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L'ombre des forêts de Jean-Pierre Martinet
À propos de L’ombre des forêts de Jean-Pierre Martinet (1987, La Table Ronde, coll. La petite vermillon, 2008).Florent Georgesco : Comment Martinet réagissait-il à l’accueil de ses livres ?
Alfred Eibel : L’échec de L’Ombre des forêts, sur lequel il avait vu que nous fondions quelques espoirs, a été terrible pour lui. Il m’a dit : «J’arrête.»
F. G. : De fait, il a arrêté. Il n’a plus rien publié jusqu’à sa mort, six ans plus tard.
A. E. : Il faut dire qu’il a ensuite eu un accident de santé très grave, une sorte d’embolie qui l’a laissé partiellement paralysé. Il me disait : «J’ai l’impression que les ampoules de ma tête sautent les unes après les autres.»
Extrait d'un entretien intitulé Les oiseaux de métal, Jean-Pierre Martinet (1944-1993) entre Alfred Eibel, Julia Curiel et Florent Georgesco, paru dans le numéro 36 de La Revue littéraire éditée par Léo Scheer.
D'où vient cette impression aussi pénible qu'étouffante que, quoique la canicule pèse sur la ville imaginaire de Rowena cuite par le soleil qui fait puruler les âmes, nous nous déplaçons dans une nuit qu'aucune aurore ne viendra trouer, aucune brise rafraîchir ? D'où, cette sensation que Jean-Pierre Martinet a extraite du grand roman de Bernanos ses personnages les plus marquants, Monsieur Ouine et Jambe-de-Laine, pour les transplanter au milieu d'un décor vidé à la fois de Dieu et de Satan que parcourent quelques fantômes malades de solitude, de crasse et de rêves brisés ? D'où, ce sentiment malsain que l'auteur se serait amusé à allonger indéfiniment, pour y perdre son lecteur pris à la gorge, un des noirs tableaux grotesques, une de ces fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot inventés par Aloysius Bertrand ? D'où, cette vision de personnages qui, privés de leur ressort premier, la colère, l'exigence que justice soit faite, l'indicible et scandaleux amour qui lie le meurtrier à sa victime, peut-être même moins que cela : la volonté, animale et bornée, de vivre coûte que coûte, L'ombre des forêts ressemblant ainsi à quelque Vent noir où sombrent de pauvres créatures privées d'un ultime sursaut d'honneur et de la volonté de ne point disparaître dans l'indifférence du monde ?
Une seule trouée véritable, aussi inattendue que splendide, fore ce roman étrange, envoûtant et parfois irritant d'une profondeur de révélation sans suite, vision d'un ciel de toute façon refusé aux hommes, à l'occasion d'une songerie de Céleste sur un film où jouait Clark Gable, ou un autre acteur peu importe, elle ne sait tout simplement plus, ne l'a peut-être même jamais su : «S’agissait-il du même film ? Peut-être, mais elle n’en était pas très sûre. Pourtant il y avait toujours Clark Gable, mais il lui semblait qu’il avait terriblement vieilli, qu’il n’était plus que l’ombre de lui-même, revêtu d’habits anciens pour faire illusion, ou alors elle confondait avec un autre film, une autre époque, un autre rôle plus prestigieux, peut-être même un autre acteur, elle ne savait plus, tant d’années peuvent s’écouler en quelques minutes, elle éprouvait un effroyable sentiment de tristesse, d’anéantissement, tandis qu’elle regardait d’un air absent les champs de coton, les grandes plantations disparaître dans les flammes, sous le ciel du Sud, immense et blanc, arrogant, comme intouchable, si loin, si haut, que même les fumées des incendies semblaient hésiter un instant, respectueusement, avant de monter vers lui, et de s’y perdre, disséminées par le vent qui attisait de nouveaux foyers, en bas, chez les hommes, là où l’on s’agite et l’on hurle silencieusement, au milieux des décombres» (op. cit., p. 178).
02/02/2009 | Lien permanent
Intégralité de l'Enquête sur le roman
18/07/2011 | Lien permanent
Entretien avec Benoît Hocquet
Richard Millet, L'Opprobre. Essai de démonologie (Gallimard, 2008), p. 167.
