Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/02/2007

Héritiers de Boutang, réveillez-vous !, par Gabriel Matzneff

Crédits photographiques : Andrew Burton (Associated Press).

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, philosophie, pierre boutang, gabriel matzneff | |  Imprimer

19/02/2007

Tango de Satan de László Krasznahorkai

Crédits photographiques : Bruce McAdam (CC BY-SA).

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, roman, krasznahorkai, béla tarr | |  Imprimer

18/02/2007

Technikart, du goût de la médiocrité à celui du crime, par Jean-Christophe Moreau

Maurice G. Dantec, photographie de Stéphane Gladieu


J'ai écrit, concernant ce qui, mystérieusement, n'est pas encore une affaire (alors, je le rappelle, que j'y pointais l'irresponsabilité scandaleuse dont les rédacteurs de ce qui est, sans doute, l'une des plus lamentables revues françaises, ont fait preuve), un texte que l'on dira d'humeur concernant l'immonde papier de Technikart. Jean-Christophe Moreau, fort utilement, nous apporte un regard de juriste sur cet article (le mot est bien sûr inapproprié voire comique lorsqu'il s'agit de quelques lignes agrémentées d'une photographie détournée du romancier) d'une stupidité accablante.

«Votre destruction n’est qu’une question de temps, et le temps dont a besoin la destruction pour vous atteindre est exactement le temps de votre distraction. Car la destruction à venir suppose votre distraction, et que vous ne soyez pas résolus à vivre»
Critique de la raison cynique, Peter Sloterdijk.


L’idiotie est l’alibi le mieux partagé au monde. Certains êtres néanmoins en sont mieux pourvus, ou du moins plus conscients que d’autres des indulgences qu’elle procure. Ainsi est-elle pour les journalistes ce qu’est la folie passagère au criminel : un gage d’irresponsabilité.

Lire la suite

Lien permanent | Tags : Maurice G. Dantec, Technikart, maljournalisme, Islam, fatwa | |  Imprimer

17/02/2007

Jdanov exhumé en guimauve : sur Jacquou le Croquant, par Jean-Gérard Lapacherie

Malévitch, Femme moissonnant, 1912


On sait en quoi consistent les injonctions dites réalistes socialistes en matière de musique, de peinture, d’arts visuels, de littérature : toute œuvre, même la plus insignifiante, telle une photo ou une carte routière, doit être conforme à la ligne, celle du Parti ou de l’État ou du Parti État ou de l’État Parti. L’art n’est qu’un appendice de l’idéologie en place. Il y donne un coup de vernis, il la farde, il la maquille. Ainsi dorée, la pilule est avalée sans dégoût. Des décennies durant, dans tout le Kommunistan, la réalité représentée était socialiste, c’est-à-dire conforme au iota près à ce que l’idéologie affirmait de la réalité ou à l’image de ce que le Parti avait décidé qu’elle serait. Elle était aux autorités ce que la beauté était aux surréalistes : socialiste ou rien. Si ne l’était pas, l’œuvre était interdite et à son auteur était offert un long séjour, tous frais payés, dans une villégiature du Goulag. Le résultat a été à la hauteur de l’idée. Toute forme d’expression en URSS et ailleurs a été fossilisée pendant près de trois quarts de siècle.
Il y a, depuis la seconde guerre mondiale, des esclaves qui, par veulerie ou stupidité, appliquent à eux-mêmes et aux autres les injonctions de ce si mal nommé réalisme : Stil, Garaudy, Wurmser, Vailland, Aragon, Daenincks, Chabrol. En France, le réalisme socialiste survit à tout, même à la chute du Mur de Berlin. La réalité n’étant pas socialiste, ni près de le devenir, c’est dans le passé que le réalisme a ressuscité un socialisme de fantaisie, pittoresque et exotique. Il en est ainsi dans Jacquou le Croquant (1969), téléfilm que Lorenzi, le brave soldat du communisme, a adapté d’un roman de même titre (1899), qui tient de la variante française fin de siècle du réalisme socialiste : le réalisme radical socialiste. L’auteur, Eugène Le Roy (1836-1907), après avoir combattu dans les colonies les «races inférieures», se mue en notable local du département de la Dordogne en devenant fonctionnaire des contributions et, bien sûr, franc-maçon. La République l’a honoré. Dans le Périgord, sous Henri IV et Louis XIII, des paysans se sont révoltés contre les taxes de plus en plus lourdes que l’État centralisé prélevait sur leurs récoltes. Par mépris, ils étaient nommés croquants. Or, dans le roman, ces révoltes ne se passent pas dans la France d’Henri IV, ce qui aurait écorné l’icône nationale que le bon roi Henri est devenu sous la IIIe République; elles ont été déplacées de deux siècles et elles se produisent entre 1815 et 1830, lors de la tentative faite de restaurer l’ancien régime.

Lire la suite

Lien permanent | Tags : Cinéma, réalisme socialiste, Malévitch, Jacquou le Croquant | |  Imprimer

15/02/2007

W. G. Sebald dans la Zone

Photographie (détail) de Juan Asensio.

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, w. g. sebald, île de jersey, séjours à la campagne, les anneaux de saturne, vertiges, austerlitz, éditions actes sud, les émigrants, campo santo, de la destrution conisdérée comme histoire naturelle, d'après nature, la description du malheur, repères | |  Imprimer

