines mesures prises par les patriotes cambodgiens (évacuation des villes, par exemple) peuvent sembler, a priori et hors contexte de ce pays et de la guerre cruelle qui y a sévi, un peu étonnant pour un Français vivant dans son pays économiquement développé.

Je ne puis résister d'offrir, en vis-à-vis éminemment critique, la Une du Monde du 18 avril 1975, sous la plume de Patrick De Beer.

La ville est libérée [...]. On entend encore des coups de feu dans le centre de la ville, mais l'enthousiasme populaire est évident. Des groupes se forment autour des maquisards [...] jeunes, heureux, surpris par leur succès facile [...]. Des cortèges se forment dans les rues et les réfugiés commencent à rentrer chez eux.

Patrick de Beer, encore lui, le 10 mai dans un article du Monde, retour de ce qu'il a sans doute estimé être, véritablement, en toute bonne foi, le Paradis terrestre, justifie l'isolement du pays et l'expulsion de tous les journalistes étrangers par ces lignes : Pourquoi cette attitude ? Sûrement pas, comme tente de le faire croire l'administration américaine qui se raccroche à sa théorie du bain de sang, pour cacher des horreurs que des sadiques hommes en noir seraient en train de perpétrer. Que celà plaise ou non, les Cambodgiens ont décidé qu'ils ne voulaient plus d'étrangers chez eux [...]. Ils veulent se débrouiller seuls avec leurs propres méthodes [...]. Personne ne peut encore se permettre de juger une expérience.

Ensuite, un article rédigé par Noam Chomsky et Edward S. Herman paru dans The Nation (en date du 25 juin 1977, section Books and The Arts) à propos de la publication de trois ouvrages : Cambodia : Starvation and Revolution de George C. Hildebrand et Gareth Porter (Monthly Review Press, 1976); Cambodge Année Zéro de Francois Ponchaud (Julliard, 1977) et Murder of a Gentle Land de John Barron et Anthony Paul (Thomas Y. Crowell, 1977).
Extraits choisis de l'article en question, les italiques sont des auteurs :

The drab view of contemporary Vietnam provided by Butterfield and the establishment press helps to sustain the desired rewriting of history, asserting as it does the sad results of Communist success and American failure. Well suited for these aims are tales of Communist atrocities, which not only prove the evils of communism but undermine the credibility of those who opposed the war and might interfere with future crusades for freedom.

If, indeed, postwar Cambodia is, as he believes, similar to Nazi Germany, then his comment is perhaps just, though we may add that he has produced no evidence to support this judgement. But if postwar Cambodia is more similar to France after liberation, where many thousands of people were massacred within a few months under far less rigorous conditions than those left by the American war, then perhaps a rather different judgement is in order. That the latter conclusion may be more nearly correct is suggested by the analyses mentioned earlier.

We disagree with Lacouture's judgement on the importance of precision on this question. It seems to us quite important, at this point in our understanding, to distinguish between official government texts and memories of slogans reported by refugees, between the statement that the regime boasts of having killed 2 million people and the claim by Western sources that something like a million have died - particularly, when the bulk of these deaths are plausibly attributable to the United States. Similarly, it seems to us a very important question whether an inhuman phrase was uttered by a Thai reporter or a Khmer Rouge official. As for the numbers, it seems to us quite important to determine whether the number of collaborators massacred in France was on the order of thousands, and whether the French Government ordered and organized the massacre. Exactly such questions arise in the case of Cambodia.

Pour faire bonne mesure et toujours sur le même sujet, on se souviendra des déclarations de Georges Marchais devant le Comité central du Parti communiste, le 29 mai 1975 :

Il s'agit d'une véritable tentative de manipulation de l'opinion utilisant des moyens massifs et les techniques les plus modernes.
Par exemple, la victoire des peuples vietnamien et cambodgien - qui a mis fin à des années de guerre, de massacres épouvantables, au règne de dictatures sanglantes et corrompues - est présentée comme un recul de la liberté. Et cela en ayant recours à un véritable martèlement des esprits, à partir d'images de guerres ou de quelques faits, incompréhensibles en dehors du contexte dans lesquels ils se sont produits.

Enfin, quelques lignes (et l'intégralité du texte) commentant un rapport a priori impartial remis le 22 février 1999 par un groupe d'experts au Secrétaire général des Nations unies.

Pour ce qui est du contexte historique, le rapport fait état de ce qui suit : les atrocités commises entre 1975 et 1979 n'étaient en général pas les actes isolés de tel ou tel responsable, mais elles étaient plutôt le résultat d'une politique délibérée du Parti communiste du Kampuchea; le régime avait entrepris une révolution absolue et unique en son genre, qui visait à abolir toutes les institutions économiques, sociales et culturelles existantes, à extirper toute influence étrangère et à transformer la population entière en une main-d'œuvre collective, forcée de travailler à un rythme intensif dans le but de développer la puissance économique du pays; le régime a mené une action impitoyable contre tous les éléments soupçonnés d'hostilité au nouvel ordre; les formes d'abus comprenaient les déplacements forcées des personnes, y compris l'évacuation par la force de toutes les villes du Cambodge, le travail forcé et des conditions de vie inhumaines, une vie communautaire organisée de façon à éliminer les structures familiales traditionnelles, des attaques contre les ennemis de la révolution (les responsables du régime précédent, les minorités ethniques, les enseignants, les étudiants et les autres éléments instruits, les dirigeants religieux et les institutions religieuses), et les purges au sein du Parti communiste du Kampuchea visant des membres accusés d'être des agents de la CIA, du KGB ou du Vietnam.

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02/11/2005

Séjours à la campagne ou la manière noire de W. G. Sebald

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Photographie (détail) de Juan Asensio.

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31/10/2005

V'Ger

Crédits photographiques : NASA/JPL/University of Arizona.

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29/10/2005

Dans la gorge de l'ombre, par Lucien Suel

Francisco de Goya, Mala noche, gravure extraite des Caprices, 1799

A propos du livre de Juan Asensio, La littérature à contre-nuit.
Lucien Suel, Notes de lecture, mars - septembre 2005.


Avant toute chose, j’aimerais dire les circonstances qui m’ont amené à rédiger ces notes à propos de l’ouvrage de Juan Asensio. Depuis plus de trente ans, mes influences littéraires majeures forment un ensemble additionnant Léon Bloy et Jack Kerouac, Georges Bernanos et William Burroughs, Philip K. Dick et Kurt Schwitters, Joris-Karl Huysmans et Raymond Chandler, mélange qui peut paraître hétéroclite mais que j’assume avec plaisir.
Mon isolement relatif au fond d’une campagne française me laissait imaginer qu’à la vérité, peu de gens partageaient avec moi ce cocktail capiteux. Ces dernières années, au moins deux événements m’ont heureusement détrompé. Ce fut d’abord la découverte de l’œuvre en construction de Maurice G. Dantec à partir des Racines du mal, jusqu’à Villa Vortex, en passant par son Journal métaphysique et polémique, une œuvre qui brasse également un flot d’influences diverses pour en faire une pâte singulièrement nourrissante. Je me souviens de mon heureux étonnement en voyant Maurice G. Dantec découvrir Léon Bloy dans Le théâtre des opérations, premier volume de son journal, découverte se métamorphosant pour l’auteur, en véritable engouement, voire fascination, dans le deuxième volume, Le laboratoire de catastrophe générale, jusqu’à ce que le Vieil Imprécateur devienne pour finir un des personnages de son roman Villa Vortex. Un ami qui rédige aujourd’hui sur Internet les Chroniques de l’inutile avait attiré mon attention sur un compte rendu de Villa Vortex rédigé par Juan Asensio. Et là intervient le second événement, la rencontre sur Internet d’une communauté de lecteurs et d’auteurs partageant influences et admirations similaires aux miennes. Le blog littéraire de Juan Asensio, avec ses articles et ses liens, me fait vivre une nouvelle expérience, m’ouvre d’autres portes. Depuis plus d’un an maintenant, j’ai appris à lire sur un écran, mais je suis toujours heureux de tourner les pages de papier et de humer l’intérieur des livres.
Me voici donc occupé à rédiger ces lignes sur un livre qui parle d’autres livres, à écrire noir sur blanc sur noir sur blanc.
A contre-jour, l’ombre est devant, la lumière est derrière. A contre-nuit, l’objet est éclairé, c’est la nuit qui est derrière. Le dévoilement se fait sur un fond de noirceur, sur le fond du mal. Lisant La littérature à contre-nuit, je réagis, j’approuve, je me questionne mais aussi je m’approprie les phrases de Juan Asensio. J’ai lu ce livre entre mars et septembre. Cela peut sembler une longue période, mais c’est que je pratique deux formes de lectures, comme en électricité, la lecture en parallèle (1) et la lecture en série (2). J’ajoute que comme tout bon livre, La littérature à contre-nuit m’a donné des envies de lecture, de relire Joseph Conrad et William Faulkner et de connaître l’œuvre d’Ernesto Sabato.