Benoît Hocquet
Vous êtes ce qu'on peut appeler un écrivain catholique. Comment se définit le rapport entre ces deux qualités, à savoir écrivain et catholique ? Et à partir de là, est-ce que pour vous l'expérience littéraire est suffisante en elle-même ou ne se conçoit-elle nécessairement qu'avec la Foi, dans un rapport religieux ?
Juan Asensio
Un écrivain qui ne serait que cela : un écrivain catholique, serait un bien mauvais écrivain ou bien un écrivain seulement capable de faire frémir les vieilles filles des Procure. Je vous rappelle que ce genre de classification particulièrement sotte faisait éructer de mécontentement d’immenses écrivains tels que Claudel ou Bernanos, catholiques pour le moins intransigeants. Je reprends à mon compte l’idée de Harold Bloom selon laquelle tout écrivain digne de ce nom doit, lorsqu’il décide d’écrire, «ruiner les vérités sacrées», c’est-à-dire, tout en admirant ses prédécesseurs, faire comme si, avant lui, nul n’avait écrit. Si Hermann Broch n’était resté que respectueux de son modèle antique, jamais il n’aurait pu parvenir à achever son somptueux roman intitulé La mort de Virgile.
De la théorie à la pratique : je ne suis pas écrivain mais critique littéraire et essayiste, ne mélangeons pas les genres. Je dis cela non par dédain envers les écrivains ou dépit de n’en être point mais bien au contraire parce que j’éprouve à leur endroit un respect immense. Or, vous avez sans doute remarqué que n’importe qui, aujourd’hui, se prétend le digne héritier de Céline ou de Proust. Je laisse donc l’appellation d’écrivain, aussi sale qu’une putain centenaire qui n’aurait pas pris de douche, à des vieillards libidineux comme Philippe Sollers et à de prétentieuses bonnes femmes telles que Christine Angot que son nouvel éditeur, Le Seuil, sans la moindre honte, a achetée (comme s'il s'agissait d'une marchandise : c'est peut-être bien le cas, le marché est désarmant) pour une somme parfaitement indécente. Nous nous trouvons dans une époque, hélas, où le premier crétin ayant tagué deux rimes plates sur un mur de pissotière est digne de recevoir tous les honneurs. S’il favorise le «lien social», s’il évoque le délicat phrasé de la banlieue, s’il va même jusqu’à choquer le bon père de famille (en lui rappelant par exemple qu’une gamine de douze ans peut être diablement désirable) tout en restant dans les normes (il faut choquer jusqu’à un certain point mais pas au-delà) en prétendant que l'art se doit d'ignorer les tabous, alors dans ce cas, il peut directement prétendre à l’Académie française.
Benoît Hocquet
Vous évoquez en mal Christine Angot ou Philippe Sollers. Cependant, vous avez suivi depuis quelques années maintenant, avec ce qu'on pourrait nommer un grand zèle critique, l'œuvre de Maurice G. Dantec, dont vous ne lirez pas, comme vous l'annonciez dans une de vos notes, le dernier roman Artefact, paru cette rentrée. Maintenant, il semble que vous n'ayez plus rien à dire sur cet auteur. Pour autant, quel regard jetez-vous sur les nombreux textes critiques que vous lui avez consacrés jusqu'à maintenant ? Est-ce qu'il n'y a pas chez le critique un véritable risque de désaffection au terme d'un long travail, perspective que je trouve personnellement assez désespérante, après que vous l'avez défendu avec conviction pendant si longtemps ? Et pour en finir avec Dantec, ne trouvez-vous pas un peu louche l'esprit de secte qui semble animer toute la communauté de ses lecteurs, quand même le dernier tome de son journal maniait avec une autodérision certaine toutes ces considérations à propos d'une Apocalypse dont l'auteur ne cesse d'annoncer la venue, avec une certaine confusion d'ailleurs ?
Juan Asensio
Beaucoup de questions en une seule.
Je ne renie évidemment aucun de mes textes consacrés aux romans de Maurice G. Dantec, ce serait absurde même si, après ma critique de Villa Vortex qui annonçait (pour qui savait lire, je vous l’accorde) la conversion de son auteur au christianisme, effectivement, je me suis trouvé quelque peu… vidé ou plutôt désarçonné. Et puis, comme ce que j’avais écrit sur Villa Vortex me paraissait, et me paraît encore parfaitement valable pour les romans qui l’ont suivi (à l’exception d’Artefact, vous l’avez signalé, que je n’ai pas lu), à quoi bon réécrire le même texte avec moins de hargne pour défendre l’auteur, moins de vigueur et surtout, sans réellement y croire ?