14/02/2007

L'irresponsable crétinisme de Technikart

Photographie : Babylon A.D. de Matthieu Kassowitz, droits réservés


Voici la lettre envoyée, il y a quelques jours, à la rédaction du torcheculatif magazine pour pré-adolescents lobotomisés Technikart, qui ose se demander, dans son dernier numéro, si Maurice G. Dantec mérite une fatwa. Je pose à mes lecteurs la même question : les sous-pigistes de Technikart méritent-ils une fatwa pour insulte à la déesse Raison ? Il est vrai que la conditon sine qua non pour que nos gentils égorgeurs à la barbe fleurie daignent pratiquer une roborative décapitation est le fait de posséder une tête ou, comme on le disait, un chef. Je ne suis absolument pas certain que l'équipe de Technikart, ni même que chacun des sous-nasiques à clavier qui la composent, puissent se vanter de posséder un tel membre, voire, un chef qui leur aurait permis de prendre la mesure de leur irresponsable crétinisme, alors même que n'importe quel imbécile, lisant leur lamentable article du reste parfaitement mensonger, pourrait se croire investi d'une sainte mission et décider, pour l'exemple, de passer à l'acte sur la personne du romancier (ou, le disais-je, sur toute autre personne dont les idées auraient le malheur de ne point plaire à nos si pitoyables rédacteurs), alors même que la récente affaire Redeker nous rappelle, si besoin en était, la réalité de telles menaces.
Il appartiendra à d'autres, plus experts que je ne le suis en matière juridique, de décider si un tel torchon avançant des mensonges manifestes qu'il ne prend la peine d'étayer d'aucune preuve, tombe sous le coup de l'accusation de diffamation (et du droit de réponse qui peut logiquement lui être opposé) et si, sous couvert fallacieux d'exposer les arguments appuyant ou pas ladite fatwa, il n'est pas ce qu'il est convenu d'appeler une incitation au meurtre. Il appartiendra à d'autres que moi d'établir s'il y a là un cas manifeste (et donc grossièrement déguisé, car, ne l'oublions pas, nous nous trouvons face à des paltoquets de la rhétorique) d'apologie d'un acte qui serait (il faut du moins l'espérer car, de nos jours...) condamné par la loi.
J'indique enfin, pour que mes lecteurs prennent bien la mesure phénoménale de la stupidité de ces branques au cervelet atrophié (probablement desséché après avoir été, durant de longues années, selon un procédé gardé jalousement secret, fumé au chanvre indien), comme tend à le prouver quelque cliché ayant fait la stupéfaction des plus hautes sommités médicales, la seule réponse qui m'a été faite, par un certain Olivier Malnuit qui tient en deux mots, probablement les seuls que cette forme prébiotique d'intelligence connaisse : «Très drôle !».
Non monsieur Malnuit, non messieurs les maljournalistes : votre irresponsabilité n'a vraiment rien de drôle et finira bien, ce sera là votre juste punition, par se retourner contre vos petites faces crayeuses de moqueurs couards.


«Bonjour.

Décidément, la prose technikartienne est toujours aussi lamentablement minable, puante de démagogie et d'un style qui parviendrait même à faire rire Arnaud Viviant, c'est dire le niveau d'anorexie mentale auquel vous semblez, réjouissez-vous en, être désormais parvenus, certes après des années d'entraînement : l'apnée du bidet n'a plus de secrets pour vous paraît-il...
Dantec insulté par TechnikartQui donc peut encore oser vous lire sans se salir immédiatement les yeux devant tant de bêtise contente d'elle-même, de vulgarité, de stupidité que l'on dirait presque... angélique tant elle semble dépasser les capacités de toute personne normalement constituée ? C'est là un très probable mystère.
Tout aussi minable, à vrai dire profondément irresponsable, l'appel déguisé au meurtre émis par le pigiste acéphalique Braunstein qui devrait, utilement, méditer l'adage selon lequel l'arroseur est toujours arrosé.
Il est vrai que ce probable phocomèle ne possède guère de lettres pour connaître ni même se souvenir du sens métaphorique de la maxime qui, encore une fois toujours, se vérifie...

Soyons sérieux à présent.

Si cet appel irresponsable devait se traduire par quelque forme de vexation, d'insulte ou de menace à l'égard de Maurice G. Dantec (ou de n'importe quel autre écrivain qui aurait l'heur de vous déplaire), je puis vous assurer que vous aurez des comptes à rendre, pas seulement devant la justice de ce pays : probablement aussi devant quelques citoyens qui ne peuvent, comme moi, tolérer que d'aussi piètres journalistes que vous bafouent non seulement les plus élémentaires règles de politesse, mais, sous couvert d'accroche d'un improbable lectorat de protozoaires, appellent à l'élimination physique d'un homme. Vous évoquerez, pour votre défense, le droit d'user de métaphores : non, ce que vous avez écrit vous engage et, désormais, vous êtes liés par ces mots dont la portée vous dépasse.
C'est tout simplement choquant, inadmissible, révoltant, absolument scandaleux, surtout lorsque votre pseudo-article mais bien réel torchon se permet d'insinuer des faits que vous êtes bien incapables de prouver : pour votre gouverne, j'ai lu le manuscrit de ce tome 3 du journal de Dantec, bien avant qu'il ne soit publié, et je ne pense pas avoir jamais lu l'épithète infamante de bougnoule, comme vous osez l'affirmer.
Un seul adjectif caractérise votre revue vous le savez, puisque j'ai déjà longuement écrit sur la rinçure (un papier intitulé Technikart, la bouche pleine de détritus) qui vous sert de gagne-pain malodorant. Cet unique adjectif, aussi profilé et expéditif que semble phacochérienne votre façon de non-penser (vous apprécierez désormais l'économie de mots à votre égard : que voulez-vous, je suis moi aussi un fervent soutien des forces du progrès...), le voici, ici, accompagnant l'évocation d'une personnalité aussi génialement productive que vous l'êtes dans l'invention d'un langage infra-verbal.

Bien évidemment, je n'ai absolument pas le plaisir ni l'envie de vous saluer.»

Lien permanent | Tags : Maurice G. Dantec, Technikart, maljournalisme, Islam, fatwa | |  Imprimer

13/02/2007

Tzvetan Todorov en péril ou Tartuffe onaniste

Crédits photographiques : Nacho Doce (Reuters).

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, structuralisme, déconstruction, derrida | |  Imprimer

François Bayrou ou les impasses de l’extrême centre, par Germain Souchet

Crédits photographiques : Iroz Gaizka (AFP).

Lire la suite

Lien permanent | Tags : polémiques, élections présidentielles, politique, françois bayrou | |  Imprimer

06/02/2007

Charlie Hebdo en procès, une chronique de l’intégrisme ordinaire, par Jean-Christophe Moreau



Il y a encore quelques imbéciles (forcément heureux, puisqu'ils appartiennent aux rayonnantes forces du Progrès), ouvertement désireux de voir un candidat de la plus lamentable envergure et pitoyable intelligence occuper le poste de président de la République française (ce qui, je vous l'accorde, n'est certainement rien de bien noble), capables d'affirmer que la Zone est le lieu maudit où se regroupent tous les plus infréquentables auteurs. Nous reviendrons, dans quelques jours, sur ce terme d'infréquentable puisqu'il est distribué, par nos belles âmes toutes luisantes de moraline, à tout écrivain ayant l'insigne impolitesse de ne point répéter les truismes commodes si chers à nos Assis vertueux. Disons, plus modestement, que le Stalker, comme bien d'autres sites (très exactement : 999) référencés ici, est un espace de liberté exigeante (quelques droits, mais surtout beaucoup de devoirs...) qui ne s'ouvre pas au premier âne callipyge venu désireux de brouter une avoine consensuelle. Disons aussi, encore plus modestement, que ce site, taxé d'extrémisme par ces mêmes imbéciles surnumérairement consanguins, puisque tous ont été dégoulinés par le même émonctoire aussi bouillonnant qu'un Etna de merde, n'hésite pourtant pas à défendre, sous l'excellente plume de Jean-Christophe Moreau, un journal, Charlie Hebdo qui, jusqu'à preuve du contraire, n'a guère été soutenu par les petits donneurs de leçon qui, à l'approche de quelque barbe fournie peu encline aux réjouissances occidentales, retournent pleurer dans les jupes maternelles, avant que celles-ci ne se transforment bientôt en si féminines burkas. Pour l'allaitement rapide de nos paisibles nourrissons, voilà un habillement qui risque d'être diablement peu pratique.