Le projet est de travailler à dissiper la nuit, détruire la nuit, me souffle en parallèle Michel Ciry. J’ai appris dans ma jeunesse que parfois, la nuit se manifeste en plein jour, à trois heures de l’après-midi. Juan Asensio, lecteur au service des lecteurs, pour parodier le slogan des Électriciens de France, dirige l’éclairage sur quelques auteurs, Joseph de Maistre, Joseph Conrad, Paul Gadenne, Ernesto Sabato, Georg Trakl, Georges Bernanos et Ernest Hello. Ce n’est bien sûr pas un nouveau brelan d’excommuniés, je sais compter, mais il ne m’étonne pas de trouver là des maîtres et des disciples devenus à leur tour maîtres, mais souvent ignorés par une majorité de lecteurs. Ernest Hello figurait déjà dans le Brelan d’excommuniés de Léon Bloy. Il est intéressant de se souvenir que dans l’édition Pauvert de Belluaires et porchers, le brelan était devenu une paire, Barbey d’Aurevilly et Paul Verlaine, le malheureux Ernest Hello étant excommunié une fois de plus... Merci donc à Juan Asensio de lui redonner un peu de lumière, de vraie lumière, pas cette mauvaise lumière de la télévision qui est le véhicule nouveau du démoniaque (3), agent du contrôle nova (4), propagatrice des mots-virus (5). Le langage s’attaque à la parole. Il faut répondre à l’assaut, ne rien céder, c’est l’obstination qui sauve, l’obstination, un autre nom pour l’espérance. Ernest Hello encore, en 1872 : «La Parole est un acte. C’est pourquoi j’essaye de parler.»
Depuis mes premières lectures de William Burroughs, notamment Junkie et Les Lettres du yage, je fréquente plus volontiers les évidences du béhaviourisme que les écoulements de la psychanalyse. Je regarde aussi l’infini dans le microcosme, en étant attentif au ver de terre, au pouillot véloce, à l’éclat de silex noir et blanc. Les plus petites choses méritent la contemplation. C’est la nature qui me donne la parole. Ceux qui me connaissent un peu savent que j’écris dans et sur le jardin, grave dans la terre, sur la terre. Le jardin de mon enfance, de mon innocence était celui d’Éden. Le monde actuel est l’ennemi de l’enfant et du pauvre. La période est courte pour gambader dans le jardin d’Éden. La perte de l’innocence intervient de plus en plus tôt. On appelle cela précocité. A force de vivre dans un présent figé comme le rictus des bonimenteurs médiatiques, on finit par oublier l’existence de l’entropie. Comment lutter contre quelque chose dont on ignore, volontairement ou non, l’existence ? Je sais que le monde est un langage, une parole. Je préfère croire que tout est signe de tout. Ce n’est pas encore la Pentecôte, mais de vrais nuages s’éclairent de rouge à l’ouest. En clignant des yeux, je peux voir la Nouvelle Jérusalem descendre du ciel entre les pales des éoliennes. Mouchette flotte à la surface de l’étang, les yeux ouverts, levés vers la même vision, autre chose qu’un flux de méga-octets transitant dans l’espace entre deux boîtes de plastique métallisé.
Je flotte dans le vide assourdissant de la cacophonie. L’oracle des ondes crachouille. Il est ce qu’il prononce, le plus souvent, un flot de vomissures. Satan parle, la bouche d’ombre vagit. Il y a identité entre être et parole, entre faux-semblant et langage. Le langage est infecté à l’origine. Le virus est l’autre nom du péché originel. Écoute, petit homme : le barbare est devenu médiocre, le sauvage est devenu terne. Oui, Satan radote ; c’est le non-langage, l’épidémification, le nihilisme, la nullité revendiquée ou non, celle que Pierre Jourde fustige dans La littérature sans estomac (6) avec le renfort de René Girard concernant l’écriture blanche (7).
Pour Joseph de Maistre, ce n’est pas seulement le langage qui est malade, mais l’homme entier qui n’est qu’une maladie. William Burroughs déclare que son pays était déjà vieux et malade avant même l’arrivée des Indiens. L’esprit du mal est à l’oeuvre, pétrifiant les consciences incapables de tendre vers un ailleurs et un autre, figées dans le froid l’ennui le vide. L’ennui, une autre joie dépourvue de grâce, est l’autre nom du désespoir, une préfiguration terrestre de l’enfer. Le sacré a été retourné comme un gant. Juan Asensio affirme : «Sans Dieu, l’homme n’est rien de plus qu’un bavard qui s’ennuie». La langue est détruite par le mensonge de la propagande. Là où Jacques Ellul voit le règne de l’image toute-puissante humiliant la parole, Juan Asensio juge que la dégénérescence du langage est à l’œuvre intrinsèquement. Il y reviendra avec le personnage de Bernanos, Monsieur Ouine, personnification du mal abouti.
La liste sans fin des noms des jeunes gens abattus par dizaines de milliers entre 1914 et 1918, gravés sur les pierres de la Porte de Menin à Ypres est un des premiers poèmes de la douleur et du désespoir du siècle dernier. Impossible de visiter ce lieu, d’effleurer tous ces noms sans être saisi par l’horreur. Georges Bernanos et Paul Celan, entre autres, sont les témoins à charge de ce crime et de ceux qui suivirent. La parole désespérée débouche sur le silence définitif.

Je pense à Barbey d’Aurevilly disant qu’après A rebours, Huysmans n’avait le choix qu’entre le revolver et le pied de la croix. Aujourd’hui, cent ans après, il n’aurait plus le choix (8). D’ailleurs, Georges Bataille, aussi bien que Pierre Klossowski, tous deux un moment tentés par le sacerdoce, n’ont pas succombé à la tentation. Ne parlons pas de Maurice Sachs ou d’Ernest de Gengenbach. En revanche, voici ce que Hugo Ball, l’un des fondateurs de Dada, initiateur du Cabaret Voltaire à Zürich en 1916, déclarait à Hambourg, dans un discours prononcé le 1er juillet 1920 : «Tirons la leçon de notre défaite. Nous avons vécu sous le règne de Satan. Nous pouvons croire à nouveau que le démon existe. Nous l’avons vu à l’œuvre. Faisons maintenant de l’Allemagne un pays de Dieu. Il nous suffit de prendre le contre-pied de tout ce que nous avons vu à l’œuvre autour de nous. Voilà ma conception de la reconstruction.» Les conseils de Hugo Ball (9), aussi bien que ceux de Georges Bernanos dans Les Enfants humiliés, sont restés lettre morte (10). «L’Illumination, c’est fini. Ce que nous vivons maintenant, c’est la Dés-Illumination» (11). Et Juan Asensio me présente L’ange des ténèbres de Ernesto Sabato. Je le sens plus proche de moi que le sinistre Cthulhu de Lovecraft. L’ange se penche vers moi, regarde la page. J’ai perdu la grâce de l’enfance mais je veux bien essayer d’écrire un Jugement Dernier, voire une Apocalypse romancée pour mes enfants et petits-enfants. Je peux mixer L’Obsolescence de l’homme de Günther Anders avec des fragments de la trilogie Matrix. Le désespoir est rivé à la «possibilité» de la grâce, la possibilité d’une île. Le battement du sang dans mes artères me rappelle d’où je viens, ma provenance lointaine et sacrée. Il s’agit de réintroduire le mystère dans la littérature. Je me souviens de ce que Claude Louis-Combet disait, concernant le rejet catégorique de la religion par André Breton, comment les surréalistes avaient ignoré tout un pan du merveilleux, du sacré. Nous avons réduit le monde en pièces (12). Aujourd’hui, la parole souffle sur notre poussière (13) et l’évidence de la beauté se tient dans la simplicité. Le bleu-Trakl que j’utilisai dans mes précédents livres (14) est devenu un bloc de noirceur obstruant la gorge du poète. Même avec les yeux crevés, le chant reste un croassement.