Un écrivain, pardonnez-moi cette banalité, est une personne sachant écrire et l’on ne peut pas exactement parler de Dantec comme étant un styliste, un puriste de la langue française… Ce qui m’intéressait donc davantage chez cet auteur, c’étaient ses fulgurances, l’étendue de ses références (de Deleuze jusqu’aux Pères de l’Église en passant par beaucoup d’auteurs de science-fiction), le fait de citer, ce que quasiment plus personne ne fait aujourd’hui, par ignorance mais aussi par trouille, des auteurs tels que Georges Bernanos, Dominique de Roux, Pierre Boutang, Léon Bloy, George Steiner et même Ernest Hello (par exemple dans le dernier tome de son Journal)…
Il y a donc, oui, vous avez raison, un risque véritable de fatigue, de lassitude, de désaffection, position compliquée par le fait que je connaissais personnellement Maurice G. Dantec, du moins, jusqu’à ce que son agent littéraire, celui-là même qui l’a fait signer chez Albin Michel, décide que j’étais, subitement, devenu persona non grata, ayant trahi la sainte cause… Me voici une nouvelle fois promu Judas !
Soyons sérieux. Il y a donc, oui encore, un risque non plus simplement de simple désaffection mais de réel éloignement puisque, vous l’aurez compris, la pire calamité pouvant tomber sur un écrivain est la création d’une société des lecteurs, qui ne lisent rien ou de travers et se réclament de l’œuvre d’un romancier à des fins presque systématiquement uniquement, hélas, politiques, ce qui est le cas avec la majorité des lecteurs de Dantec, qui ont peut-être quelque mal à croire que Duns Scott est autre chose qu'un super-gentil de la revue Strange… À mon sens, les meilleurs lecteurs de l’œuvre du romancier sont également ceux qui s’en sont finalement assez rapidement éloignés : Olivier Noël, Bruno Gaultier, Germain Souchet, Jean-Baptiste Morizot et enfin moi-même.
Je ne vois personne d’autre susceptible de défendre intelligemment (Jean-Louis Kuffer peut-être...) les textes de Dantec qui, après tout, est un grand garçon et reste parfaitement libre de diriger sa carrière comme il l’entend.
Benoît Hocquet
C'est très intéressant en un sens puisque vous en revenez presque à l'avis de Richard Millet disant ne trouver dans les romans de Dantec aucune «écriture digne de ce nom». Vous y aviez fait référence dans une de vos notes, en invitant Richard Millet à s'intéresser d'un peu plus près à justement ces éclairs de beauté, ces fulgurances. Par ailleurs, vous évoquez surtout le cas de Dantec mais j'ai l'impression qu'il s'est un peu passé la même chose avec George Steiner que vous teniez aux commencements pour «génial commentateur» alors que maintenant vous semblez plus le considérer comme un «habile vulgarisateur», comme si l'édifice critique que vous bâtissez patiemment menace à tout moment de s'affaisser comme un château de cartes. Je sais bien que l'infaillibilité critique est impossible mais cela dénote un réel risque.
Juan Asensio
Vous avez tout à fait raison et je n’ai pas l’habitude de me dédire. Attention tout de même : vous n’évoquez que des jugements, les miens (que je ne renie absolument pas) parus sur mon blog alors que j’ai été, vis-à-vis de Steiner comme de Dantec, toujours assez critique dans mes ouvrages. Il n’y a aucune infaillibilité de la critique, qui peut bien sûr se tromper. Or, je ne me suis pas trompé sur Dantec, m’étant contenté, lors de la parution de Villa Vortex, de dire, en somme : voici les raisons pour lesquelles ce romancier est diablement intéressant et voici de quelle façon, en suivant quelle voix, il le deviendra encore plus. La fonction d’un critique est d’accompagner l’auteur, de démêler à ses propres yeux ses ouvrages (comme Claude-Edmonde Magny le fit à propos de Monsieur Ouine de Georges Bernanos, lequel n’oublia pas de remercier la critique…), et non point, comme c’est hélas le cas aujourd’hui, d’en vendre les produits ou de déclarer qu’ils sont périmés, en les ayant, tout au plus, vaguement reniflés. Cela, c’est le métier d’un vendeur de saucisses, pas d’un critique littéraire. Il est vrai que les professions ont aujourd’hui tendance à se mélanger de fâcheuse manière.