«L'homme communautariste, l'homme des associations est l'homme du ressentiment sous sa figure contemporaine. Son impuissance à être l'a conduit vers les officines où bout l'esprit de vengeance. Il lui faut sans cesse des combats, des revendications, des pressions pour se sentir être parce qu'il ne peut plus éprouver l'excitation vitale que sous la forme de la persécution : celles dont il se dit menacé justifiant celles dont il demande la mise en œuvre.»
Les démons, Philippe Muray.



L’État de droit a un attrait inestimable pour qui veut lui nuire ou en espère un avantage particulier: il suffit d'y être reconnu victime pour attirer à soi la bienveillance de la justice. C’est ainsi que de nos jours, on ne compte plus les prédateurs de la République aux velléités de justiciables. Être une victime n'est pour eux plus une tare mais une nécessité, un préalable à des victoires de plus grande envergure.
Les poursuites engagées à l’encontre de Charlie Hebdo par le recteur de la Grande Mosquée de Paris, l’Union des Organisations Islamiques de France et la Ligue Islamique Mondiale sont incontestablement de cet ordre, celui où les cérémonies de justice se substituent progressivement aux débats d’idées. Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, soucieux de ne pas paraître trop ostensiblement intégriste, se défend d’avoir organisé le procès de la liberté d’expression. «Nous admettons que l’on puisse caricaturer le prophète, a précisé son avocat, Maître Szpinner, mais nous refusons cette agression raciste contre les musulmans» (1).
De fait, le journal devra répondre devant le Tribunal de Paris, du 7 au 8 février, de l’accusation d’«injure envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée» (2) pour la publication de trois caricatures, dont deux initialement parues dans le journal danois Jyllands Posten. La première représentait Mahomet portant une bombe en guise de turban, la deuxième montrait le prophète submergé par le nombre de terroristes arrivant au paradis, et leur en refusant l’accès par ces mots : « Stop ! Stop ! We ran out of virgins !» (3) tandis que la dernière décrivait un Mahomet affligé par les intégristes, se tenant la tête entre les mains et déclarant : «C'est dur d'être aimé par des cons».
Dans chacune des trois illustrations, c’est sans équivoque possible l’intégrisme musulman, et non la communauté musulmane dans son ensemble, qui fit l’objet de la charge critique menée par Charlie Hebdo.
La distinction, essentielle, ne semble pourtant pas concevable à Dalil Boubakkeur, qui considère notamment que «Représenter Mahomet coiffé d'une bombe c'est dire à tous les musulmans et pas seulement aux intégristes : "Vous adorez un prophète vecteur d'attentats, de mort, de destruction, donc vous adorez la violence"» (4).
Bien évidemment, ce serait faire preuve de fausse ingénuité que d’ignorer qu’un tel sentiment ait pu exister lors de la publication des caricatures. Pour autant, il n’est pas concevable de fixer les limites de la liberté d’expression au gré des fluctuations de sentiment d’une communauté, à plus forte raison quand celle-ci est représentée par des institutions à ce point contestées par ceux dont elle prétend aujourd’hui prendre la défense.
Entre l’infinité d’interprétations possibles des caricatures publiées, ce sera au tribunal de Paris de déterminer s’il en est une qui doit prévaloir. Pour ce faire, il lui incombera de répondre à une question décisive : le caractère insultant des publications procède-t-il d’une intention coupable de leurs auteurs ou de la sensibilité particulière d’un public ?
Or, à considérer la définition légale et jurisprudentielle de l’injure (5), rien ne serait plus contraire au droit positif qu’une décision de justice en défaveur de Charlie Hebdo.
En effet, pour que soit constitué le délit d’injure, il faut, outre l’existence d’un propos outrageant adressé en public à une personne ou un groupe de personnes déterminées, démontrer la volonté de nuire de l’auteur des propos.
En l’occurrence, les caricatures incriminées ne visaient de toute évidence qu’à stigmatiser les seuls intégristes musulmans, cherchant à mettre ainsi en exergue le dévoiement croissant de l’Islam par les extrémistes religieux.
De fait, pour que la justice condamne l’hebdomadaire satirique, il lui faudrait conclure que la critique véhiculée par les caricatures incriminées portait sur l’ensemble de la communauté musulmane. Procéder à une telle analogie serait en définitive estimer que le fanatisme est indissociable de la foi musulmane, ce serait proclamer que la violence est consubstantielle à l’Islam. En d’autres termes, pour que les plaignants obtiennent gain de cause, il faudrait que la justice se rende coupable de l’amalgame qui précisément est aujourd’hui reproché à Charlie Hebdo.
Cette méprise aberrante, si la justice ne s’en est pas encore rendue coupable, a quoi qu’il en soit d’ores et déjà été commise par les premiers à s’en dire victimes ; car ne pas tolérer la critique des violences islamistes au motif qu’elle insulterait la foi de tout musulman, c’est ériger l’appartenance à une même religion en obstacle à la réprobation des crimes perpétrés en son nom, abolir le sens critique au nom du sacré.
De cette affaire, et quelle que soit son issue juridique, il faudra retenir que l’intégrisme a d’autres visages que celui de la barbarie et sait s’habiller d’ordinaire pour parvenir à ses fins, qu’il ne répugne pas à recourir à des moyens légaux pour étendre son empire. Mais, sauf à considérer que la licéité des moyens justifie la poursuite de fins insensées, cela ne le rend pas moins hostile au monde ni ne l’affranchit de sa responsabilité vis-à-vis des croyants sur lesquels ils jettent le discrédit, usurpant la place des authentiques musulmans, ceux que l’on dit modérés parce que restés silencieux jusqu’à ce jour, ou parce que leurs voix ne nous parviennent plus par-delà le tapage et les vaines détestations.

Notes :
(1) Face à Charlie, la Mosquée sur la défensive, par Catherine Coroller, Libération, samedi 3 février 2007.
(2) Article 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
(3) «Arrêtez ! Arrêtez ! Nous sommes à court de vierges !»
(4) Face à Charlie, la Mosquée sur la défensive, loc. cit..
(5) Article 29 de la loi du 29 juillet 1881: l'injure s'entend, en opposition avec la diffamation, de «toute expression outrageante, terme de mépris ou d’invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait».