Monsieur Ouine, Madame Ebola, le mal, l’horreur, un duo, une litanie pour notre temps. Monsieur Ouine, le personnage de Georges Bernanos est ici analysé, disséqué magistralement par Juan Asensio. L’écriture de Monsieur Ouine fut le combat de Bernanos avec l’Ange, le second du programme, après celui de Donissan et du maquignon dans Sous le soleil de Satan. Dieu est mort, il n’y a même plus la possibilité d’une seconde d’innocence absolue. Monsieur Ouine, c’est le mal. Monsieur Ouine, c’est le froid éternel de l’enfer. Monsieur Ouine, c’est l’ennui. Monsieur Ouine, c’est le néant (15). Mais Juan Asensio ajoute que c’est un néant trompeur. En effet, «l’homme n’est pas la victime résignée mais la bête volontaire, le partenaire de Satan». D’un point de vue littéraire, c’est le mal qui provoque le brouhaha et la confusion dans l’écriture. Seuls, ceux qui respectent la tradition peuvent s’autoriser les audaces les plus inouïes. Juan Asensio a raison de pointer l’insignifiance des productions des nains littéraires du nouveau roman en regard du roman de Bernanos. Monsieur Ouine exprime toute la civilisation depuis la Renaissance (ce terme est-il vraiment approprié ?). Dans la crise du langage, le sens des mots s’est inversé (16). Au commencement était le Verbe [...] et le Verbe était Dieu, s’il n’y a plus de Dieu il n’y a plus de Verbe.
La littérature à contre-nuit se termine par un long développement sur Ernest Hello et l’urgence de la parole. Ernest Hello ! Bonjour l’espérance ! Je vois le jeune Georges Bernanos, dans son collège d’Aire-sur-la-Lys, lisant avec un grand sérieux les phrases de L’Homme. Oui, la beauté est dans la simplicité. Ernest Hello et Arthur Rimbaud meurent la même année et Juan Asensio nous invite à un détour par le désert, par le silence du désert que l’adolescent de Charleville a cherché. Mais on ne part pas, le désert se multiplie par lui-même et l’Éden est perdu. Le silence est le verbe du désert. C’est l’or qui s’oppose au silence, l’or qui glapit en lettres lumineuses au sommet des tours, sur les affiches de la propagande publicitaire, sur tous les écrans de la virtualité, l’or qui est le sang du pauvre. Les pierres ne seront pas transformées en pain mais les mots, eux, sont du pain ou du poison. La lumière est la splendeur du monde visible. La parole est la splendeur du monde invisible. Il reste à reprendre l’offensive pour dégager les mots profanés, les arracher à l’homme médiocre, l’homo festivus d’aujourd’hui en apesanteur dans un présent indifférencié, un néant d’où naît l’ennui d’où naît le désespoir. Il reste à graver, à marteler une écriture noire, à se frayer un chemin vers la rédemption par la langue.

La Tiremande, septembre 2005.

1) Mes lectures en parallèle durant la même période : La parole humiliée (Jacques Ellul), Détruire la nuit (Michel Ciry), Choke, Berceuse (Chuck Palahniuk), La littérature sans estomac (Pierre Jourde).
2) Mes lectures en série de la même période : Sunset Limited (James Lee Burke), Entretiens avec Raymond Abellio (Marie-Thérèse de Brosses), La poésie en string (Jean-Marc Baillieu), Un drôle de pèlerin (Elmore Leonard), Celle qui pleure (Léon Bloy), L’oiseau de paradis (James Purdy), Takfir sentinelle (Lakhdar Belaïd), La solitude du manager, Meurtre au comité central (Manuel Vasquez Montalban), Le jeu du chien-loup, Une proie en hiver, La proie de l’instant (John Sanford), Le silence inutile (Lambert Schlechter), L’homme qui souriait (Henning Mankell), De Marquette à Vera-Cruz (Jim Harrison), La source chaude (Thomas Mc Guane), Gone, baby gone, Un dernier verre avant la guerre (Dennis Lehane), Déviances mortelles (Chris Mooney), L’enfant du silence (Abigaïl Padgett), Ce que je crois (Jean Delumeau), Rimes de joie (Théodore Hanon), Sarinagara (Philippe Forest), Ça sent le brûlé (John Lutz), Revanche, Une balle dans la tête (Dan Simmons), Brûlé (Leonard Chang), Chant pour Jenny (Staffan Wasterlund), Rites de mort (Alicia Gimenez Bartlett), L’homme chauve-souris (Joe Nesbo), Chroniques, volume I, (Bob Dylan), Mea culpa (Louis-Ferdinand Céline), Tchadiennes (Daniel Boulanger), Deuil interdit (Michael Connelly), Meurtre à la sauce cajun (Robert Crais), L’insurrection de Cronstadt et la destinée de la révolution russe (Ante Ciliga), Les neiges bleues (Piotr Bednarski), La simple vérité (David Baldacchi), Le bonhomme de neige (Jorg Faüser), Tokyo (Mo Hayder), Le papou d’Amsterdam (Jan Van de Wetering).
3) Dans La part du diable (Gallimard, 1946), Denis de Rougemont a donné un bel exemple de la ruse ultime de l’ennemi, celle qui consiste à faire douter de son existence.
4) 24 octobre 2004, Bordeaux, 1H30 du matin. En rentrant à l’hôtel, je jette un œil au mur de la caverne de Platon. Je tombe dans le «toc chaud» de Thierry Ardisson, un aréopage pérorant d’humoristes auto-proclamés, arrogants et sûrs de connaître la vérité ultime sur le destin et la manière de vivre de l’humanité. Le meneur de jeu au masque de cire, espace de statue funéraire au regard vicieux, donne la parole à Philippe Val, le rédacteur en chef inamovible d’un organe libéralo-conformiste. Je suis édifié par le visage dur, lisse et glacé de ce moraliste à rebours qui énumère les lieux communs les plus convenus. Tous ces gens se congratulent. Ils sont les nouveaux maîtres à penser. J’éteins le poste et les rejette dans leur nuit.
5) Voir William Burroughs, Entretiens avec Daniel Odier (Belfond), 1969.
6) La littérature après avoir perdu l’âme et le souffle a maintenant perdu l’estomac.
7) «Comme l’avait bien vu René Girard, l’écriture blanche n’est que du romantisme dégradé : L’esthétique du silence est un dernier mythe romantique. [...] Dix ans ne passeront pas avant qu’on reconnaisse dans l’écriture blanche et son degré zéro des avatars de plus en plus abstraits, de plus en plus éphémères et chétifs des nobles oiseaux romantiques. Ils ne veulent pas la solitude, mais qu’on les regarde en proie à la solitude. Ils ne choisissent le silence que comme marque d’honorabilité littéraire, l’insignifiance n’est chez eux qu’une ruse de l’impuissance, qui l’utilise comme apparence d’un sens mystérieux», Pierre Jourde, La littérature sans estomac (Presses Pocket, coll. Agora), pp. 195 et 196. Un peu plus loin, p. 333, Pierre Jourde parle de l’idiotie revendiquée de Valère Novarina, comme perspective d’un dépassement du couple affirmation-négation. Pour lui, «l’étrange réalisme de Novarina est le miroir du réel : son théâtre représente le monde à l’envers». Après tout, en ce siècle, cela est peut-être proche de l’affirmation de saint Paul dans la Première épître aux Corinthiens, souvent citée par Léon Bloy : «Nous voyons maintenant, à travers un miroir, en énigme. Mais alors, nous verrons face à face».
8) «Parfois, dit et renifle Denny, c’est comme si je voulais être battu et puni. C’est pas un problème s’il n’y a plus de Dieu, mais je veux quand même continuer à respecter quelque chose. Je ne veux pas être le centre de mon propre univers», in Choke de Chuck Palahniuk (Gallimard, Folio Policier n° 370), p. 106.
9) Voir aussi Hugo Ball, La fuite hors du temps, Journal 1913-1921 (Editions du Rocher), 1993.
10) Sauf peut-être pour Maurice G. Dantec qui se coltine tout cela dans Cosmos Incorporated (Albin-Michel).
11) Choke, de Chuck Palahniuk (Gallimard, coll. Folio Policier n° 370), p. 136.
12) Choke, p. 153.
13) Titre de l’essai que Juan Asensio a consacré à l’œuvre de George Steiner (L’Harmattan).
14) Sombre ducasse (épuisé), Canal Mémoire, Marais du Livre Éditions.
15) «Monsieur Ouine est partout ! Monsieur Ouine est partout ! Monsieur Ouine se porte bien ! Il est le ressuscité des ordinateurs, les robots qui ne disent plus rien d'autre que oui non oui non oui non oui oui non non, qui marchent aux pas des lois : un deux un deux un deux un droite gauche droite gauche ! Logiciel, ça s'allume et ça s'éteint.» L. S., in Canal Mémoire.
16) Voir l’ouvrage de Arnaud Aaron-Upinsky, La tête coupée (Éditions Le Bec, 1998) et aussi, de Dimitri Panine, Théorie des densités (Éditions Présence), 1990.