Richard Millet, magnifique romancier, nul ne lui conteste ce titre, ferait d’ailleurs bien de revoir sa méthode herméneutique, pour le moins sujette à caution. Je le soupçonne de n’avoir lu aucun roman de Dantec parce que, s’il l’a effectivement lu et qu’il continue d’affirmer qu’il n’y a là pas d’écriture (aussi bancale qu’on le voudra mais, je le répète, charriant des fulgurances), alors cela signifie que cet homme est tout simplement un sot. C’est d’ailleurs un doute qui, dans mon esprit, ne cesse de grandir. Je vous renvoie à ma critique du bizarre Désenchantement de la littérature : d’excellentes choses sont écrites dans ce petit livre mais il y a un problème, et de belle taille, dans le fait que cet ouvrage est davantage qu’un pamphlet un traité de savoir-vivre à l’usage d’un écrivain en fin de course (selon ses propres dires). Nous verrons donc si Millet se tient à son impératif catégorique : le silence, le sien d’abord…
[Ajout du 18 mai : non, si j'en juge par le récent Opprobre].
Le cas de George Steiner est autrement plus complexe que celui de Dantec, d’abord parce qu’il nourrit un étrange rapport avec les auteurs qu’il commente (il sait ne pas leur arriver à la cheville, il souffre de ne point posséder leur talent ou leur génie, certain ami l’a même vu pleurer de rage devant l’évidence de ce fait, et pourtant, il juge ces mêmes auteurs qui le paralysent, il les critique parfois durement, ou ne les cite jamais, l’exemple le plus frappant de ce mutisme étant le cas du Grand d’Espagne, Georges Bernanos); ensuite parce qu’il nourrit un rapport plus que paradoxal avec le christianisme, qui le fascine et l’horripile. Il y a plus : j’ai rencontré l’homme et, ma foi, pour rester poli, je ne l’ai pas franchement trouvé à la hauteur de son œuvre. Dantec, au moins, qui est d’une gentillesse assez exceptionnelle, ne fait pas mentir son œuvre en se juchant sur un promontoire depuis lequel il distribue à ses admirateurs les bons et les mauvais points.
En règle générale, les sociétés de lecteurs, les cercles d’amis, les «happy few», bref, donnez-leur le nom que vous voudrez, qui s’érigent autour d’une œuvre et surtout de son auteur dont il s’agit d’analyser le moindre grattement de nez sont l’une des pires calamités digne de s’abattre sur la tête d’un écrivain : ainsi, pour ne vous citer qu’un seule exemple, la ridicule société des lecteurs de Renaud Camus est d’une insignifiance, d’une prétention et d’une vulgarité sans bornes. Il est vrai que Camus lui-même fait absolument tout ce qu’il est possible de faire pour distribuer, tous les jours, quelques miettes pour lesquelles ses poules et ses coqs seraient prêts à se dévorer les uns les autres.
Benoît Hocquet
Finissons-en donc, puisqu'il le faut. Une chose m'a toujours frappé à la lecture de votre blog, c'est la référence immédiate que vous faites à Andrei Tarkovski et à son chef-d'œuvre Stalker. Ne pensez-vous pas qu'avec des auteurs comme Bergman ou Tarkovski, le cinéma atteint une densité proprement littéraire, supplantant par là même la peinture par exemple ? Il vous est fréquemment arrivé d'évoquer des films et dans une note récente intitulée Synesthésies, vous déploriez l'incapacité de la littérature contemporaine à susciter des images comme elle pouvait le faire autrefois. Est-ce que «le désenchantement de la littérature» dont parle Richard Millet ne s'accompagne pas nécessairement de l'avènement du cinématographe en tant qu'art de la modernité, promis à une large diffusion ?