Lien permanent | Tags : Polémiques, laïcité, droit, Islam, islamisme, liberté de la presse | |  Imprimer

29/01/2007

Apologia pro Vita Kurtzii, 4 : Le jour de la colère de Dieu de Jean-François Colosimo

Photographie (détail) de Juan Asensio.

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, roman, démonologie | |  Imprimer

25/01/2007

Contamination de Sarah Vajda : Mouchette fiancée de Ian Curtis

Photographie (détail) de Juan Asensio.

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, roman, sarah vajda, journalisme | |  Imprimer

21/01/2007

Ségolène Royal ou la Chevalière de la mort

Crédits photographiques : Odd Andersen (AFP/Getty Images).

Lire la suite

Lien permanent | Tags : langage, politique, polémiques, éléctions présidentielles, parti socialiste, langages viciés, ségolène royal | |  Imprimer

20/01/2007

Aux origines du gaullisme : note sur le personnalisme d'Emmanuel Mounier, par Francis Moury

Photographie (détail) de Juan Asensio.

Lire la suite

Lien permanent | Tags : politique, polémiques, gaullisme, philosophie, personnalisme, emmanuel mounier, raphaël dargent, francis moury | |  Imprimer

10/01/2007

La littérature est orphique, entretien avec Laurent Schang pour la revue Carbone

Crédits photographiques : Eric Gay (Associated Press).

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, entretiens | |  Imprimer

04/01/2007

Dune de Frank Herbert, 2

Illustration de Chris Foss pour un projet d'adaptation cinématographique de Dune réalisée par Jodorowsky.

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, science-fiction, dune, frank herbert | |  Imprimer

23/12/2006

Apologia pro Vita Kurtzii, 2 : Méridien de sang de Cormac McCarthy

Crédits photographiques : Mike Hettwer.

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, romans, démonologie, cormac mccarthy | |  Imprimer

18/12/2006

Apologia pro Vita Kurtzii : Suttree de Cormac McCarthy

Crédits photographiques : David Gray (Reuters).

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, romans, démonologie, cormac mccarthy | |  Imprimer

13/12/2006

La nuit veille d'Armel Guerne

Crédits photographiques : Miguel Vidal (Reuters).

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, armel guerne, édition, livres | |  Imprimer

02/12/2006

En attendant le Prince : La Mélancolie de la résistance de László Krasznahorkai

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, lászló krasznahorkai, béla tarr, la mélancolie de la résistance, az ellenállás melankóliája | |  Imprimer

27/11/2006

L'éclat des penseurs japonais, par Francis Moury

Lire la suite

Lien permanent | Tags : critique, penseurs, philosophie, japon | |  Imprimer

24/11/2006

Les Bienveillantes attendront... encore un peu

Crédits photographiques : Jonathan Franks.

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, les bienveillantes, littell | |  Imprimer

22/11/2006

Satantango de Béla Tarr, par Guillaume Orignac

bp6.jpg

Crédits photographiques : Photo Patagonia/Associated Press.

Lire la suite

Lien permanent | Tags : critique cinématographique, béla tarr, satantango, guillaume orignac | |  Imprimer

16/11/2006

Damnation de Béla Tarr, par Olivier Noël

Crédits photographiques : Alvaro Vidal (Associated Press).

Lire la suite

Lien permanent | Tags : critique cinématographique, béla tarr, damnation, démonologie, olivier noël | |  Imprimer

13/11/2006

Dune de Frank Herbert, 1

Illustration de Chris Foss pour un projet d'adaptation cinématographique de Dune réalisée par Jodorowsky.

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, science-fiction, dune, frank herbert | |  Imprimer

08/11/2006

Les Harmonies Werckmeister de Béla Tarr, par Ludovic Maubreuil

Lire la suite

Lien permanent | Tags : critique cinématographique, béla tarr, les harmonies werckmeister, ludovic maubreuil | |  Imprimer

29/10/2006

Comment lit le mauvais critique : Pierre Assouline face à Paul Celan

Crédits photographiques : Ilya Naymushin (Reuters).

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, maljournalisme, paul celan, pierre assouline | |  Imprimer

24/10/2006

Leçon d'après ténèbres, de Jean-Luc Evard

Crédits photographiques : B Mathur (Reuters).

Lire la suite

Lien permanent | Tags : israël, judaïsme, philosophie, politique, jérusalem | |  Imprimer

21/10/2006

Sur La Critique meurt jeune, par Bruno Gaultier

La Critique meurt jeune aux éditions du Rocher


«Le tribunal révolutionnaire d’Arras jugera d’abord les prévenus distingués par leurs talents.»
Le délégué Joseph Lebon, août 1793.