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25/10/2005

Monsieur Ouine de Georges Bernanos

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Photographie (détail) de Juan Asensio.

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23/10/2005

Manhunter

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Crédits photographiques : Michael Mann, Manhunter (1986).

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22/10/2005

Ecce Nunc

Le plus récent numéro de la revue Nunc

Qu'est-ce qu'une revue ? J'éviterai peut-être toute banalité en affirmant qu'il s'agit, d'abord, d'une vision et, accessoirement (même si je sais, oui, le poids, la glu, la dévoration des milliards de petites lamproies quotidiennes), des moyens offerts à cette vision de se concrétiser, de se montrer. Ainsi, a contrario, il est tout de même facile d'affirmer ce qu'une revue n'est pas ou ne doit pas être : une collection d'articles, bien souvent de seconde main, commercialement assemblés, pour le contentement du plus grand nombre, contentement frelaté qui se paie, et cher je vous prie. De ce postulat, la revue véritable tire sa singularité : elle est aussi, elle est d'abord un bel objet, une rareté, mieux, une singularité. Si la vision est unique et rare, de même la revue qui, en aucun cas, ne saurait être bibelot de fête foraine, que quelques passants décident de s'offrir, moyennant tout de même rétribution sonnante et trébuchante, attirés par la voix suraiguë de la poissonnière. J'accepte de payer un bel objet le prix qu'il a coûté, j'accepte en tout cas de le payer au prix fixé, et cela sans broncher puisque de toute façon l'âme infusant les pages n'est point monnayable mais je refuse d'acheter une simple coquille vide, reproduite à des milliers d'exemplaires, d'où l'âme ne subsiste même pas à l'état de trace.
Il est ainsi tout simplement inadmissible que la revue que Joseph Vebret dirige, Le Journal de la culture, laquelle n'offre, la plupart du temps, que des pièces rapportées que de toute façon leurs auteurs finiront tôt ou tard par mettre en ligne, coûte près de 20 euros. Payer une somme tout de même élevée pour lire, entre autres perles de vulgarité contente d'elle-même (caractéristique de la vulgarité qui toujours s'auto-contemple), les élucubrations spongieuses d'un Montalte sur tel nanar absolument incompris de la critique, voilà qui est du plus haut comique...
Reste que quelles que soient, je l'ai dit, les inévitables compromissions (évidemment, d'abord, commerciales mais il y en a d'autres...), la grandeur d'une revue est de tenter de reconquérir le statut de l'objet encore auréolé de son prestige que Walter Benjamin s'efforça, sa vie durant, de retrouver dans certaines œuvres d'art, dans la furtivité essentielle des passages parisiens, d'une poésie de l'éphémère magnifiée par Baudelaire ou dans l'assemblage savant, secret, des collectionneurs, des bibliothèques aussi, puisque toute bibliothèque est la trace remarquable d'une bizarrerie de l'humeur et de l'âme de son propriétaire, en clair : une monstruosité.
La Contrelittérature, dirigée par Alain SantacreuJe connais trois magnifiques revues : Conférence (dirigée par Christophe Carraud) qui, je l'ai écrit dans la Zone, m'a beaucoup déçu par l'indigence de certains de ses textes d'auteurs contemporains. Lorsque l'on évoque Pétrarque, saint Augustin, Günther Anders ou Maria Zambrano, on n'ouvre point, par lamentable copinage, ses belles pages à de petits auteurs de textes rimailleurs et indigents. Il y avait aussi (déjà le passé avant, peut-être, sa renaissance, ailleurs que chez A contrario) la monstrueuse et fascinante Sœur de l'Ange de Matthieu Baumier. Il y a enfin Contrelittérature créée par Alain Santacreu, à l'actualité riche puisqu'un livre vient de paraître (aux éditions du Rocher) qui regroupe différentes contributions consacrées à l'essence contrelittéraire des arts. A présent, voici Nunc, magnifique revue (présentée par un site très laid que l'on espère simplement informatif), que dirigent Réginald Gaillard et Franck Damour avec lesquels j'ai échangé quelques mots, samedi soir sur le stand convivial de Contrelittérature, au Salon de la revue littéraire. J'ai évoqué avec Réginald, en quelques trop brèves phrases hélas, les efforts fournis par sa poignée d'amis (comme toujours, une revue est d'abord, pardonnez-moi la comparaison disgrâcieuse, un oignon : au fil du temps, les pelures superficielles disparaissent pour découvrir le noyau véritable, qui lui-même sera stable ou instable, se désintégrera ou pas...), tel auteur d'importance présent au dernier numéro, le huitième, Jean-Louis Chrétien auquel il y a maintenant bien longtemps j'avais proposé de participer à ma propre revue, Dialectique, et qui refusa cette participation pour d'indignes raisons (disons-le : ridiculement et prétendument politiques, notre penseur éminent s'imaginant sans doute tomber dans quelque piège tendu par l'horrible infréquentable que je suis et reste...).
Les lecteurs habitués de Jean-Louis Chrétien ne découvriront, dans les pages qui lui sont consacrées (dans la rubrique intitulée Shekhina), rien qu'ils n'aient su de longue date après avoir lu le crépusculaire Lueur du secret (L'Herne, 1985) par lequel je découvris l'auteur, L'inoubliable et l'inespéré (Desclée de Brouwer, 2000) dont la lecture m'aida (avec d'autres, Gadenne, Kierkegaard) à surmonter telle épreuve ou encore, ouvrage remarquable, L'arche de la parole (PUF, 1998). En revanche, celles et ceux qui ne savent rien de Chrétien trouveront de quoi nourrir de belles interrogations grâce aux différentes études regroupées dans ce même dossier (au demeurant parfaitement pensé) dont la plus intéressante me semble être celle de Catherine Pickstock intitulée La poétique cosmique de Jean-Louis Chrétien.
Je termine enfin par l'article qui eût pu être intitulé Archéologie sacrée du signe, en fait un passionnant entretien mené par Nunc au sujet du livre d'Irène Rosier-Catach intitulé La parole efficace. Signe, rituel, sacré (Seuil, 2004).

L'existence, toujours fragile rappelons-le, d'une revue telle que Nunc est l'un des rares témoignages écrits de la survivance, dans notre merveilleux pays oublieux de tout et d'abord d'une tradition de culture, de savoir et de poésie qui se forgea souvent dans de précieuses et éphémères revues, d'une pensée qui ose et, osant, n'a pas besoin de la criaillerie publicitaire.

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19/10/2005

Asensio tient le couteau, ou contre Jorge Semprún

Photographie (détail) de Juan Asensio.