Juan Asensio
Peut-être mais n’oubliez pas la grande importance de la peinture dans les chefs-d’œuvre de Tarkovski. Certes, certaines des images que ces deux génies nous ont données sont destinées à hanter, je l’espère pour quelques siècles, notre imaginaire.
Votre second point : le cinématographe, s’il est de qualité (Tarr, Bresson, Rohmer, les deux que vous avez cités et une toute petite poignée de maîtres) ne me gêne pas. La télévision en revanche et la pornographie visuelle qu’elle implique, c’est là un autre sujet…
Ceci dit, attention, évitons de faire trop de généralités à propos de la technique qui, en elle-même, n’est ni bonne ni mauvaise : la Toile est ainsi le lieu où naissent (et parfois meurent) des sites ou des blogs d’une immense qualité tout comme celui où pullulent les désirs imbéciles de quelques millions d’anonymes crétins.
Quoi qu’il en soit, dans la note que vous avez l’amabilité de rappeler, je vous rappelle que j’affirmais également que l’Esprit souffle où il veut, puisque je rapprochais certaines des somptueuses images de Matrix des gravures de Doré pour L’Enfer de Dante !
21/05/2008 | Lien permanent
Les Français sont des veaux, pourtant rédimés par l'Agneau
29/03/2004 | Lien permanent
Heureux et fier... Mais après ?, par Serge Rivron
30/05/2005 | Lien permanent
Amnésie de Sarah Vajda ou les voix de nos morts
23/01/2006 | Lien permanent
Excellences et nullités, une année de lectures : 2013
Excellences et nullités de l'année 2010.
Excellences et nullités de l'année 2011.
Excellences et nullités de l'année 2012.
Excellences.
Méridien de sang de Cormac McCarthy (Seuil, coll. Points Roman).
Requiem pour une nonne de William Faulkner (Gallimard, coll. Folio).
Par-delà le crime et le châtiment de Jean Améry (Actes Sud, coll. Babel).
La gloire du vaurien de René Ehni (Seuil, coll. Points Roman).
Un anarchiste de Joseph Conrad (Fayard, coll. Mille et une nuits).
Entretien sur Dante d'Ossip Mandelstam (La Dogana).
Les grands jours de Pierre Mari (Fayard).
Le Salut par les Juifs de Léon Bloy (Mercure de France).
Les saisons de Giacomo de Mario Rigoni Stern (Flammarion, coll. Pavillons poche).
Le Sang du Pauvre de Léon Bloy (Mercure de France).
La Folle Semence d'Anthony Burgess (Éditions du Rocher, coll. Motifs).
Le Grand Coucher de Guy Dupré (Éditions de La Table Ronde, coll. La petite vermillon).
Méditations d'un solitaire en 1916 de Léon Bloy (Mercure de France).
Ultramarine de Malcolm Lowry (Gallimard, coll. L'Imaginaire).
Un jeune mort d'autrefois. Tombeau de Jean-René Huguenin de Jérôme Michel (Pierre-Guillaume de Roux).
L'Orange mécanique d'Anthony Burgess (Flammarion, coll. Pavillons).
Nous, fils d'Eichmann de Günther Anders (Payot & Rivages).
Souvenirs du futur de Sigismund Krzyzanowski (Verdier).
Le retour de Münchhausen de Sigismund Krzyzanowski (Verdier).
Les Veilles de Bonaventura (José Corti, coll. Romantiques).
LTI, la langue du Troisième Reich de Victor Klemperer (Presses Pocket, coll. Agora).
Masante de Wolfgang Hildesheimer (Verdier).
Le Chemin des morts de François Sureau (Gallimard).
L'Âme de Napoléon de Léon Bloy (Mercure de France).
Les Premiers Rois de Norvège de Thomas Carlyle (Le Félin).
Austerlitz de W. G. Sebald (Gallimard).
La venue d'Isaïe de László Krasznahorkai (Cambourakis).
L'Ange des ténèbres d'Ernesto Sábato (Seuil).
Guerre et Guerre de László Krasznahorkai (Cambourakis).
Nullités.
Tout autre. Une confession de François Meyronnis (Gallimard, coll. L'Infini).
Magma de Lionel-Édouard Martin (Publie.net).
La France Orange mécanique de Laurent Obertone (Éditions Ring).