Voici une nouvelle critique, sous la plume de Bruno Gaultier (et un courriel qui lui est lié), l'un des trois rédacteurs du blog Systar, sur mon livre qui n'aura été salué, et fort intelligemment, à trois, ou plutôt deux exceptions près (on me permettra de considérer comme nul l'éjaculat du nain phocomèle Jean-Louis Ezine pour Le Nouvel Observateur) que par des rédacteurs proposant leurs textes sur la Toile, comme Dominique Autié, Raphaël Dargent ou encore Sarah Vajda. Pour La Presse littéraire n°7, Christopher Gérard, sous la forme d'une assez belle lettre, a écrit un texte évoquant davantage, allez savoir pour quelle raison, Dumézil que mon propre livre, sans doute parce que l'auteur connaît mieux les arcanes de l'idéologie tripartite que les romans de Gadenne et de Broch. À l'évidence, quelque leçon est à tirer de cet étrange état de fait quant à la santé de la critique littéraire telle qu'elle se pratique, lamentablement, en France. Il est aussi pour le moins piquant d'observer que c'est la Toile, habituellement le lieu où les plus minuscules personnalités se pâment de leur indéfectible bonheur d'être, où elles se croient le droit irrésistible de commenter la surrection merveilleuse d'un comédon sur l'aile droite de leur nez souverain, où, à force de lécher la bouche du vide primesautier de leur putanat rêveur, elles en viennent à donner quelque consistance à leur propre néant, c'est donc la Toile qui offre, dans le même mouvement, cette fois comme retourné, ascensionnel, une Zone de repos où des textes de plus de cinq lignes évoquent des livres de plus de quinze mots. Pourquoi s'en affliger me rétorqueront les belles âmes, puisque ce phénomène n'est pas vraiment nouveau ? Je réponds : parce qu'il est scandaleux plutôt que nouveau en effet, tout simplement scandaleux, que la critique littéraire française, telle qu'elle est pratiquée par nos journalistes (puisque la critique littéraire n'est plus qu'affaire de journalistes), soit parvenue à une telle déconfiture sans que nul ne paraisse s'en émouvoir sinon, comme Jourde (1), pour proposer des auteurs qui ne valent pas beaucoup plus que ceux dont il stigmatise et ridiculise la nullité de style et, probablement, d'âme.
Je dénonce donc, une fois de plus, l'état gravissime de la critique littéraire française qui n'est point, contrairement à ce que semble en penser Pierre Assouline jamais avare de platitudes componctieuses, l'affaire du seul Gérard Genette, ce raseur-roi pour harassement intellectuel d'étudiant bouffonant sa petite leçon de choses, ce mouleur agréé de mots déboulonnables dont la lourdeur prétentieuse rendrait aérien le châssis de quelque Panzer allemand coulé en fonte. Ce n'est pas tout, vous vous en doutez; il y aurait en fait un livre à écrire qui peindrait la vie étrange de ce M. Valdemar qu'est devenue la critique, pas vraiment morte et pourtant plus tellement vivante. Je dénonce l'incurie intellectuelle abyssale, le manque total de curiosité, l'absence de toute culture littéraire et critique, dans laquelle des revues telles que Le Monde des Livres, Lire, Le Magazine littéraire, Europe, La Quinzaine littéraire sont tombées depuis des lustres : il ne s'est pas trouvé un seul rédacteur, pas un seul, pour évoquer le travail réalisé au travers de ces textes consacrés à Bernanos, Boutang, Faulkner, Dantec et bien d'autres, évidemment des écrivains d'une tout autre portée que le ridicule Sollers, la pathétique Angot, la tr(u)iste Darrieussecq, l'insignifiant Zeller, le microscopique Rey, et combien d'autres nains qu'il me reste à portraiturer, durant une vie entière, plutôt ce qu'il me reste à vivre, voilà un terme encore trop rapproché pour accomplir cette mission réellement surhumaine, perdue d'avance. Puisque me voici secoué des envies d'horions d'une colère franche, je dénonce encore l'inutilité profonde des attaché(e)s de presse, la mienne, transfuge des Presses de la Renaissance, ayant apparemment été incapable de décrocher un seul papier, un seul entretien, alors que mon livre, sur ses conseils personnels, a été envoyé à une bonne trentaine de journalistes de la presse écrite et radiophonique qui, sans doute, selon leur coutume, se sont dépêchés de les revendre. Il est vrai qu'il n'est guère commode de défendre un livre, à moins d'avoir beaucoup de talent, qui n'a pas même été lu, selon l'aveu, à peine gêné, fait par la personne concernée. Que dites-vous de cette marque insigne de professionnalisme ? Rien bien sûr, puisque vous avez perdu vos dernières illusions... Apparemment, il doit m'en rester quelques-unes. Tant mieux, car se sont elles qui me font ne pas désespérer.
Il est donc temps, enfin, qu'attendons-nous pour pousser ces moutons vers le précipice où ils se jetteront tous selon leur atavisme profondément grégaire, il est grand temps qu'advienne une révolution de l'esprit (une de plus : la France en rêve depuis le début du siècle passé mais nous n'avons plus de Maxence, de Dandieu, de Mounier ou d'Aron pour en poser les assises...) et que tous ces imbéciles disparaissent, de peur et de honte qu'un jour prochain ne leur soient demandés, sur un ton comminatoire, des comptes qu'ils n'auront pas tenus : Et toi, qu'as-tu fait des talents que je t'avais confiés ? Les as-tu fait prospérer comme je te le demandais ? Et toi, de quelle façon as-tu défendu les dernières traces de mon Verbe en ce monde rempli de vacarme, t'es-tu simplement contenté d'indiquer leur existence sans les défendre, n'as-tu pas voulu en assurer la croissance fragile ? Car la mission du critique, n'en déplaise à Christopher Gérard qui n'y voit probablement qu'affaire de magie et rituel païen, est religieuse ou elle n'est rien, rien d'autre qu'une petite souillure sur un papier sale de journal ou de revue, quand donc allez-vous comprendre cette évidence qui transperce votre incurie prétentieuse d'un pieu de douleur ?
Chiens odieux qui reniflez des chairs pourries par l'argent, bêtes lubriques écartant une vulve perpétuellement humide de s'aboucher au vide, hyènes vicieuses tortillant la croupe et vous approchant du maître qui vous engraisse en rampant sur le sol que vous léchez en signe de profonde soumission, je rêve pour vous massacres impitoyables, sacrifices prodigieux et holocaustes inouïs, votre graisse frétillant d'aise sur la grille portée au rouge avant de s'évaporer pour tenter d'apaiser l'ire du dieu vengeur.
Bien sûr, j'ai tôt fait de me réveiller de ce rêve délicieux où j'ai parcouru tous les cachots : comme dans le conte de Poe, ceux-ci m'ont semblé artistement décorés selon les goûts des bourreaux experts officiant sur des chairs méconnaissables. Hélas, ce n'était qu'un songe magnifique. Rien n'a changé : les attaché(e)s de presse reniflent le derrière sale des journalistes qui eux-mêmes sont prêts à tout sacrifier, y compris leur honneur perdu, pour obtenir quelques lignes du premier crétin venu que la grâce louvoyante de notre époque aura consacré chef de file ou d'école, prophète d'un soir ou philosophe de foire.

Note :
(1) Il y a tout de même Domecq, il y avait tout de même Muray. C'est peu si l'on songe à la qualité de certaines plumes qui, naguère, illuminaient de leur intelligence critique la presse française, Thierry Maulnier, Renaud Matignon, Gaétan Picon, Pierre de Boisdeffre, Claude-Edmonde Magny, Matthieu Galey et combien d'autres dont nous hésitons aujourd'hui à certifier qu'ils ont un jour existé.


«Nul ne sait ce qu’il est venu faire en ce monde, à quoi correspondent ses actes, ses sentiments, ses pensées; qui sont ses plus proches parmi les hommes, ni quel est son nom véritable, son impérissable Nom dans le registre de la Lumière.»
Léon Bloy, L’âme de Napoléon, cité par Juan Asensio dans La Critique meurt jeune.