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17/10/2005

Anus mundi virtuel


Longues heures, le regard perdu, douloureux, sirotant un verre de rouge plus qu'épais, à lire, à tenter de lire ce que la Toile offre de criardes nullités jetées au vide virtuel, sitôt avalées, sitôt digérées puis expulsées : phocomèles paroles de putes esseulées allumant l'écran à défaut d'un mâle qui calmerait leurs ardeurs et parviendrait même, rêvons un peu, à les empêcher d'écrire, discrètes forfanteries accumulées pour nuls yeux experts de jésuite, pituitifs orgasmes qu'alimentent de pieuses connasses ouvertes comme des outres que la première idée imbécile remplira jusqu'à menacer de crever, verroteries d'argumentations plus versicolores que la dague d'un mamelouk qui ne s'enfoncera jamais dans le secret humide et poisseux d'une chair.
Abandonne toute espérance, lecteur, puisque te voici emprisonné dans l'enfer de ce qui n'est pas. Oui, comme il est vrai que «La post-humanité blogue en crevant» et que, pour quelques réussites que je ne manque jamais de saluer (comme les textes, désormais familiers à mes lecteurs je l'espère, de Dominique Autié et de Juan Pedro Quiñonero), tout le reste est une vaste comédie, une farce abjecte gainée par et dans les mailles du Réseau, comme une dinde géante qui aurait oublié son essence (de) volatil(e) et nous rejouerait, la poésie insurpassable en moins, la pantomime grotesque de l'albatros que moquent les matelots. Et que fait, même, l'un des plus doués, Olivier Noël, qui dans sa réponse rusée et torve au texte de Dominique Autié et au mien, ne décide ni ne tranche mais crucifie la Zone au pied d'une aporie évidente, je veux dire, que je ne songe pas un instant à contester ? Ainsi : «Domaine infra-verbal pour Juan Asensio, univers de la furtivité pour Dominique Autié, la Toile, ce schizo-monde infernal peuplé de simulacres, ne saurait en effet relayer la moindre parole solitaire sinon pour la broyer sans état d’âme et à son insu. La Zone elle-même, qui se voudrait pourtant telle, a surtout réussi – les anticorps de la Matrice sont désormais trop puissants – à traîner dans son sillage son cortège de commentaires dégénérés, cellules métastatiques dont la prolifération exponentielle menace de submerger le monde sensible qui les a vu naître, comme si l’Univers, après s’être étendu, s’auto-dévorait jusqu’à n’être plus qu’un non-point de densité infinie – anus mundi sans la moindre dimension. La Zone, plus que tout autre territoire du blogomphalos, contribue ainsi, malgré la foi inébranlable qui anime son créateur – mais pour combien de temps encore ? –, à l’irréversible entropie qui frappe non seulement le média lui-même, mais encore ses utilisateurs. Autant vociférer dans un désert éternel en effet : du cyberespace ne saurait naître qu’une déhiscence de la Technique, gris acier, à laquelle l’homme, cet animal pathétique, ne serait plus indispensable». Consumatus est avais-je envie d'ajouter, ne me dissimulant pas la portée blasphématoire de ce propos appliqué au règne du multiple, du pluriel indifférencié, du grouillant qui caractérise, depuis la nuit des temps, la surrection du démoniaque (1).
L'ironie seule peut-être, et le ton du pastiche nietzschéen empêchent qu'à leur tour, ces quelques lignes d'Olivier procrastinant une réponse réelle à notre débat ne sombrent dans le vortex tourbillonnant et, leur auteur lui-même l'affirme, dans l'anus mundi qui, nous pouvons le craindre, ne débouche comme une espèce monstrueuse de trou blanc sur un univers surplié au nôtre, inscrit dans son recès le plus secret, comme son avers. Mais peut-être qu'alors ces habitants de l'outre-monde sont les seuls capables de transformer la boue en or, de sauver, en somme, ces phrases ironiques et cruelles (d'abord pour son propre travail) d'un homme, comme il a dû lui-même l'écrire quelque part, moins hanté par le rêve sot d'une surhumanité que par celui d'un âge d'or non point retrouvé (cette chimère de tous les mystiques ratés mâchonnant leur bâton de réglisse ésotérique) mais conquis de haute lutte.

(1) : je suis en train de lire, dans Trois fureurs (Gallimard, 1988, pp. 72-126), la longue étude que Jean Starobinski a consacré au cas, canonique si on veut, du possédé de Gérasa rapporté par l'évangéliste Marc (V, 1-20).

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15/10/2005

De Roux le provocateur, Hallier l'imposteur

Crédits photographiques : Doug Van de Zande (Raleigh, North Carolina, Smithsonian.com).

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13/10/2005

Actualité ou inactualité de Max Scheler, par Francis Moury

Photographie (détail) de Juan Asensio.