Traum. Philip K. Dick, le martyr onirique d'Aurélien Lemant (Éditions Le Feu sacré).
Les Renards pâles de Yannick Haenel (Gallimard).
La Conjuration de Philippe Vasset (Fayard).
Plonger de Christophe Ono-Dit-Biot (Gallimard).
Georges Bernanos à la merci d'un journaliste, Philippe Dufay (Perrin).
Les moins de seize ans ou les solitudes pédérastiques de Tonton Gabriel (Julliard).
De quoi Richard Millet, Alain Finkielkraut et quelques autres sont-ils le nom ? Sur Richard Millet, De l'antiracisme comme terreur littéraire (Éditions Pierre-Guillaume de Roux), Alain Finkielkraut, L'identité malheureuse (Stock).
Autobiographie des objets de François Bon ou l'écriture constipée (Seuil).
30/12/2013 | Lien permanent
Excellences et nullités, une année de lectures : 2014
Rappel
Excellences et nullités de l'année 2010.
Excellences et nullités de l'année 2011.
Excellences et nullités de l'année 2012.
Excellences et nullités de l'année 2013.
C'est donc la cinquième fois que je me livre à ce réjouissant exercice consistant à établir, fort sommairement mais de façon frappante voire choquante je l'espère, une liste des livres* excellents ou nuls parus ou lus / relus au cours de cette année 2014. Il va de soi, comme toujours d'ailleurs, que les excellences sont plus nombreuses, heureusement, que les nullités, sans doute parce que je n'ai point lu ou relu, cette année, des livres de Lionel-Édouard Martin, Antoni Casas Ros, Yannick Haenel et son frère jumeau à la mode sollersienne, François Meyronnis.
* Ne figurent dans cette liste, bien sûr, que les livres que j'ai lus, Pierre Mari ou Gregory Mion ayant évoqué des ouvrages remarquables ou mauvais.
Excellences.
Théologie de l'histoire et crise de civilisation de Juan Donoso Cortès (Le Cerf).
Benito Cereno de Herman Melville (Flammarion, coll. GF).
Des cités détruites au monde inaltérable de Max Picard (Plon).
Vertiges de W. G. Sebald (Actes Sud).
Le drame du présent. Les Modérés d'Abel Bonnard (Grasset).
Le Grand Souffle de Robert Penn Warren (Stock).
Les Émigrants de W. G. Sebald (Actes Sud).
Cette sombre ferveur (Lettres à Didier, II) de Vincent La Soudière (Cerf).
Le Soulèvement contre le monde secondaire de Botho Strauss (L'Arche).
L'Apprenti sorcier de Hanns Heinz Ewers (Christian Bourgois).
Ô mort, où est ta victoire ? À propos de Campo Santo de W. G. Sebald (Actes Sud).
Les mandarins sont revenus, chassez-les ! de Pierre Boudot (Les Provinciales).
Le danseur et sa corde de Jacques Bouveresse (Agone).
La Montagne morte de la vie de Michel Bernanos (La Table ronde, coll. La Petite Vermillon).
Danube de Claudio Magris (Gallimard, coll. Folio).
Un Enfant de Dieu de Cormac McCarthy (Le Seuil, coll. Points).
Le Quart de Nikos Kavvadias (Gallimard, coll. Folio).
L'Avenue de Paul Gadenne (Gallimard).
La Politique considérée comme souci de Pierre Boutang (Les Provinciales).
Je n'ai aucune idée sur Hitler de Karl Kraus (Agone).
Les Anneaux de Saturne de W. G. Sebald (Actes Sud).
Être homme c'est ne pas se contenter. Sur quelques poèmes ésotériques de Fernando Pessoa (Christian Bourgois).
Vie de Rancé de Chateaubriand (Flammarion, coll. GF).
Le signe secret entre Carl Schmitt et Jacob Taubes (Rivages Poche, coll. Petite Bibliothèque).
Ernst Bloch et Jacob Taubes (Les Prairies singulières et L’Éclat).
Le Verbe nu. Méditation pour la fin des temps d'Armel Guerne (Seuil).
Le Langage de Fritz Mauthner (Bartillat).
La Persuasion et la Rhétorique de Carlo Michelstaedter (L’Éclat).