Cette phrase magnifique de Léon Bloy pourrait être le résumé de toute la conception de la littérature que Juan Asensio nourrit dans son ouvrage La Critique meurt jeune. Dans ce recueil de textes déjà publiés dans diverses revues littéraires, et inédits, Juan Asensio procède à une évaluation critique de la littérature contemporaine, en posant une question implicite que l’on pourrait formuler ainsi : quel rapport les textes entretiennent-ils aujourd'hui avec la transcendance absolue d’un langage d’origine divine ? Une telle approche ne va pas de soi, mais bien des perspectives de lecture et de réflexions proposées par Juan Asensio mèneront pourtant le lecteur à reconnaître au langage une puissance capable de déterminer l’existence humaine. La littérature est un accès privilégié à une vérité religieuse : il ne s’agit pas uniquement de la douceur d’un plaisir esthétique, ni de divertissement, mais de rapport médié au monde (et l’on sait que la médiation est ce qui rend humain, en nous arrachant à une sorte d’immédiateté infantile et organique qui caractérise initialement notre rapport aux choses). La parole, médiation entre l’homme et le monde, se révèle alors plus importante même que ce qu’elle relie, comme le montre, page 103, l’ aphorisme : «Tout grand écrivain ne vit que d’être dépossédé de sa parole.»
Cette dépossession n’est pas une amputation, une ablation de facultés créatrices, mais au contraire le passage fécond à un mode d’écriture où l’auteur reçoit comme un don ce qu’il écrit. C'est la conception de l’écriture que Dantec propose depuis quelque temps, et qu’il défend dans un entretien déjà paru sur le site de Juan Asensio. Dantec avoue toujours de bonne grâce qu’à un moment donné de la rédaction de ses ouvrages, ceux-ci finissent par s’écrire tout seuls, d’une certaine manière. Croire à une telle transcendance de la parole littéraire, c'est s’obliger à chercher avec acharnement les possibles et réelles incarnations de celle-ci dans les œuvres existantes.
Juan Asensio est donc tout à fait habilité, dans cette perspective, à trier, à sélectionner, à hiérarchiser, et à condamner, séparant le bon grain de l’ivraie : «la critique littéraire n’étant certainement pas comparable au travail d’un anatomiste pour lequel il n’y a pas de différence majeure ou de nature entre un estomac et un cerveau.» (p. 23).
Les familiers de sa Zone savent d’ailleurs fort bien l’énergie que Stalker est capable de déployer en imprécations et énervements contre les mauvais livres. La même colère, faussement impulsive, en réalité longuement méditée et surtout extrêmement écrite, se retrouve dans les pages de La Critique meurt jeune. Le critique littéraire se fait juge, et chercheur de lumière, c'est-à-dire de vérité. Car l’erreur de bien des auteurs, aujourd'hui, est peut-être d’avoir oublié que la littérature est médiation, c'est-à-dire aussi effort, artifice, pour tenter de retrouver ce «Nom» étrange, inconnu de nous, qui est la source secrète de toute existence, cette entité mystérieuse en laquelle le chant et la lumière ne faisaient qu’un, comme semble le suggérer la phrase de Bloy que je citais plus haut. L’erreur est de croire qu’en art, l’immanence la plus platement indivise, la plus lourdement compacte, peut suffire. La question du sens, de l’efficace de la littérature sur l’existence, et de la vérité ne doivent pas être évacuées ni considérées comme périmées.
Restaurant donc avec force l’ambition d’accéder à la vérité par la littérature, Asensio semble inscrire sa quête dans la perspective herméneutique telle que théorisée par Gadamer : sans jamais oublier que chaque interprète a ses présuppositions, et doit en avoir, à condition de faire sans cesse la lumière à leur propos, toute lecture d’un texte recelant un sens doit pouvoir mener à la vérité. Pour Asensio, cette vérité se formulera selon les catégories chrétiennes de description de l’existence : l’affrontement avec le Mal, la quête de rédemption et la recherche du Christ dans les méandres du monde sont les grandes expériences spirituelles et physiques (le spirituel ne pouvant aller sans le physique, puisqu’il doit chercher à s’incarner en celui-ci) qui signifient, aux yeux du critique, une réussite littéraire. Le langage doit transmuer l’existence, préparant l’avènement mondain des plus hautes formes de transcendance : ainsi, à la page 23, Asensio écrit : «En un mot comme en mille, l’art sauvé doit être langage rédimé, silence, autre nom de la prière. Cet acheminement, dont on se doute qu’il s’agit d’une véritable ascèse, d’un dépouillement spirituel, sera admirablement décrit par l’un des plus beaux romans de Paul Gadenne, L’Avenue […]» (je souligne).
L’essai de Juan Asensio est un recueil d’articles divers écrits lors des trois dernières années, mais il possède une cohérence tout à fait comparable à celle qu’aurait eue un livre écrit et pensé de façon linéaire. Asensio y avance une série de thèses esthétiques et métaphysiques fortes, qu’il confronte aux œuvres pour les confirmer, ou bien plutôt, pour les mettre à l’épreuve de la singularité de celles-ci. Ainsi, la position quasi transcendantale du langage, le langage comme condition de possibilité de toute expérience du monde (le langage comme «forme symbolique» aurait dit Cassirer), ou, dans la perspective d’Asensio, de la beauté, et idéalement de la rédemption, la vocation de la littérature à affronter le Mal et la dégénérescence du langage contemporain qui en est à la fois l’origine et l’ultime manifestation (Dantec venant ici appuyer la thèse d’Asensio lors d’un entretien de très haute volée), la remotivation des «mots de la tribu» comme mission salvatrice de la littérature pour lutter contre la «surdénomination», fléau de l’équivocité originelle et de la pluralité des noms ainsi désigné par Walter Benjamin, qu’Asensio cite souvent, toutes ces thèses se déploient d’article en article, non pas comme un canon de dogmes qui viendraient juger de manière guindée les œuvres singulières, mais comme l’organon, l’instrument, de l’illustration (au sens étymologique du mot) des œuvres critiquées.
