10/12/2005
Alain Finkielkraut en chute libre ?

J'ai décidé de donner quelque écho à cette lettre que deux journalistes, dont l'un, Jean-Pierre Tailleur, est un ami qui m'avait déjà proposé un certain nombre de textes consacrés au maljournalisme, ont tout récemment envoyé à Alain Finkielkraut, traîné dans la boue après avoir écrit un article (What sort of Frenchmen are they ?, traduction anglaise de l'original en langue hébraïque) publié dans Haaretz.
En voici une version française fidèle, intitulée Quel genre de Français est-ce là ?. J'ajoute, pour faire bonne mesure, ce texte, pour le moins peu amène et prétendument objectif, signé d'Henri Maler et publié sur le site de l'Acrimed. Bien évidemment, ce scribouillard (je ne vais tout de même pas employer le terme d'auteur, n'est-ce pas ?) ne juge absolument pas utile de nous démontrer en quoi Alain Finkielkraut se serait trompé dans ses assertions explosives, se bornant donc, comme la majorité de ses congénères à la stature intellectuelle peu enviable, de pointer les approximations et les subites virevoltes sémantiques du penseur. Le fond de cette sale affaire, bien sûr, que ce besogneux éphémère n'a pas même effleuré de l'une de ses pattes aussi fines qu'un ver des marécages, continue de gronder. Et encore, s'il n'y avait que ces rinçures vite diluables mais non puisque je vous rappelle, au cas improbable où vous l'auriez oublié, que nous sommes en France, pays qui a inventé, paraît-il, la pétition. Alain Finkielkraut a donc eu droit, on s'en serait douté, à la sienne, misérablement contresignée par quelque douzaine d'impuissants sur un site d'arrière-latrine virtuelle. Soyons cependant bien certains d'une chose : s'ils en avaient, durant une seule seconde, le pouvoir, ces imbéciles pétitionnaires ne se contenteraient point d'une ridicule bulle d'excommunication aux vertus citoyennes mais ajusteraient lentement, très lentement, avec un immense plaisir récompensant leur stricte obéissance à la Ligne du Parti, la mire sur le corps préalablement roué de coups de n'importe quel Finkielkraut, fût-il le plus décharné et étique porteur de lunettes, comme nous avons vu la scène, des milliers de fois, se reproduire, par exemple au Cambodge. Car il y a, entre ces crétins compulsifs qui ne sont que des lâches faussement vertueux et les anonymes tueurs des régimes socialistes un point commun banal mais pas moins caché : la haine placide, implacable de l'homme des foules à l'égard de ses frères secrètement haïs, haine ou plutôt ressentiment décrit, dans son abjection petite-bourgeoise, infiniment médiocre, infiniment partagée, par Edgar Poe ou encore Harry Mulisch.
Voici donc cette courte lettre.
A l'attention de Monsieur Alain Finkielkraut.
Monsieur, nous sommes deux journalistes qui avons été sensibles à vos écrits, à vos déclarations sur la situation actuelle en France et dans le monde. Nous partageons vos idées et nous avons été choqués par la levée de boucliers et la campagne infâme qui tente de vous écraser. Ce texte exprime notre solidarité avec vous et vous êtes le premier à le recevoir.
Recevez nos cordiales et solidaires salutations.
Eduardo Mackenzie et Jean-Pierre Tailleur, journalistes.
Personne ne la nomme ainsi, mais tout porte à croire qu’il y a une opération anti-Finkielkraut en marche. Cette machine a pour objet la mort sociale et médiatique du philosophe. Elle connaît, certes, une pause, après la mise au point hésitante de Robert Solé, le Médiateur du Monde, où il admet que ce journal aurait abusé des «anathèmes» contre le philosophe et polémiste. Mais rien n'empêche qu'elle soit poursuivie ou qu'elle rebondisse de plus belle.