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08/10/2005

La chair est triste, hélas... : sur Alina Reyes


Je m'accuse, publiquement, d'avoir déshonoré la Zone en acceptant d'y publier, et ce par deux fois, des textes ridicules, ampoulés, mêlant sans force ni talent méditations bibliques loufoques et érotisme ludique, d'Alina Reyes. Car il n'aura fallu qu'une poignée d'échanges directs, violents, sans la moindre concession de ma part à quelque sotte proclamation de bonheur de midinette et de vie d'artiste, pour que se révèle, sous l'apparence douce et timide, le visage véritable de notre romancière polygraphique et, elle n'aime pas le mot qui la cantonne comme une professionnelle de la chair, pornographique. Et dire que, par souvenir lointain de certaine émotion coupable, à la lecture, dès sa parution, du fameux Boucher, j'avais décidé de ne point dire à cette dame charmante ce que je pensais, réellement, de ses petites dégoulinades traduites, se fait-elle une fierté de nous le rappeler, en trente-huit langues dont le moldavo-tchétchène, histoire que les fous de Dieu, combattants d'une juste cause et goûtant tout de même la vie placide du bivouac guerrier, n'ignorent plus rien de la double pénétration, fût-elle repoussée je vous prie, héroïquement, pendant six nuits et en guise de cerise acidulée de la septième et dernière, par quelque bourgeoise parisienne en mal d'aventures, rejouant le drame plat d'une Création sans naissance mais avec éruption de douloureuses hémorroïdes...
Alina, donneuse de leçons (de choses bien sûr) sous vos airs de n'y point toucher, leçons applicables aux autres mais que vous vous gardez bien, n'est-ce pas, d'infuser dans vos propres textes, dès fois que leur bavardage serait, immédiatement, réduit en poussière, voilà bien le masque de cette écrivaine de monomaniaque penchant qui ne parvient pas, nous dit-elle, à faire publier son manuscrit de réflexions personnelles, on se demande bien pourquoi. Peut-être, chère madame, parce que nul tenancier de gargote ne se risquerait à servir une telle soupe où les ingrédients sont jetés, pêle-mêle, par une cuisinière peu regardante. J'ai il y a quelques mois, ici même, servi deux gamelles de semblable potage, depuis vidées dans l'évier (pardonne-moi, LKL, d'avoir ainsi supprimé tes dessins), m'étant avisé, en les goûtant du bout des lèvres, qu'ils étaient, si je renifle leurs grumeaux théologiques, de très peu de farine et, considérant cette fois leur écriture, de bien maigre substance, quelques croûtons à peine, flottant comme des bouchons sur une tambouille saumâtre. Peut-être encore, chère madame, ne parvenez-vous point à faire lever cette pâte parce que vous avez laissé votre petit-œuvre érotique se nicher, comme un ténia foreur, dans les surplis les plus secrets de carnes mille et mille fois retournées sans veiller à donner à cette écriture quelque repos, quelque solidité, quelque densité : un peu d'air, oui, un peu d'air pour le long ver des profondeurs les plus sales de notre pauvre corps.
Artiste (elle me l'a répété suffisamment, la bouche fière : je suis une artiste, et ne manque jamais une seule occasion de le répéter à ses benoîts lecteurs...) ou plutôt artisane, puisque chacun de ses romans, gage de qualité et de sincérité prétendument rustiques, est le fruit d'une parturiente douloureuse, de quelques mauvais livres inoffensifs qui n'auront pas même provoqué, sur l'océan immense qu'est la seule littérature érotique, plus que l'infime frémissement d'une patte d'éphémère, Alina se veut ouverte, béante même mais... Attention cher ami, ne vous méprenez pas, ne vous jetez pas dans cette béance trompeuse, l'ouverture, comme tout ce qui n'existe qu'en simulacre, a un prix, la largesse a tout de même un empan, celui-là même qui vous permet de mesurer votre souveraine tolérance au fait de vivre dans un quartier à la mode qui, probablement, a vue directe, depuis le balcon mais ce n'est déjà pas si mal, sur la misère habituelle, tragiquement habituelle des rues de Paris. Cette misère heureuse du prétendu artiste qui, sans être vécue (car alors, banal tout de même : point d'écriture), vous permet toutefois d'écrire des livres qu'aucun clochard, fût-il ancien lecteur et amateur frustré des enfantillages amoureux, n'aura même l'idée de consulter pour y humer l'air éditorial du temps. Alors, rien de plus me direz-vous que ce boudoir de nonchalance bohème dans lequel l'acéré et pâle Laclos eût tremblé de rage de se laisser emprisonné, rien de plus que cette imposture placide qui aurait provoqué, chez le dangereux spartiate de la luxure qu'était Bataille, une grimace de mépris ? Non, rien de plus mais après tout me dira la belle, qu'importe la taille de la lucarne cerclée d'or consensuel, si l'on peut y contempler, niellée de paillettes, la crasse sereinement mise à distance, l'exacerber même par l'écriture de romans qui jetteront une deuxième fois les pauvres dans la rue et les confineront dans les latrines de leur propre misère sexuelle, comme disent les journalistes ? Vous n'écrivez donc point, Alinartiste, vous répétez la même chansonnette à quatre notes facilement apprise par une petite fille rêveuse et, distraitement, vous promenant dans la rue enjouée (puisque décidément le monde crasseux, sous votre regartiste, semble se parer des ors d'un éternel champ élyséen), sifflez l'air qui ne hantera plus de quelques secondes, je vous l'assure, l'attention labile du plus amène poivrot.
J'appelle cette insouciance une trahison (l'horrible mot doit buter devant vos lèvres délicatement parfumées), j'appelle cette mascarade angotienne trahir les pauvres, et je vous assure que je n'ai point eu le besoin de consulter mon petit Bernanos pour vous l'écrire. Si au moins on devinait, dans vos livres, des gouffres autres que corporels. Non, pas une Mouchette dans vos romans pour se jeter sur quelque amant méprisable, qui lui aura néanmoins appris le goût de cendre de la corruption, rien que d'évasives belles de jour qui se donnent des frissons en croisant le regard niais de Gilles de Rais bourgeois, tranquillement vicelards, lisant Libération à la terrasse du Rostand. Dans vos bluettes, la moindre Laure, sainte de l'abîme, que dis-je, la plus sotte Lolita nourrie de lait aurait rang, dans le pandémonium femelle dont vous êtes le Satan d'opérette, de Lilith carnassière. J'appelle cela, maladie jumelle de la précédente qui tavèle vos pages d'une légère mais persistante pruine rance, de la mauvaise foi, fièvre parisienne bénigne connue de longue date (certains médecins, le thermomètre entre les dents, vont même jusqu'à parler de mal français), typique somme toute, c'est là votre rhume des foins contracté depuis un certain mois de mai éthéré comme du pollen, de la gauchiste rentrée que vous êtes, comme celle consistant à ne pas publier ma dernière réponse à votre odieux, votre stupide texte stambouliote puis, ensuite, sans m'aviser de rien et alors même que nous échangions quelques messages clairs, à écrire, publiquement, que je vous avais insultée. Insultée Alina ? Maintenez-vous, sans rire, que je vous ai insultée ? Je ne vois rien, moi qui suis pourtant expert en recyclage d'ordures, rien que votre fierté d'artiste (décidément, j'aurais préféré plus d'intermittence dans le pauvre spectacle...) blessée et votre inanité intellectuelle, vous-même, encore une fois, me l'écrivez.
Êtes-vous donc assez piètre lectrice pour confondre votre cas avec celui de ces chiennes occidentalisées à outrance, millionnaires salopes que Paris Match, chantant récemment les vertus incomparables d'une adhésion de la Turquie à l'Europe à bout de course, a choisies comme bayadères représentatives d'une société, nous dit-on, laïquement islamiste ou, c'est équivalent, sauvagement modérée ? Est-ce cela ? Voyons, je vous ai tout juste dit ce que je pensais de vos procédés de contournement, d'échappatoires grotesques, de non-réponses méprisantes plus que légères, que vous vous amusiez encore à jouer la chattemite, à votre âge tout de même, bien capable d'exacerber la patience d'un bonze castré. Je vous ai simplement rappelé que votre optimisme béat, votre comique appropriation, à fins exclusives de tolérance et d'ouverture (pigeon à deux têtes plus rare qu'un Phénix que vous êtes, sans doute depuis votre balcon, la seule à avoir pu observer) des vertus d'accueil, l'éternelle rengaine viciée et fausse de la France balayée par tous les vents, seraient aussi, un jour prochain, le couteau qui, manié par la main experte du boucher, se retournerait contre votre jolie petite gorge rose.
Voilà ce que vous ne pouvez entendre, chère Alina, voilà ce que l'onctueuse vertu de tolérance que vous pommadez, d'une main légère, sur le dos de vos amis journalistes et de vos nombreux et délicats lecteurs, voilà ce que votre artistique irresponsabilité ne peut supporter plus de quelques secondes, et encore, vous fermez les yeux, vous êtes bien incapable de fixer l'insoutenable éclat d'une indigence, d'une inconsistance dont vous refusez de considérer qu'elles sont, tout simplement, vos propres rejetons, petits monstres ricanants et nains difformes enfantés par une écriture plus fade que blanche, vidée, avilie d'avoir été contrainte de tant se prostituer pour, finalement, répéter cette pauvre vérité, que tous les clichés du monde ne parviendront pas à voiler : la chair, y compris celle, boucanée à outrance et qui se complaît sur l'étal de vos petites histoires saucissonnables à volonté, est affreusement triste que l'esprit ne nourrit point.

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05/10/2005

Toile infra-verbale

Crédits photographiques : Miguel Villagran (Getty Images).

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02/10/2005

Arménie, 1915 ou le premier génocide du XXe siècle

Le génocide des Arméniens, photographie datant de 1916
«La Turquie a toujours représenté un autre continent au cours de l'Histoire, en contraste permanent avec l'Europe. Il y a eu les guerres avec l'empire byzantin, pensez aussi à la chute de Constantinople, aux guerres balkaniques [...]. Je pense donc ceci : identifier les deux continents serait une erreur. Il s'agirait d'une perte de richesse, de la disparition du culturel au profit de l'économie.»
Joseph Ratzinger, depuis quelques semaines Benoît XVI.


La question turque étant, de nouveau et pour quelques années encore, brûlante, je me permets de publier de nouveau, légèrement modifiée, une note datant du mois d'avril.

Annick Asso, Le cantique des larmesLu, avec effroi, dégoût et colère, les pages consignant la lente éploration de l'horreur, la banalité du Mal, dans la bouche d'anonymes oubliés de tous, horreur et banalité pourtant recueillies (selon l'étrange et lui aussi banal miracle affirmant qu'aucune lâcheté, qu'aucune ignominie ne sauraient rester totalement inconnues des hommes si elles ont été une fois notées et consignées) dans un ouvrage que toute personne bizarrement turcophile, et d'abord Jacques Chirac, ferait bien de lire, et plutôt deux fois qu'une : Le cantique des larmes (La Table ronde) consacré au génocide arménien. Ainsi, ce témoignage, parmi des centaines d'autres du même acabit, extrait de la déposition de madame Terzibachian d'Erzeroum lors du procès Tehlirian : «Avec ce que nous pouvions porter sur le dos, nous avons atteint Malatia. Là, on nous mena dans la montagne et on sépara les hommes des femmes. Les femmes étaient à environ dix mètres des hommes et purent voir de leurs propres yeux ce qui leur arrivait. On les a tués à coups de hache et on les a poussés dans l'eau.
Seuls les hommes ont péri de cette manière. Lorsqu'il commença à faire un peu sombre, les gendarmes vinrent choisir et prendre les plus belles femmes et jeunes filles pour en faire leur femme. [...] Celles qui ne cédaient pas furent transpercées à coups de baïonnette et eurent le corps déchiré par traction sur les jambes. Même des femmes enceintes eurent les côtes tranchées, les enfants arrachés du ventre et jetés. (Le témoin lève la main.) Je le jure.
Mon frère aussi eut la tête tranchée. Lorsque ma mère vit cela, elle s'écroula et mourut sur le coup. Alors un Turc s'approcha de moi pour faire de moi sa femme, mais comme je ne consentis pas, il prit mon enfant et le jeta.»

Photographie de l'auteur

Le lecteur mettra en rapport ces pages déchirantes et le dossier, d'une rare indigence intellectuelle et d'une plus immonde complaisance encore vis-à-vis de la chienlit huppée stambouliote et de tous les clichés progressistes, publié par Paris Match (dans son numéro du 29 septembre au 5 octobre). Sous la plume de Gilles Martin-Chauffier par exemple, cette perle que l'on dirait secrétée par une limace se nourrissant d'une petite crotte delanoenne : Istanbul n'est pas une mosquée, c'est une fête. Cette autre, qu'un Bloy et un Ellul auraient enchâssée dans un écrin d'exégèses assassines : Les Turcs sont des Européens musulmans.