Car à bien y réfléchir, et même si Asensio ne se gêne pas pour diagnostiquer des échecs (Pogrom, d’Éric Bénier-Bürckel, mais aussi, comme je l’avais plus ou moins pensé en lisant le roman de Dantec, l’échec partiel de Villa Vortex par saturation finale d’images et de thèses trop intenses et finalement indigestes alors que le souffle naturel de l’écriture de Dantec aurait dû, peut-être, le mener à une écriture de la réconciliation, qui à mon sens n’est venue que dans les meilleurs passages de Cosmos Incorporated), à bien y réfléchir donc, Asensio veut magnifier, il veut parcourir les arcanes du monde pour y déceler des commencements de beauté et de joie, qu’il pourra, par la critique, mettre en lumière. Ce qui se passe est alors singulier : le critique, par son activité incessante de porte-flambeau, voire de thuriféraire, accède lui aussi à la dimension de l’œuvre littéraire. Je ne crains pas de répéter ici ce que j’avais déjà écrit à Juan Asensio : certains de ses articles sont d’une écriture admirable, et se lisent comme des œuvres littéraires à part entière. Encore faut-il comprendre comment aimer l’écriture d’Asensio. Stalker, devenu à son tour auteur, croit implicitement, et avec raison, que la fulgurance de la lumière et de la beauté jaillit d’autant mieux qu’il y a eu travail, artifice, remaniement incessant de toutes les possibilités de la langue (à mille lieues, en ce cas, de La vie sexuelle de Catherine M., voilà qui ne fait aucun doute …! Quoique, comme on sait, madame Millet ait pu explorer ces «possibilités de la langue», mais en un tout autre sens…). Il faut se laisser emporter dans les méandres des phrases d’Asensio, dans cette écriture labyrinthique, souvent saturée de concepts et de présupposés que le lecteur élucidera au fil des textes de La Critique meurt jeune… Je prendrai pour exemple de cette écriture ample, riche, le cas paroxystique de la phrase d’une page et demie à laquelle répond la simplicité et la force d’un «oui» dans le texte Pierre Boutang et l’impossible Reprise (p. 158-159).
Écrivant cela, je m’expose à l’objection selon laquelle le Stalker, figure tutélaire du blog de Juan Asensio, n’est pas du tout cet homme du lent travail, de l’intelligence patiente, de la médiation infinie, de la quête indéfinie de l’intertextualité la plus vraie comme retour à (ou avènement de) une parole divine des origines, que je décris ici. Mais à lire les belles pages d’Asensio lui-même à propos du personnage qui incarne métaphoriquement son travail de critique littéraire, il est patent que Stalker est bien ce personnage de l’effort infini, condamné à «risquer sa vie pour la gagner» (p. 11), sachant comment échapper à certains artifices mortels de la Zone.
«Il pense aussi à tous les hommes qu’il a menés dans le territoire proscrit de la Zone. Tous ne sont pas revenus, loin de là. Certains, qui ont pourtant eu la chance et le privilège de pouvoir pénétrer dans la Chambre – mais que s’est-il alors passé à l’intérieur de cette pièce ? – ont ensuite, sans explication, disparu. Porc-épic lui-même, le maître du Stalker, celui qui lui a appris à éviter les pièges diaboliques, s’est suicidé. Le Stalker aimerait que les hommes soient heureux, car, s’étant fait sa petite opinion sur la Zone, il pense qu’elle est comme une espèce de cadeau, un don qui aurait été fait à l’humanité, qui bien sûr l’ignore ou feint de l’ignorer. Ainsi souhaiterait-il le bonheur pour tous, lui-même n’ayant jamais songé à demander quoi que ce soit, pas même que sa fille soit guérie de l’infirmité qui la ronge.» (p. 13)
Guide condamné à des voyages inutiles (car certains meurent et ne parviennent jamais à leur but), le Stalker demeure néanmoins l’être de la médiation, le guide, et celui qui «rend possible». Le Stalker sait qu’un don a été fait aux hommes, et de même le critique littéraire a, plus que tout autre lecteur, conscience de l’origine plus qu’humaine de la littérature. Leur rôle est alors, telle la salive de Marie Daubrun pour l’âme du poète, «charriant le vertige», de rouler l’âme du lecteur «aux rives de la mort»… Le critique littéraire nous dépose au pied des volcans, nous mène aux portes d’une «terre promise» : c'est d’ailleurs cette image qu’employa Husserl lui-même pour parler, à la fin de sa vie, de la phénoménologie, dans la postface aux Ideen, figurant dans le troisième et dernier tome. Je réponds ici à Juan Asensio, en toute modestie et à titre d’hypothèse complétant le texte sur le Bref séjour à Jérusalem d’Éric Marty, que cette formulation de Husserl est peut-être ce qui pourrait motiver la lecture de l’œuvre du phénoménologue par le journaliste du Monde comme «le patient, complexe, parfois opaque commentaire d’une préoccupation unique, quoique tue par le philosophe, laquelle serait : Israël.» (p. 216).
Juan Asensio n’accepte aucune facilité : il faut un effort, une «ascèse», une férocité intellectuelle, il faut mettre en œuvre tout cela pour pouvoir espérer comprendre la force de la littérature. C'est cela que s’acharne à dire, inlassablement, cet essai dense, extrêmement cultivé, soutenu par une écriture remarquable, qui encourage à lire autrement les œuvres, ces réalités étranges qui devraient toujours être , selon le vœu de Dantec à propos de ses propres livres, «de véritables virus psychiques au service de la Vérité, disons, si vous le voulez bien, au service de l’Être.» (p 114).