Nullités
Apocalypses sans royaume de Jean-Paul Engélibert (Garnier).
La monnaie des défaites : Renaud Camus, Richard Millet, cœurs brûlants dans une fumée de mots.
Lettre aux Norvégiens sur la littérature et les victimes de Richard Millet (Éditions Pierre-Guillaume de Roux).
Le Grand Remplacement suivi de Discours d'Orange de Renaud Camus (chez l'éditeur).
Méfiez-vous des enfants sages de Cécile Coulon (Viviane Hamy).
Pas pleurer de Lydie Salvayre (Seuil).
La Panique identitaire de Joseph Macé-Scaron (Grasset).
28/12/2014 | Lien permanent
Morteparole de Jean Védrines
C’est dans la discrétion que Jean Védrines fait mûrir une œuvre romanesque subtile, elliptique, parfois fulgurante, dont le sujet unique est la lente destruction de la parole commise par les «milliers de fabriques à petits chefs illettrés» (p. 166), et l'exposition de l'attitude qu'il convient d'adopter pour lutter contre cet état de fait. L’écriture du sixième roman de l'auteur, qui suit La Belle étoile (paru en 2011), L'Italie la nuit (2008) et Stalag (2004) et que j'avais évoqué dans la Zone, est révoltée, belle, malgré quelques vilains tics qui finissent par devenir obsédants (comme celui de l’inversion : «Un arbre, pourtant, il avait vraiment vu en classe, ses ramures effleurant le plafond» (p. 45)), et en dévoile dès le titre le motif dans le tapis. D’un côté, un langage vivant, enfantin, qui conserve la fraîcheur de «la puissance des premières fois, la lumière violente» (p. 26), une parole vivifiante qui se tient aux côtés de l’élan révolutionnaire, l’accompagne, se rebelle et crie, tel un «très lointain souvenir du Christ rouge» «le pain, un toit, la dignité des pauvres» (p. 90).
Jean Védrines est du côté de Bernanos lorsqu'il écrit : «Même si je reste persuadé qu'une poignée d'entre nous, l'élite de chaque génération, réussit à sauver l'enfant qu'il fut, à le garder du monde, des autres, de la bêtise adulte, puissante et arrivée. Mais c'est secret, enfoui au tréfonds, on n'en perçoit pas de signe visible, rien sur le visage qui trahisse que le gamin, le huit, neuf ans, est dissimulé là-dedans, a pris le cœur, les sentiments, et le reste, âme, esprit, idée [...]. C'est la position sociale souvent qui va révéler cette folie, cet enfermement dans l'enfance : le renoncement au travail, le dénuement, la pauvreté qui mène à l'hôpital, sous les ponts. Ou à la vie violente, sacrifiée» (pp. 23-4).
De l’autre, un langage mourant, mort à vrai dire, celui des Maîtres, des vieillards, de ce pitoyable et si médiocre Bec-Amer, «rebut de mots techniques, pesants et grossiers» qui ne peut que détester la «parole brûlée» (p. 95) qui fut un temps celle de l’ami de Giovan, le héros de L’Italie la nuit, Paul, avant qu’il ne sombre dans la grisaille professorale et n’oublie «les histoires riches et girondes comme des filles, les corps à détours, replis et secrets. La littérature, en somme, les délices» (p. 100). Il s’agit ainsi de se convertir à la Parole, «à la beauté du Verbe, au seul deuxième monde auquel nous avons à coup sûr accès» (p. 102), et de fustiger la «prose rabougrie» (p. 104) empestant «la morgue, le formol» (p. 106) des contrôleurs et ergoteurs qui pullulent. Cette conversion est une conquête ou plutôt, une reconquête, afin de retrouver la «parole enfantine», «une emprise infinie sur la beauté du monde» (p. 134). Dans ce roman qui n’est qu’un long cri de colère et peut se lire comme la geste de tout homme aux prises avec l’injustice, Giovan est le nécessiteux, alors que tout est facile, donné à Paul, les bonnes notes puis les belles femmes. L’un doit lutter pour rester pur, reconquérir la langue sonnant pouilleuse de ses ancêtres, conquérir la française, et cela alors même, nous confie Jean Védrines, que nos forces s'épuisent et que la chute paraît s'accélérer (cf. p. 136), l’autre s'abaisse, délaisse les images «tracées comme à la cendre, à la suie, sur la pierre des falaises, des cavernes» (p. 136), et nous ne savons à vrai dire, des deux hommes, qui sauvera sa vie et son âme par une fidélité aimante à la parole vivante.