Parfait allais-je répondre à l'imbécile, nous voici donc bien informés du danger, d'ailleurs maintes fois annoncé, nos ignorants ne savent point cela bien sûr, par ces moines et visionnaires grecs qui furent les plus intimes ennemis des Turcs, comme je le lisai récemment dans une étude savante d'un certain Astérios Argyriou, intitulée Les Exégèses grecques de l'Apocalypse à l'époque turque (1453-1821) (Thessalonique, 1983). Il est d'ailleurs fort à craindre que la littérature apocalyptique, surgissant, c'est là une constante historique, en temps de crises, ne devienne, d'ici quelques années, un genre de nouveau prisé par les derniers survivants des catacombes.

Photographie de l'auteur

Mais j'y songe, n'avais-je pas jugé, de visu, en 1992, des splendeurs tant vantées par nos petits journalistes parisiens de la Sublime Porte, traversant d'Ouest en Est, durant deux semaines, l'immense pays dans un véhicule de fortune ? Il est vrai que ne m'intéressaient alors que les villes, ou plutôt les ruines de ces villes, devenues par la suite ottomanes puis turques, auxquelles Jean adressa sept lettres dans son Apocalypse : Éphèse, Smyrne, Pergame, etc.

Certes, il est vrai encore, à la décharge de nos européens stambouliotes, que j'eus la malchance de parcourir les rues de l'immense Byzance festive durant une grève de ses éboueurs...
Photographie de l'auteur

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29/09/2005

Les Émigrants de W. G. Sebald

Crédits photographiques : Finbarr O'Reilly (Reuters).

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23/09/2005

Le passé de notre avenir : à propos de L'Avenir de nos origines de Carlo Ossola

Crédits photographiques : Joe Klamar (AFP/Getty Images).

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21/09/2005

Bernanos, la guerre, Satan, la critique

Crédits photographiques : Ivan Alvarado (Reuters).

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14/09/2005

Robinson ou les limbes de la littérature

Crédits photographiques : Vanderlei Almeida (AFP/Getty Images).

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13/09/2005

Technikart, la bouche pleine de détritus

Photographie (détail) de Juan Asensio.

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07/09/2005

La ruine de Kasch de Roberto Calasso

Crédits photographiques : Esteban Felix (AP Photo).

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02/09/2005

Katrina pour tout le monde

Crédits photographiques : Charlie Riedel (Associated Press).

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23/08/2005

Préfiguration de la Shoah : Justice sanglante (The Avenger) de Thomas De Quincey

Crédits photographiques : Hatem Omar (AP Photo).

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27/07/2005

De la pâte des rêves et du cinéma de la cruauté, par Thorsten Botz-Bornstein

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25/07/2005

Stalker de Tarkovski, par Francis Moury

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20/07/2005

La Nouvelle Guerre de Troie a déjà eu lieu, par Cyril Pahlavi

Peinture du 16e siècle

«Or, chaque fois que les choses sont telles qu’un tas de gens éprouvent le besoin de s’en mêler, les faibles, et ceux qui le deviennent à force de trop réfléchir, aboutissent toujours à une religion du Rien-Faire, très pieuse et très élevée, et finissent par se soumettre à la persécution et à la volonté du Seigneur. Vous avez déjà dû remarquer cela aussi. C’est de l’énergie à l’envers dans une rafale de terreur. Les cages de ceux-là seront pleines de psaumes, de cantiques et de piété, et ceux qui sont d’une espèce moins simple se tourneront sans doute vers – comment appelez-vous cela ? – l’érotisme.»
H. G. Wells, La guerre des mondes, discours de l'homme de Putney Hill.


L’argument, assez convainquant et quasi juste, défendu par plusieurs intellectuels amblyopes quant à la marche de l'histoire consiste à affirmer hâtivement qu’il n’y aura pas de Guerre des Mondes (ou de Choc des Civilisations) tout simplement parce qu'il n’y aura pas (ou ne peut y avoir) de résistance réelle de la part de l’Occident, un Occident déjà conquis par un ennemi endogène agissant comme une cinquième colonne – un peu comme le fameux «Trojan Horse» a permis à la mythique Guerre de Troie de n’avoir pas eu lieu, ou du moins de n’avoir pas été combattue sur un champ de bataille selon les prétendues règles de l'art (voir notamment l'excellent article de Juan Asensio, La guerre des mondes n'aura pas lieu).
L’analyse est très pertinente (et je la partage largement) mais elle repose néanmoins sur une conception restrictive et obsolète de la Guerre. Il convient en effet de s’entendre sur la signification que l’on donne à l’idée de Guerre avant d’affirmer qu’elle n’aura pas lieu. La guerre présuppose au minimum un conflit. Mais qu’est-ce qu’un conflit ? Implique-t-il nécessairement la brutalité d’une confrontation physique, des «casualties» et du sang ? A l’âge de l’inforoute globale et des mass medias, ne peut-il pas aussi prendre la forme plus subtile d’une lutte des idées, des valeurs, des esprits et des cœurs ?
C’est en tout cas ce que de plus en plus de géopoliticiens actuels, comme Joseph Nye, K.J. Holsti ou Barry Buzan, s’accordent à penser en redéfinissant (au moins partiellement) la guerre moderne, celle du vingt-et-unième siècle, comme une sorte de «soft war» ou de jeu d’échecs psychologique mené par satellites et opinions publiques interposés. Cette hypothèse reste à valider mais il faut d'ores et déjà reconnaître que ce nous vivons depuis quatre ans la vérifie singulièrement : à l’action psychologique des uns (dont le terrorisme primitif est l'une des expressions) répond celle des autres (via des stratégies sophistiquées comme la mass diplomacy, le PR warfare ou le libre-échange culturel), les uns et les autres cherchant à convaincre autant qu’à vaincre à l’aide des Armes de Persuasion Massive bien plus souvent qu’à l’aide des fameuses ADM (qui, soit dit en passant, ont servi davantage comme arguments que comme outils stratégiques).
Si on limite son analyse à la définition classique – comprendre commune – de la guerre (encore que celle-ci ait depuis longtemps été étendue à la dimension psychologique par des penseurs comme Sun Tzu, Machiavel ou Clausewitz), il est compréhensible qu’on ait encore du mal à interpréter les événements actuels comme des signes probants d’une Guerre des Mondes. Mais il suffit, pour se convaincre de la désuétude de cette conception, de l'actualiser pour voir, au-delà du cliché d’un affrontement armé entre l’Orient et l’Occident, la possibilité d’une nouvelle forme de lutte, une lutte quadridimensionnelle (air, mer, terre et ondes), une guerre d'usure psychologique, une guerre sans front véritable, une guerre située sur le plan des idées, dont le champ de bataille est celui des écrans et dont l'enjeu n’est plus seulement le gain de territoires physiques mais aussi la conquête du sixième continent, celui formé par les quelques centimètres cubes de notre cerveau souvent docile et toujours versatile.
Les dirigeants occidentaux eux-mêmes commencent à s’ouvrir à cette nouvelle réalité et à tenir compte de la nouvelle nature de la Guerre Mondiale. Les démocrates de toutes opinions et croyances, soulignait récemment le Premier ministre britannique, doivent mener «la bataille des idées, des coeurs et des esprits» contre les islamistes, «pas seulement contre ce qu'ils font, mais aussi contre ce qu'ils pensent». Meilleurs communicateurs que stratèges militaires, les Djihadistes, eux, ont compris depuis longtemps la dimension psychologique de la lutte contre l’Occident en mettant en œuvre une propagande extrémiste terriblement habile exploitant «la tendance au sentiment de culpabilité du monde développé» (Tony Blair). Ce qui ne fait plus de doute, c’est qu’une Guerre des Mondes fait rage qui, pour n'être pas un choc de civilisations tel que l’avait défini Samuel Huntington, n'en est pas moins une Guerre, une Guerre des Idéologies qui ne risque pas d’être gagnée si elle continue d’être élégamment snobée par les intellectuels parisiens. C’est une Guerre des Mondes, «une lutte mondiale» contre «l'idéologie du mal» d'Al-Qaida. Attention ! Il ne s’agit pas de prétendre que la puissance de feu classique dont disposent les belligérants est aujourd’hui caduque (la force reste et restera un paramètre incontournable dans l'arène internationale) ; mais «au bout du compte, ce sera aussi par la puissance des arguments, du débat, de la véritable foi religieuse et de la politique véritablement légitime que sera défait» (Tony Blair dénonce l'idéologie du mal d'Al-Qaida, Le Monde, 18 Juillet 2005) l'islamisme radical.
La Troisième Guerre Mondiale prend donc le visage d'une Seconde Guerre Froide, une Guerre Froide qui a commencé à la fin de la précédente avec la Révolution islamique de 1979. Cet épisode historique dont j'ai été le témoin direct a marqué le début d'une ère nouvelle dans laquelle la culture, la religion et l'information sont désormais instrumentalisées pour galvaniser les foules et générer de considérables changements géopolitiques. Comme la Première Guerre Froide opposant l'Est socialiste à l'Ouest capitaliste (1947-1991), le clash doctrinal auquel nous assistons aujourd'hui entre l'Occident et l'Orient se traduit essentiellement par une lutte idéologique entrecoupée de manière ponctuelle par des confrontations directes en divers points du globe (Corée et Vietnam pour la première contre Afghanistan ou Irak pour la seconde). Contrairement à l'idée huntingtonienne de «Clash des Civilisations», cette nouvelle guerre des idées (entre le camp de «la Nouvelle Croisade» et les forces de «la Guerre Sainte») ne semble pas devoir s'acheminer vers une «Guerre Chaude planétaire» – faute de moyens logistiques pour les uns et faute de volonté de sacrifice (willingness to suffer) pour les autres.
Mais que l'on ne s'y trompe pas, cela ne signifie en rien qu'elle n'aura pas lieu, d'autres possibilités s'offrent désormais pour mener la lutte et l'emporter. On s'aperçoit de part et d'autre que l'usage de la force brute devient de plus en plus aléatoire (coûteux, risqué et contreproductif) et que l'enjeu est avant tout d'isoler l'ennemi, de le discréditer en gagnant les masses, en agissant sur leur perception et leurs préférences. Ce qui se profile à l'horizon, et dont nous avons juste un avant-goût, est donc une guerre profondément différente de celles du passé, «une guerre du troisième type», sans front et sans conquêtes dont le théâtre des opérations (débordant sans cesse davantage sur la vie quotidienne) devient la société globale de l'information, une guerre dont les combattants enrôlés malgré eux sont chacun de ses habitants lobotomisés. L'issue dépendra de la conviction des masses et de la foi qu'elles épouseront ou n'épouseront pas.
Citoyens de l'âge industriel, de nombreux penseurs omettent de considérer l'hypothèse, impensable il y a encore peu et encore sous-estimée aujourd'hui, que l'information et l'art de la guerre pouvaient se pervertir l'un l'autre pour donner lieu à une nouvelle forme, bien plus subtile et bien plus dévastatrice, de conquête et d'anéantissement, non plus seulement du corps (comme périphérie matérielle de l'être) mais aussi de l'esprit humain (comme l'essence immanente de l'être).