Cher Juan,

Sans doute sera-t-il utile de vous expliquer pourquoi, d’une lecture relativement «distante» par rapport à certains aspects de votre Zone, notamment à propos de cette énergie déployée à pourfendre nombre de gens dont les paroles et les écrits ne se montraient pas, selon vous, à la hauteur de ce que doit être la littérature, je suis passé en quelques semaines à un enthousiasme parfaitement assumé à lire vos travaux sur la littérature. La publication de votre livre a clairement été l’occasion de prendre le temps d’une lecture sereine, et de comprendre a singularité de votre démarche critique. Il ne s’agissait pas, il faut bien le comprendre, d’un travail universitaire obéissant à des impératifs d’exhaustivité, de patience dans la démonstration, etc. Il s’agissait d’honorer les oeuvres que vous aviez lues, en proposant à votre tour des textes d’une extrême exigence dans l’écriture et dans l’engagement personnel.
Ce que j’apprécie le plus dans votre démarche, du moins dans ce que j’en connais et dans ce que j’ai cru en comprendre, demeure peut-être la très grande honnêteté intellectuelle dont vous faites preuve. Si mon texte vous a plu, recevez-le comme un témoignage d’estime pour cette très grande qualité qu’est la droiture intellectuelle, et qui est patente dans votre travail. Je crois que, doué de la plume et de la capacité de travail qui sont les vôtres, si vous aviez décidé de «rentrer dans le rang» et de faire nombre de concessions, vous connaîtriez des succès éditoriaux retentissants… en écrivant de la bouillie. La critique mourrait fort âgée, et parfaitement gâteuse ! Le choix d’une prose souvent polémique, et que je trouve savoureuse car plus proche de Bloy que de Lindenberg, dans un style très travaillé, et l’adoption d’un phrasé labyrinthique que vous mettez au service de la fulgurance des idées, font de vous un auteur difficile à aborder, et j’avoue avoir parfois pris mon temps pour relire certaines de vos phrases et en saisir le mouvement précis. Il y avait quelque étrange poésie à vous lire à la tombée de la nuit, assis sur les quais près de Notre-Dame, à découvrir avec vous Boutang, Conrad, Bernanos…
Vous êtes loué, ailleurs, pour votre grande «fidélité», et le mot est très juste. Je ne sais pas si je reprendrais à mon compte toutes les thèses que vous défendez, sans doute proposerais-je, ici et là, quelques notables divergences, mais votre cohérence, et la rigueur de votre conception de la littérature vous honorent. Au-delà de ces quelques inessentielles divergences qui pourront subsister, il y a une vérité forte sur laquelle je suis en total accord avec vous, et qui suffira toujours pour me pousser à retourner vous lire dans la Zone : la littérature doit demeurer exceptionnelle, c'est-à-dire, par définition, élitiste. Elle doit refuser de consacrer comme œuvres des récits dénués de toute visée de transcendance (en ce sens, ma petite «gauloiserie» sur les us et coutumes sexuels de madame Millet, répondant à la vôtre, voulait signifier que j’étais en parfait accord avec vous). Cette transcendance peut selon moi simplement renvoyer à un usage de la langue inhabituellement beau, sans que les thèmes de l’œuvre engagent l’essence même du monde. Mais j’avoue bien volontiers être transporté de plaisir et de joie en lisant des œuvres comme La fosse de Babel ou les romans de Dantec, où la littérature prend en charge le fonctionnement secret du monde jusqu’à retrouver, comme votre essai le mentionne fréquemment, la fonction principielle, organique, du langage dans la Création du monde. Dantec usant et abusant de l’image du cœur de lumière enclos dans les ténèbres, Abellio déployant sa structure absolue : 2005 fut pour moi une année de découvertes essentielles, et votre Zone un idéal complément à ces lectures lentes, patientes (j’ai mis près d’un mois pour lire Villa Vortex), avant de devenir la source nourricière de nouveaux choix de lectures. En effet, à vous lire, j’ai été saisi par l’envie de lire Sabato, Gadenne, Boutang, Bernanos…
Je n’attends surtout pas de me sentir en total accord avec un auteur, ni de croire me retrouver parfaitement en lui, pour le lire et pour aimer son œuvre. Il me semble ainsi parfaitement absurde de refuser, quasiment «par principe», de lire Dantec (à qui, rappelons-le, votre Critique meurt jeune est dédiée) en croyant, sur la base d’informations approximatives et de lectures plus que lacunaires, avoir trouvé en lui une sorte de facho redoutable parce qu’incomplètement assumé ( ce sont là les effets désastreux de la prose fort peu rigoureuse de Lindenberg, mais aussi de l’imprudence de Dantec lors de l’envoi de ses deux ou trois mails au Bloc Identitaire…). Les lecteurs de Dantec, qui peuvent parfois même négliger le rôle que jouent dans son œuvre ses opinions, qu’il consacre pourtant beaucoup d’énergie à clamer, savent que ses livres, et particulièrement son œuvre romanesque (je n’ai pas lu en entier les deux tomes du Théâtre des Opérations) permettent de vivre des heures magnifiques, passionnantes, ne serait-ce qu’au nom de cette beauté transcendante que j’ai évoquée. Je me permettrai enfin d’ajouter que tout Cosmos Incorporated est un livre transi, traversé de part en part, par l’espérance d’une rédemption et d’un avènement de l’amour. Qui se permettrait de trouver «ringards», compassés, voire «un peu trop chrétiens» ces thèmes n’aurait sans doute rien à voir avec ce qui s’appelle tout simplement l’art et la littérature…
Voici, cher Juan, au nom de quels principes, qui ne dépassent finalement guère le simple bon sens et une ouverture d’esprit minimale, j’ai tenté d’approcher votre travail et d’en rendre compte à mon tour. Il me reste à vous signifier ma joie d’avoir pu entrer en contact avec vous, cher Juan. Sans doute connaissez-vous cette étrange satisfaction qui consiste à pouvoir entrer en dialogue, fût-ce de façon brève et par l’intermédiaire d’Internet, avec des personnes dont on respecte le travail. Tous mes encouragements pour la Zone, et éventuellement pour un prochain livre à venir,

amitiés,

Bruno Gaultier.

PS : je viens de recevoir votre mail de ce matin (2 août). Vous m’y annoncez un texte «peu amène» à l’égard des critiques qui ont été émises sur votre ouvrage, texte qui précédera la publication prochaine du mien dans la Zone. L’important, dans la poursuite de votre travail sera sans doute de rencontrer toujours plus de gens ayant l’intelligence de passer outre leurs éventuels désaccords avec vos thèses sur la littérature et le rôle de la critique, pour pouvoir, comme j’ai tenté de le faire à mon modeste niveau sur Systar, signaler les moments cruciaux où nous pouvons nous rencontrer et discuter. Je connais très peu les différents milieux que vous côtoyez et êtes amené parfois à affronter : les revues littéraires, les rédactions de magazines littéraires, toute une certaine presse parisienne qui décide assez vite de ce qu’elle veut (et donc de ce que le public doit) aimer… Mais j’espère qu’à terme, vous pourrez y bénéficier d’une reconnaissance plus large que les rares articles qui ont mentionné votre travail pour en louer telle ou telle qualité. J’ai en tête, par exemple, le silence du dossier sur Steiner proposé il y a quelque temps par Le magazine littéraire, qui se dispensait de citer votre travail à propos de cet auteur. Je n’ai pas lu l’ouvrage que vous aviez consacré à l’auteur de Réelles présences, mais peu importe : il ne me semblait pas qu’il y ait en France une quantité industrielle d’essais sur Steiner au point qu’une bibliographie, même sommaire, puisse évidemment se passer de citer votre livre, entièrement consacré à Steiner et à de possibles et réels dialogues avec la pensée de celui-ci… J’avais trouvé cela surprenant, pour ne pas dire léger. Il reste néanmoins à encourager, autant que faire se pourra, une certaine inflexion de ces magazines, si la chose est pensable et possible, en faveur d’auteurs pourtant majeurs et qui sont trop peu présents dans les colonnes de ces papiers ayant sur le public un impact médiatique et commercial notable…

Lien permanent | Tags : Littérature, critique littéraire | |  Imprimer

09/10/2006

Entretien avec Maurice G. Dantec, 2

Crédits photographiques : Maximilien Brice (© CERN).

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, science-fiction, politique | |  Imprimer

01/10/2006

Karl Kraus en ses guerres

Photographie (détail) de Juan Asensio.

Lire la suite

Lien permanent | Tags : littérature, critique littéraire, journalisme, karl kraus, éditions agone | |  Imprimer