Une version plus courte de cette note de lecture a paru dans le numéro de la revue Études du mois de novembre, dont voici le sommaire.
31/10/2014 | Lien permanent
Excellences et nullités, une année de lectures : 2016
Rappel
Excellences et nullités de l'année 2010.
Excellences et nullités de l'année 2011.
Excellences et nullités de l'année 2012.
Excellences et nullités de l'année 2013.
Excellences et nullités de l'année 2014.
Excellences et nullités de l'année 2015.
Exceptionnellement, l'une des nullités ne concerne pas, cette année, un ouvrage, mais une attitude, l'attitude de la fille d'un homme qui fut un grand éditeur, l'attitude abjecte, irresponsable et surtout profondément inculte de la nouvelle patronne de L'Âge d'Homme, une maison d'édition naguère courageuse et intelligente et aujourd'hui littéralement ridiculisée par la connerie rageuse, la rage imbécile (il n'y a pas d'autre mot) d'une femme qui dilapide un héritage remarquable, l'héritage des lecteurs que nous sommes.
Excellences
Histoire d'un Allemand de Sebastian Haffner (Actes Sud/Babel).
Les Réprouvés d'Ernst von Salomon (Bartillat).
La Religion perverse. Essai sur le charisme, de Jean-Luc Evard (Le Rocher).
Moravagine de Blaise Cendrars (Grasset/Les Cahiers rouges).
Au nom du père de Christian Guillet (L'Âge d'Homme).
Les Manœuvres d'automne de Guy Dupré (Bartillat/Omnia).
Contre les Français de Manuel Arroyo-Stephens (Exils).
Orages d'acier d'Ernst Jünger (Le Livre de Poche).
Le grenier de Bolton Lovehart de Robert Penn Warren (Chambon/Le Rouergue).
La Symphonie des spectres de John Gardner (Points/Signatures).
De la désintégration des formes dans l'art moderne de Max Picard (E. Vitte/Parvis).
Jeanne d'Arc et l'Allemagne de Léon Bloy (Jérôme Millon/Atopia).
Je ne pense plus voyager de François Sureau (Gallimard/NRF).
Le Cœur aventureux d'Ernst Jünger (Gallimard).
Le secret de René Dorlinde de Pierre Boutang (La Différence).
Parade sauvage de Jean-Jacques Salgon (Verdier).
Le Territoire de l'homme d'Elias Canetti (Le Livre de poche/Biblio).
Le Grand d'Espagne de Roger Nimier (Gallimard/Folio).
Une génération perdue de Maurizio Serra (Seuil).
Quelques pistes bloyennes de recherche sur Sous le soleil de Satan de Georges Bernanos (Gallimard/La Pléiade, édition de Béguin, Picon et Estève).
Narthex de Marien Defalvard (Exils).
Lancelot de Walker Percy (J'ai Lu).
La mort d'Artemio Cruz de Carlos Fuentes (Gallimard/Folio).
«De nouveau l’âme vacille». Sur Océan et Brésil d’Abel Bonnard (Flammarion).
Les Déracinés de Maurice Barrès (Bartillat/Omnia).
Le Siècle des Lumières d'Alejo Carpentier (Gallimard/Folio).
Nullités
Naufrage d'un prophète. Heidegger aujourd'hui de François Rastier (PUF).
La (seule) librairie française des Éditions L'Âge d'Homme est-elle morte d'une indigestion de cuisine végane ? (L'Âge d'Homme, ou ce qu'il en reste).
Jacques Fesch. Mystique public n°1 de Mireille Cassin (Cerf).
Les Événements de Jean Rolin (POL).
Armel Guerne l'annonciateur de Charles Le Brun et Jean Moncelon (Pierre-Guillaume de Roux).
La littérature sans idéal de Philippe Vilain (Grasset).
Les Verticaux de Romaric Sangars (Léo Scheer).
Guerilla de Laurent Obertone (Ring).
30/12/2016 | Lien permanent