La Nouvelle Guerre de Troie, la Troisième Guerre Mondiale, celle du Troisième Millénaire a déjà lieu – elle est douce, furtive, presque pacifique et portant, il n'y a aucune raison de s'en réjouir.

Cyril Pahlavi.
L'auteur, petit-fils adoptif d'Ali Reza Pahlavi – frère du dernier Shah d'Iran, membre oublié de la famille impériale, est issu d'une longue lignée de diplomates et de voyageurs. Ses origines iraniennes, tchèques, allemandes et françaises, ont fait de lui un catholique d'Orient, un immigré d'Europe, un francophone d'Amérique, un citoyen du monde et un sismographe du choc des cultures. Frappé par la révolution islamique alors qu'il n'avait que 7 ans, exilé d'Iran, il a fui vers la France puis a refait sa vie au Canada où il vit depuis une quinzaine d'années. Poursuivant une carrière académique (chercheur et auteur d'ouvrages traitant des relations internationales et de géopolitique), il est également proche des milieux littéraires français de Montréal et notamment l'un des intervenants du futur site officiel de Maurice G. Dantec.

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19/07/2005

Le Miroir de Tarkovski, par Francis Moury

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18/07/2005

Primo Levi et Imre Kertész ou le drame de la formulation

Crédits photographiques : NASA/GSFC/Arizona State University.

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15/07/2005

La guerre des mondes n'aura pas lieu

Illustration de Tom Kidd pour La guerre des mondes

«Pourquoi attaqueraient-ils un tigre quand il y a autant de moutons partout autour d'eux ?»
Un expert britannique du terrorisme, cité par Valeurs actuelles, n° du 15 au 21 juillet 2005.


La guerre des mondes, comme celle de Troie, n'aura pas lieu parce que notre ennemi ne trouvera aucun résistant dressé sur sa route, parce que, comme l'explique l'un des personnages du roman de H. G. Wells (sa toute récente adaptation cinématographique réalisée par Spielberg, truffée d'incohérences, ne vaut que par certaines de ses scènes de destruction les plus spectaculaires) au narrateur, les Martiens, pour les moutons que nous sommes devenus par évolution génétique de notre espèce, seront (ou sont) une bénédiction : «de jolies cages spacieuses, de la nourriture à discrétion ; un élevage soigné et pas de soucis» (Gallimard, coll. Folio, 2005, p. 270). Nous retrouvons ainsi la prédiction du Grand Inquisiteur de Dostoïevski parlant au Christ : l'homme vit heureux à condition que sa destinée soit prise en charge par plus puissant que lui, plus clairvoyant, en bref par un maître qui, nous dit le romancier russe, est dans une certaine mesure capable de se sacrifier pour garantir le bonheur de ses ouailles. Ce même personnage imaginé par Wells, qui prudemment, pour atténuer son discours radical, le fait déclarer quelque peu fou par le narrateur, va jusqu'à penser qu'une partie de ces hommes capturés par les Martiens deviendront, pour leurs semblables réduits à se cacher dans les souterrains, de redoutables chasseurs chargés d'étancher la soif de sang humain de leurs maîtres. On connaît la fin du roman d'anticipation, élément d'ailleurs fidèlement retranscrit par Spielberg : les Martiens invulnérables sont anéantis par les microbes terriens, contre lesquels ils ne peuvent rien, comme si la puissance la plus formidable était strictement démunie face aux décrets de l'Invisible.
Eh bien, la puissance occidentale, elle aussi, semble ne rien pouvoir faire contre l'ennemi invisible (n'en déplaise au Transhumain qui a défendu ses vues somme toute humanistes dans un très bel article), contre l'ennemi plus invisible qu'une cinquième colonne, qui est déterminé, c'est le moins que l'on puisse dire, à la faire trembler et vaciller sur ses pieds d'argile, à sectionner, qu'importe le nombre de prétendus martyrs qu'il devra employer pour parvenir à ses fins apocalyptiques, ses trois longues pattes que sont l'Argent, l'Orgueil et le Plaisir. On connaît le mot du général Franco, rapporté par Alexandre Koyré (La cinquième colonne [1945], Allia, 1997), p. 8) : «Les quatre colonnes qui s’approchent de Madrid seront aidées par une cinquième qui s’y trouve déjà». J'invite aussi les sceptiques et les prudents élémentistes qui tentent de promouvoir une sotériologique et brumeuse voie de conciliation que l'on nous promet triomphante dès que le nouvel homme naîtra, à bien méditer la phrase qui suit, signée de Koyré : «L’existence de «l’ennemi intérieur» implique et indique la présence au sein de la Cité de groupes non-intégrés, non embrassés par le lien social ; de groupes qui se refusent à s’identifier avec le Tout de la Cité, ainsi que de se solidariser – dans ce Tout – avec les autres groupes qui le composent et le constituent ; de groupes qui s’isolent – ou qui se trouvent isolés – dans ce Tout ; qui s’opposent à ce Tout ; qui, l’opposition s’intensifiant et s’exaspérant, passent de l’opposition à l’hostilité, de l’hostilité à la haine ; le cas échéant la lutte sourde se transformera en lutte ouverte : la sédition fera son entrée dans l’État».

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12/07/2005

Un brelan d'antimodernes : sur le dernier essai d'Antoine Compagnon

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Photographie (détail) de Juan Asensio.

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