Cette démarche indigne n'a pas commencé avec le résumé tronqué de Sylvain Cypel dans Le Monde du 24 novembre 2005. Ce texte prétendait rendre compte d'un long entretien accordé par Alain Finkielkraut au journal israélien Haaretz. Elle a démarré, en réalité, sur France 5, dans l'émission Ripostes de Serge Moati, où l'auteur de La défaite de la pensée a été attiré dans un véritable guet-apens. Un parterre monolithique d'invités s'y est aligné sur la même consigne : disculper les émeutiers des banlieues par un discours victimisant et menacer tous ceux qui oseraient, comme Finkielkraut, examiner les faits et s’interroger sur le facteur ethnico-religieux des «violences urbaines».
L'un des invités, Tarik Ramadan, y était aux anges. L'avalanche de propos outranciers contre Finkielkraut empêchera, en fait, le véritable échange d'idées que les téléspectateurs attendaient de cette rencontre. Désinvolte et condescendant, le professeur ès-islamisme souriait et ricanait face aux propos nauséabonds véhiculés par les chansons rap qu'un Finkielkraut horrifié venait de citer sur le plateau.
Organisée quelques heures après la fin de la vague d'émeutes de novembre, cette étrange émission de Serge Moati a contribué à escamoter les vrais enjeux de la récente vague de violences dans les cités. Elle fut de ce fait une des premières émissions télé où le discours officiel de disculpation et de repli face aux émeutiers fut assené avec une rare brutalité et sans appel.
On connaît ce qui a suivi : Alain Finkielkraut a eu droit au «choix de citations» de Sylvain Cypel, au sibyllin «J'assume» du Monde, aux critiques indignées du Nouvel Observateur, à une menace de plainte pour diffamation de la part du MRAP et aux critiques misérables de Sylvain Bourmeau dans un débat-interrogatoire organisé par France Culture.
Le directeur adjoint de la rédaction des Inrockuptibles, aveuglé par son arrogance et ses a priori politiquement corrects, notait chez Finkielkraut des tares qu’il pouvait s’attribuer d'abord à lui et à ses amis. Notamment, le fait de voir la réalité des banlieues à travers les idées et non les faits. Le philosophe, certes, n’était pas libre de reproches dans ce débat, avec des pointes d’emportement qui lui faisait couper la parole à son adversaire. Mais les propos de Bourmeau, journaliste auto-désigné «intelligent» lors d’une pétition contre le gouvernement Raffarin, étaient des plus consternants, ce que les médias se sont gardé de relever.
Le summum de la mauvaise foi a été atteint par un article du Canard enchaîné du 30 novembre 2005. On apprenait par des moqueries racistes, probablement pardonnables car émises par le vertueux hebdomadaire de Claude Angeli, que le philosophe «n'est pas un Français de souche» et que son nom peut aussi s'écrire ainsi : «Fin-fiel-kraut». Le journal satirique lançait même une pétition pour la suppression de l'émission Répliques, produite par l'intéressé les samedis sur France Culture.
Pourquoi cette volonté de frapper si bassement un intellectuel comme Finkielkraut ? Parce qu'il dérange. Parce qu'il dérange énormément. Car, en contredisant non sans succès les croyances de l'ordre établi, le philosophe-essayiste montre un chemin autre au monde intellectuel français pour lui permettre d'échapper enfin aux sentiers crépusculaires des Michel Foucault, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Pierre Bourdieu et autres, auteurs célèbres et célébrés par leurs hauts énoncés bien plats, par leurs apologies du rejet et de la pensée éclatée.
On essaye d'abattre Finkielkraut parce qu'il dénonce sans relâche la montée de l'idéologie des particularismes identitaires, l'approche culturaliste et communautariste. Parce qu'il fustige le relativisme dominant, parce qu'il invoque l'actualité d'Ernest Renan contre les élèves tardifs de Johann Herder. Parce que tout simplement il alerte, comble des erreurs, dans un contexte d’attaques organisées contre les apports positifs de la culture occidentale.
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